Théâtre
Des échos ruraux qui sonnent juste

Isabelle Doucet
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La compagnie Les Entichés a proposé à Villard-Bonnot des morceaux de ruralité qui font mouche par leur réalisme et ont donné matière à des échanges soutenus entre les acteurs, le public et les agriculteurs locaux.

 Des échos ruraux qui sonnent juste
Les comédiens ont donnée vie à une palette de personnages qui font la ruralité.

La compagnie Les Entichés, basée dans le Cher, a passé deux années à collecter la parole de ceux qui font le monde rural. Elle en a tiré une pièce de théâtre, « Échos ruraux » où chaque tirade sonne juste tant elle est le reflet d’une ruralité bousculée, mais déterminée à défendre ses valeurs.
Présentée vendredi 18 mars à l’espace Aragon à Villard-Bonnot, cette pièce a attiré un large public venu du Grésivaudan. À l’issue de la représentation, les spectateurs ont pu échanger avec les acteurs et des paysans locaux.
Dans cette plongée dans le monde rural, on accompagne Thomas, héritier d’une ferme criblée de dettes ; sa sœur, qui a fait le choix d’une vie citadine ; le maire, tiraillé entre son conseil municipal et la communauté de communes ; l’employée multicarte de la MSAP(1) et toute une foule de personnages sans lesquels ces territoires ne seraient que jachère.
« Nous nous sommes rendu compte que l’agriculture était un enjeu central de la ruralité », témoigne un des acteurs au moment des échanges avec la salle. « Tous nos personnages sont vrais », explique une autre actrice. Tellement vrais que c’est un élan unanime de la part des agriculteurs présents et de certains spectateurs qui disent : « On a l’impression d’entendre sa famille. »



« Le rapport au père, je connais bien, lance Jérémy Rajat, qui a repris la ferme familiale en Belledonne. Mais aussi soigner les veaux, passer la nuit et qu’ils crèvent le matin, je connais. La paperasse administrative, aussi. »

Pas hostile, mais pas facile

Et puis, le public interroge. L’isolement ? Les difficultés ? « On se sent de côté en raison de la dureté du métier. Ici, les gens prennent des forfaits saison pour aller au ski, alors que mes enfants n’y vont pas souvent. Et je ne peux pas manger bio tous les jours », assure Sylvain Béranger, éleveur aux Adrets. Il raconte une réalité du métier, voire une violence, à laquelle sont confrontés beaucoup de ceux qui s’installent avec une vision idéalisée de l’agriculture… Tout cela pour se dégager un Smic au bout de six ans.



« Faut faire ses preuves », avance une productrice de PPAM (2) qui remercie de leur soutien les élus locaux et les anciens. Mais sur ces terres prisées, la concurrence est une réalité et le foncier un problème de fond(s). « Pas hostile, mais pas facile », explique la productrice.
Dorian Magniat, associé de la Ferme Ouche, aux Petites Roches, un lieu de production, mais aussi un lieu de vie en plein développement, pose la question de la valeur des produits en deçà de celle du travail horaire. « Nous percevons de l’argent public, détaille-t-il. Donc il est normal de faire de la paperasse et de rendre des comptes. Ce qui ne va pas, c’est de ne pas vivre de ce que l’on produit. »

Isabelle Doucet

(1) MSAP : Maison de service au public
(2) PPAM : plantes à parfum, aromatiques et médicinales.