Fonte des glaces
La fonte rapide des glaciers des Alpes

Morgane Poulet
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Le Conseil scientifique a lancé sa première conférence le 14 janvier, à l’hôtel de ville de Grenoble, dans le cadre de Grenoble capitale verte européenne 2022. Elle abordait l'imminence de la fonte des glaciers, qui se constate particulièrement dans les Alpes.

La fonte rapide des glaciers des Alpes

Samuel Morin, directeur du Centre national de recherches météorologiques, le rappelle, la planète bleue connaît de plus en plus d’années « chaudes ». Depuis 1850, la température mondiale a ainsi augmenté d’1,1 °C. Au Col de Porte, en Isère, une hausse de presque 1 °C est observée depuis 1960, accompagnée d’une diminution de 40 cm d’épaisseur de neige.

Les glaciers, miroirs de la hausse des températures

Delphine Six, glaciologue à l’Institut des Géosciences de l’Environnement de l’Université Grenoble-Alpes, explique que « pour les scientifiques, les glaciers sont des icônes, des indicateurs, des témoins et des sentinelles du changement climatique en montagne ». Elle précise tout de même qu’il faut plus de 30 ans d'analyses pour qu’un glacier puisse devenir un « témoin ».

Seuls 40 glaciers sur les 210 000 qui parent la planète font l’objet d’observations continues en routine de long terme* sur plus de 40 ans. En France, il y en a trois : les glaciers de Sarenne (Isère), de Saint-Sorlin (Savoie) et d’Argentière (Haute-Savoie).

Les conséquences de la fonte des glaciers

Selon Samuel Morin, d’ici 2100, « 25 à 55% des glaciers disparaîtront ». Dans le cas d’Argentière, 80 à 100% de sa surface pourraient fondre.

Or, « les glaciers ont un impact sur les ressources en eau », précise Delphine Six. « Nous sommes par exemple aujourd’hui en mesure de simuler les débit attendus à l’aval du glacier d’Argentière d'ici 2100 : jusqu'en 2040, les débits de rivières augmenteront en raison de la fonte du glacier et ensuite, ils diminueront car de moins en moins de surfaces fondront. » Si les glaciers disparaissent, l’apport d'eau aux rivières se décalera, il y aura fonte de neige, mais plus de fonte de glacier en juillet et en août, ce qui posera problème à la biodiversité qui manquera d'eau.

L'eau, une ressource à préserver

Aurélie Campoy, de la CLE (Commission Locale de l’Eau), explique que quatre nappes d’intérêt stratégique doivent être préservées et servent aujourd’hui à alimenter l’agglomération grenobloise. Grenoble a pour l’instant d’importantes capacités en eau et ne devrait pas en manquer d’ici 2050. En effet, aujourd’hui, seulement un cinquième des capacités des nappes est utilisé pour la production d’eau potable. Qui plus est, « d’importants barrages hydroélectriques, donc de gros réservoirs, se trouvent au-dessus des nappes pour les soutenir » en cas de sécheresse.

En revanche, la question du partage d’eau se pose avec les agglomérations lyonnaise et chambérienne. Ces régions arrivent progressivement à saturation de leurs ressources en eau. Des demandes de maillage pourraient donc être émises avec des ressources à proximité. Les nappes du Drac et de la Romanche étant gérées par Grenoble Alpes Métropole, en cas de demandes émanant de Lyon ou de Chambéry, des échanges auront lieu pour vérifier les capacités de la capitale des Alpes.

Des enjeux d’accès à l’eau apparaîtront également dans les lieux où il y a des déficits, notamment en raison de sources qui se tarissent ou disparaissent. « Sécuriser les points d’accès à l’eau pour les troupeaux et pour les bergers » est un sujet qui devient urgent et auquel il convient de trouver des solutions, conclut Aurélie Campoy.

Morgane Poulet

* Il s’agit d’analyser les glaciers pour ensuite pouvoir disposer de tout un panel d'informations pour définir si le glacier est un indicateur climatique. Il faut pour cela connaître la longueur et la superficie des glaciers, les épaisseurs de glace, leur variation d'année en année, le bilan de masse annuel, la vitesse d’écoulement de masse et les mesures de météorologie et d'hydrologie quand cela est possible.

Les Alpes en chiffres

- Dans les Alpes françaises, en dessous de 2000 m, 4 à 7 jours d’enneigement ont été perdus par décennie depuis 1850.
- Les Alpes comprennent aujourd'hui 250 km² de glace.
- Les Alpes ont perdu 50% de leur superficie en glace depuis 1850.
- 30% de glace ont disparu en moyenne ces 45 dernières années dans les Alpes. Le glacier de Saint-Sorlin a perdu 30% de sa superficie en 15 ans et perd en moyenne 2 m de glace depuis 20 ans.
- Les glaciers des Alpes françaises perdent en masse en raison d'une fonte et d'une ablation de plus en plus fortes, liées à une augmentation des températures estivales mais aussi à la longueur des saisons de fonte. Il faut également compter avec l’impact de la pluie sur la neige ou encore du noircissement des neiges.
- Si l’ensemble des glaciers fondait, le niveau des mers augmenterait de 40 cm.

MP