Fromagerie
Tout l'intérêt de peser ses fromages

Isabelle Brenguier
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Les écarts de poids des fromages coûtent cher aux éleveurs. Pour les amoindrir, il est conseillé de peser de temps à autre sa production.

Tout l'intérêt de peser ses fromages
Valérie Béroulle, technicienne du syndicat caprin de la Drôme, a fait deviner le poids de différents fromages aux éleveurs, pour les sensibiliser à l'intérêt de la pesée.

Un écart de deux grammes dans un fromage, cela ne semble pas être grand-chose. Mais quand il est reproduit à longueur d’année, au bout du compte, cela représente des volumes… et de l’argent. Tel est le propos tenu par Valérie Béroulle, technicienne du syndicat caprin de la Drôme, et Sabrina Raynaud, ingénieur agronome à l’Institut de l'Élevage (Idele), à l’occasion des deuxièmes Rencontres du fromage fermier organisées en décembre dernier au lycée agricole Reinach de La Motte-Servolex.

Sommes importantes

Afin que les producteurs prennent conscience de l’importance de peser leurs fromages pour optimiser leurs revenus, les deux techniciennes leur ont présenté trois picodon AOP de la ferme expérimentale caprine du Pradel en Ardèche. A les regarder, ils semblaient identiques.

Mais ils ne l’étaient pas. Il y en a un qui pesait 78 grammes, un autre 80 grammes et un dernier de 83 grammes. « Cela ne représente qu’une légère variation mais à la fin de l’année, ce sont des sommes importantes perdues pour les éleveurs », indique d’une même voix Valérie Béroulle et Sabrina Raynaud.
Prenant l’exemple d’un autre fromage censé peser 135 grammes, elles indiquent que lorsqu’on fabrique 1 000 fromages par jour, s’ils pèsent 2 grammes de plus, on aurait pu fabriquer 15 fromages en plus par jour. S’agissant de fromages vendus environ 1,25 euros pièce, cela représente une perte de 18,75 euros par jour, soit pour une lactation de 250 jours, une perte de 4 687 euros.
« Peser ses produits est encore plus important quand on les commercialise à la pièce et non au poids », soulignent-elles ainsi.

Les bons repères

Mesurer son rendement fromager permet de l’optimiser. Il ne s’agit pas de peser systématiquement. Loin de là. Mais de temps à autre, même si cela prend un peu de temps, cela vaut la peine de regarder si on moule trop ou pas assez.
Surtout lorsque, dans une même exploitation, on est plusieurs à le faire. Les deux techniciennes préconisent ainsi de réaliser cette mesure au démoulage, lorsque le caillé est bon, de façon à prendre les bons repères, et de savoir combien il faut mettre de moules sur sa grille.
Elles incitent aussi les éleveurs à se munir d’un acidimètre, d’un thermomètre, d’une balance et d’une calculatrice.

Les fondamentaux de l’élevage

Présentant également les résultats issus d’une étude réalisée en 2021 dans 37 fermes caprines de la région Aura (Auvergne Rhône-Alpes) visant à mesurer leurs rendements bruts, les deux techniciennes révèlent que « le rendement mesuré dans les fermes variait de 17 à 30 kg de fromage au démoulage pour 100 litres de lait, selon la période, la qualité du lait, les paramètres de fabrication... Cela a représenté des pertes financières allant jusqu’à 7 500 euros sur l’année. »
Elles ont aussi profité de la rencontre pour rappeler aux éleveurs l’importance des fondamentaux de l’élevage, et notamment l’alimentation des bêtes, la génétique, et l’impossibilité de passer du jour au lendemain en lactation longue, ou en mono-traite. 

Pour mesurer son rendement, l’Idele a mis au point un outil disponible sur le site de l’Institut à l’adresse : https://rendement-fromager.idele.fr/

Isabelle Brenguier

 

Sandrine Anselmet, technicienne à la Chambre d’agriculture de l’Isère, explique l'intérêt de peser ses fromages pour optimiser son revenu dans la vidéo ci-dessous.

