Irrigation
Intérêt (et limites) des sondes tensiométriques et capacitives

La Senura a réalisé une étude comparative sur l'utilisation des sondes tensiométriques et capacitives. Des outils intéressants pour piloter l'irrigation des vergers de noyers.
Intérêt (et limites) des sondes tensiométriques et capacitives

Pour faire face au changement climatique tout en préservant qualité et rendement, les nuciculteurs ont de plus en plus recours à l'irrigation. Cette évolution n'est pas sans poser question dans certains territoires où l’irrigation des cultures peut entrer en conflit avec d’autres usages, tels que la fourniture en eau potable ou la production d’électricité. Consciente de ces enjeux, la Senura mène depuis plusieurs années des actions pour aider les producteurs à gérer aux mieux les besoins en eau de leurs vergers. Elle s'est notamment intéressée aux outils permettant de piloter l'irrigation, au premier rang desquels les sondes tensiométriques et capacitives.

Optimiser l'irrigation

Il y a quatre ans, dans le cadre du contrat de rivière Sud Grésivaudan, la station expérimentale de Chatte a lancé une étude comparative sur l'utilisation de ces sondes qui déterminent la disponibilité en eau du sol. Tensiométrique ou capacitif, les deux matériels permettent d'optimiser l'irrigation en fonction des besoins des arbres. Mais leur principe est assez différent. Alors que les sondes capacitives mesurent la « permittivité diélectrique du sol », autrement dit son taux d'humidité, les sondes tensiométriques déterminent la tension que va déployer la racine de l'arbre pour aller chercher de l'eau dans le sol.

Deux systèmes différents

Equipées de capteurs placés les uns en dessous des autres tous les 10 cm, les sondes capacitives mesurent un pourcentage d’eau dans le sol sur la profondeur qu'elles explorent (60 ou 90 cm selon les modèles). Les sondes tensiométriques mesurent quant à elles la vitesse de déplacement d'un influx électrique dans le sol et la convertissent en tension, exprimée en centibar (cb). Les mesures allant de 0 (sol saturé en eau) et 239 centibars (sol desséché), le déclenchement de l'irrigation se situe généralement entre 60 et 100 cb, selon la météorologie et la nature de la parcelle.

Delphine Sneedse, ingénieure chargée d'expérimentation à la Senura, a présenté les avantages et les inconvénients des différents types de matériels.

La Senura a testé les performances de ces deux types de sondes et présenté les résultats de ses travaux aux producteurs de noix fin janvier. Les tests ont été réalisés sur plusieurs types de sol (limoneux, argileux, sablo-argileux, argilo-limoneux-sableux...), avec différents systèmes d'irrigation, selon un protocole identique et rigoureux. Chaque parcelle a été « coupée » en deux, avec d'un côté la modalité (façon de faire) du producteur, de l'autre celle de la Senura. Cinq arbres, essentiellement de variété franquette, ont été suivis pour chacune de ces modalités. Le positionnement des sondes a partout été le même : un tiers de la surface d'aspersion, décalé sur l'inter-rang.

Système par aspersion ou pendulaire

Les essais ont commencé en 2016 dans trois parcelles situées à La Sône, Saint-Romans et Saint-Lattier. L'échantillon s'est peu à peu étoffé pour totaliser huit vergers en 2020 (Chatte, Izeron, Saint-Bonnet-de-Chavagne et Saint-Hilaire-du-Rosier). Cinq sont irrigués avec un système par aspersion et trois en pendulaire. « A chaque fois, nous suivons les cinq mêmes arbres pour voir comment les sondes réagissent, quelles sont les conséquences sur le développement des arbres, les maladies etc. », explique Delphine Sneedse, ingénieure chargée d'expérimentation à la Senura.

Avantages et inconvénients

Avec le recul de plusieurs campagnes de mesure, aucun matériel ne semble prendre le pas sur l'autre. Les deux fournissent des données faciles à lire et à interpréter. Mais chacun présente ses avantages et ses limites.

Sondes tensiométriques

Utilisables pour le pilotage dès la première année d'installation, les sondes tensiométriques livrent une mesure rapide, mais ponctuelle et limitée en profondeur. D'où la nécessité d'en installer au moins trois paires à 25 et 50 cm de profondeur, ce qui permet « une meilleure prise en compte de l'hétérogénéité », souligne Delphine Sneedse. Mais la multiplication des sondes impose davantage de cables à gérer, donc davantage de risques de coupure. Ces sondes ne permettent pas non plus de déterminer si les apports d'eau sont trop importants. Enfin, leur implantation est assez facile, mais il est important de « bien la réfléchir, car il y a un risque de décrochage, c'est-à-dire que les sondes ne répondent plus », prévient l'ingénieure.

Sondes capacitives

Les sondes capacitives sont plus délicates à implanter, surtout en sol caillouteux. L'expérimentatrice de la Senura conseille de les placer entre 50 et 60 cm de profondeur, car « c'est là que se trouve l'enracinement principal ». Intérêt de ces sondes : elles permettent non seulement d'estimer la profondeur d'enracinement, mais aussi la réserve facilement utilisable du sol (RFU), et donc d'ajuster les quantités d'eau à apporter. En revanche, la détermination des seuils demande du temps et un peu de technicité. « ll faut attendre au moins une saison complète pour placer les seuils bas de RFU », précise Delphine Sneedse.

Investissement important

Question coût, l'investissement initial est important pour les deux types de sondes : un peu plus de 1 200 euros pour un jeu de sondes tensiométriques avec le monitor GPRS contre 1600 à 2000 euros pour une sonde capacitive avec son boîtier solo GPRS. A cela, il faut ajouter entre 85 et 115 euros pour les forfaits d'abonnement téléphonique et d'accès aux données par internet. Des coûts non négligeables qui devraient inciter les producteurs à penser mutualisation.

Marianne Boilève

Questions pratiques

Où placer les sondes ?
Le problème numéro 1, c'est la représentativité de la parcelle. « Il est important de bien connaître ses parcelles au départ pour placer judicieusement ses sondes, rappelle Delphine Sneedse, ingénieure chargée d'expérimentation à la Senura. Si l'on veut être sûr, il faut faire un profil de sol avant afin de placer la sonde en fonction du développement racinaire de l'arbre. »
Que choisir sur un sol argileux ?
Les sondes tensiométriques sont à privilégier pour le pilotage sur sol argileux. Elles fournissent de bons résultats, mais il faut prendre les valeurs médianes qu'elles donnent pour ajuster les apports d'eau.
Les sondes capacitives sont-elles compatibles avec un sol caillouteux ?
Oui, mais il faut tester plusieurs emplacements, de façon à trouver celui qui permettra un contact régulier avec le sol, les capteurs se situant tous les 10 centimètres le long de la sonde.
Comment savoir si ma sonde fonctionne ou pas ?
Le fait d'avoir plusieurs sondes permet de s'assurer de la cohérence des informations recueillies. Mais cela représente un coût certain.