En chiffres
Les Alpes et le pastoralisme

Portrait d'une économie de montagne dynamique mais menacée.
Les Alpes et le pastoralisme

Quand Philippe Cahn, président du réseau pastoral Auvergne-Rhône-Alpes (1), présente les chiffres du pastoralisme dans les Alpes (2), il fait valoir le poids de toute cette économie de montagne et de ses enjeux.

Le domaine pastoral représente 1,13 million d'hectares, soit 28% de la superficie du massif français (17% d'estives et 11% de zones pastorales).

Le nombre de bêtes estivées est tout aussi impressionnant : 770 000 ovins (75% des animaux), 92 000 bovins allaitants (28% du cheptel) et 25 000 vaches laitières (20% de l'effectif).

Pas moins de 5 500 personnes travaillent en estive. « Ce n'est pas rien », commente Philippe Cahn. L'activité génère en effet 800 emplois salariés.

Les données recueillies par le Cerpam (3) et le réseau pastoral font apparaître toute la dimension collective du pastoralisme avec 53% des surfaces gérées par des groupements pastoraux, principalement en élevage ovin.

L'utilisation individuelle est surtout le fait des élevages bovins des deux Savoie où 97% de la production est transformée.

Enfin, les flux de transhumance observent une tendance sud/nord-est, principalement ovine, les bovins - en hausse de 8% depuis 1996 - pratiquant des déplacements plus localisés, hormis le flux transfrontalier avec l'Italie.

Adaptation et résilience

« Le pastoralisme est menacé par la prédation qui impacte durement nos système intensifs. C'est une calamité », tranche Philippe Cahn. Il y a eu 3 500 attaques en 2018 qui ont fait environ 11 000 victimes.

Les pertes en 2019 s'établissent à 6 000 ovins pour la région Paca et 3 500 pour Aura. Mais dans les Alpes disparaissent aussi des bovins (environ 150), des caprins (plus de 400) des chiens (presque 100) et des équins (une dizaine).

Le président du réseau pastoral Aura pose la question des moyens de protection et de la façon « d'unifier nos efforts ». Maploup, le portail d'information sur la prédation par le loup dans la Région Auvergne-Rhône-Alpes lancé en Isère et en Savoie, a obtenu une reconnaissance nationale. Il devrait s'étendre au sud des Alpes.

« La biodiversité, c'est l'élevage et non pas le loup », martèle le président du réseau pastoral.

Il ajoute qu'il y a 4 500 chiens reconnus dans le massif des Alpes. Luc Falcot, le président du Cerpam les appelle « les chiens fonctionnaires », imposés aux éleveurs.

Il considère comme un échec relatif toutes les mesures de prévention face au loup. La prédation est stable depuis trois ans, mais la population lupine est en forte croissance et colonise de nouveaux territoires.

Partager la montagne

Un des grands enjeux est la communication autour des activités pastorales, mais aussi l'amélioration des relations entre usagers des espaces pastoraux et une meilleure valorisation des produits issus de ce type d'élevage.

Autant d'actions qui requièrent le recrutement d'une main-d'œuvre qualifiée et formée, surtout quand il s'agit de faire face au loup. La crise Covid a généré une plus grande fréquentation de l'espace montagne, multipliant les risques et les interactions, obligeant à rappeler les règles du partage de la montagne.

L'autre grande affaire du pastoralisme du XXIe siècle est l'adaptation au changement climatique. « La PAC doit soutenir un élevage de qualité et résilient face au changement climatique », interpelle Luc Falcot.

Les sécheresses interrogent la ressource en eau, en fourrage, nécessitent un accompagnement technique et des investissements.

Isabelle Doucet

(1) Le réseau pastoral alpin est constitué des services pastoraux alpins et du Suaci (FAI, Adem26 etc.)

(2) Présentation réalisée dans le cadre des Assises européennes du pastoralisme qui se sont déroulées le 8 octobre 2020 à Grenoble.

(3) Le Cerpam ou Centre d'Etudes et de Réalisations Pastorales Alpes-Méditerranée

 

Pour aller plus loin, voir l'article sur les Assises du pastoralisme : Un engagement collectif au service du pastoralisme alpin