Une diversification réussie
Sylvie Morge et Sandrine Anselmet, des Chambres d'agriculture de l’Ardèche et de l’Isère, ont présenté les associations de fromages qui peuvent fonctionner ensemble.
Economie

Une diversification réussie

Diversifier sa production ne s’improvise pas. Cela doit être réfléchi et cohérent en termes de flux et d’organisation du travail. Il faut aussi veiller à ce que cela ne devienne pas une contrainte de travail. 

La diversification fromagère peut représenter une opportunité pour améliorer son revenu.
« Globalement, cela fonctionne bien », indiquent Sandrine Anselmet, technicienne à la Chambre d’agriculture de l’Isère et Sylvie Morge, technicienne au sein de l’organe consulaire de l’Ardèche, qui ont profité des deuxièmes Rencontres du fromage fermier organisées en décembre dernier au lycée agricole Reinach de La Motte-Servolex, pour donner quelques clés aux producteurs pour bien réussir leur diversification.

Ne pas brader ses produits

Il y a des associations qui fonctionnent bien. Et d’autres qui ne fonctionnent pas. Pour éviter que des producteurs au moment de diversifier leur gamme ne commettent certaines erreurs, les deux techniciennes ont commencé par rappeler certains prérequis, comme s’équiper -d’un thermomètre, d’un acidimètre et d’une balance-psychromètre (1)-, se former avec des techniciens ou grâce à des échanges avec d’autres producteurs, et réaliser des analyses microbiologiques sur tous les produits. Elles ont aussi incité les producteurs à bien ajuster leurs prix de vente.
« Tous les produits n’ont pas les mêmes coûts de production. Ils ne doivent donc pas être vendus aux mêmes prix ; il ne faut pas brader ses produits, il faut qu’ils soient rentables. S’ils ne le sont pas, il ne faut pas se lancer », ont-elles mis en garde. Et elles ont insisté sur la nécessité de bien penser aux locaux. « Selon les productions, il faut voir les organisations du travail à mettre en place pour limiter les contaminations et peut-être prévoir plusieurs caves d’affinage. Il ne faut pas imaginer que les glaces puissent se trouver au milieu des fromages », ajoutent-elles.
Et elles enjoignent les producteurs à ne pas trop se diversifier. « Les journées ne font que 24 heures. Se diversifier représente du travail et une charge mentale importante. Il faut faire attention à ne pas trop en faire, et à ne pas non plus proposer trop de parfums différents », avertit Sandrine Anselmet. 

Se former

Les deux expertes ont présenté les associations de fromages (pâtes molles, pâtes persillées, pates pressées, lactiques) qui peuvent fonctionner ensemble selon le matériel et les conditions d’affinage dont disposent les producteurs. Les techniciennes ont rappelé la nécessité de bien laver et même désinfecter les contenants. « Les salmonelles par exemple, se conservent très bien à une température de -3°C pendant un an », soulignent-elles.
Elles ont aussi reprécisé que pour confectionner des crèmes desserts, il faut faire très attention aux œufs et au risque de présence de salmonelle. S’ils sont pris en coquille, ils ne doivent pas être cassés dans la fromagerie. Réalisant un petit focus sur la fabrication des glaces, elles recommandent aux producteurs de se former, car il n’est pas évident d’obtenir un mix équilibré.
Elles rappellent aussi que c’est une production qui nécessite des investissements importants (2) et que les tarifs de vente ne sont absolument pas concurrentiels avec des produits vendus en grande surface. Il est donc indispensable de procéder en amont à une étude de marché pour s’assurer d’avoir le débouché qui convient.

(1)   instrument qui mesure l'humidité relative de l'air

(2)   Une turbine coûte 25 000 euros

IB

Retrouvez les conseils de Sandrine Anselmet pour bien réussir sa diversification dans la vidéo ci-dessous.