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Des images percutantes

Morgane Poulet
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A partir du 16 décembre, le musée de Grenoble exposera deux nouvelles collections, celle d'Antoine de Galbert pour la saison hivernale, celle de Joan Miró pour le printemps.

Des images percutantes
Mathieu Pernot, « Mohamed Abakar, Mólyvos, Lesbos », 2020 ©ADAGP, Paris 2023.

La saison à venir au musée de Grenoble sera assez éclectique. Deux expositions bien différentes se succèderont. La première, une collection de photographies cédées par Antoine de Galbert, aura vocation à représenter différentes facettes du monde quand la seconde, une exposition d’œuvres de Joan Miró, montrera la vision du monde de l’artiste.
 
Une exposition particulière
 
Fruit de la donation d’Antoine de Galbert, « Une Histoire d’images » sera exposée du 16 décembre 2023 au 3 mars 2024. « Il s’agit du fruit d’un mécénat, d’une collection très personnelle, très originale, qu’Antoine de Galbert nous a confiée pour enrichir la collection du site », explique Guy Tosatto, directeur du musée de Grenoble.
Ce dernier souhaitait en effet se doter d’un fonds de photographies témoignant de l’art et de l’histoire du XXe siècle. C’est désormais chose faite. Reflets de la sensibilité d’Antoine de Galbert, qui depuis plusieurs années collectionne les photos, les 270 clichés sélectionnés ont été pris par 95 photographes du monde entier. En témoigne une image réalisée par la Polonaise Wiktoria Wojciechowska qui, en 2014, constituait une galerie de photographies de plus de 70 portraits de soldats et de civils pendant la guerre du Donbass. Cette photo est à l’origine de la direction donnée au fonds d’Antoine de Galbert : ce dernier s’est fixé pour objectif de collectionner les images parlant de notre histoire et de notre époque.
 
Reflets du monde
 
Parmi les clichés marquants, le visiteur pourra également observer celui pris par Tomasz Tomaszewski. « Nous pouvons y voir un paysan ruiné par la collectivisation des terres par l’URSS, constate Guy Tosatto. Il a l’air de méditer sur ce qu’est le centre de l’Europe aujourd’hui. »
Du côté des Etats-Unis, une photo de Chester Higgings, « A young muslim woman in Brooklyn » (« Une jeune musulmane à Brooklyn ») prise en 1990 représente le travail mené par l’artiste pendant sa carrière. Né en 1946, d’ascendance afro-américaine, il a travaillé pendant 40 ans au New York Times et a œuvré à « parler de sa communauté en-dehors des clichés », confie le directeur du musée.
Des photographies du bidonville ayant existé pendant vingt ans à La Courneuve, au nord de Paris, seront également exposés, mais sous un angle qui peut paraître original. « Ce sont des images très heureuses qui ont été prises, qui montrent tout de même une vie et pas seulement de la misère », commente Guy Tosatto. Dans cette optique, des photographies de la jungle de Calais ont également été choisies « afin de redonner de la dignité aux lieux ». Gilles Raynaldy, avec « 25 octobre 2016, la grande cabane, que l’on dit être la première à avoir été construite dans la Jungle, après le départ des derniers occupants, zone nord », s’attache à montrer les lieux qui ont été désertés par des personnes qui y étaient pourtant rassemblées et qui leur ont amené de la vie, une histoire.
Des photomontages ainsi que des vidéos seront présents dans l’exposition, car ils font partie intégrante de l’évolution de la photographie au cours des années.
Il s’agira également pour le musée de Grenoble de faire entrer le photojournalisme dans ses murs. « Les frontières sont de plus en plus perméables entre le photojournalisme et les photos artistiques », concède Guy Tosatto, car même si les photographies retenues sont pour certaines « classiques », d’autres ont réellement pour intention première d’informer sur des faits qui ont marqué l’histoire à travers le monde.
 
Ode à Miró
 
Puis du 20 avril au 21 juillet 2024, le musée accueillera une exposition dédiée au peintre catalan Joan Miró, en partenariat avec le Centre Pompidou. Un prêt exceptionnel de plus de 120 œuvres, parmi lesquelles des dessins, des peintures et des sculptures, sera confié à Grenoble.
Ce dernier sera représentatif de la carrière de l’artiste. En effet, à partir des années 1910, sa période dite « détailliste » représente des scènes réalistes et paysannes. Au milieu des années 1920, ses « peintures de rêve » émergent et séduisent rapidement les surréalistes tels que Robert Desnos et Michel Leiris. Tantôt émerveillé, tantôt sombre vis-à-vis du monde qui l’entoure, son style unique fait dire à son biographe, Jacques Dupin, qu’il construit son « Mirómonde ». Pour Guy Tosatto, il s’agit d’un « univers profond, qui n’est pas que celui d’un enfant. C’est ce que nous voulons montrer à travers l’exposition ».
Dans les années 1930, Miró connaît une crise existentielle au cours de laquelle il fait de « l’anti-peinture » avec des ratures. Jacques Dupin parle à ce moment d’une « œuvre belle comme des ricanements ». Sa peinture est plus sauvage, composée de grands pastels hallucinatoires sur papier de velours.
Au début des années 1950, il découvre l’Amérique et réalise de nombreuses compositions murales. Il utilise notamment des bandes de soie sur lesquelles il crée ses « hiéroglyphes ». Mais l’accent sera surtout mis sur sa carrière après son installation à Palma de Majorque, en 1954. Il s’agit pour Miró d’un tournant dans son œuvre : sa peinture devient de plus en plus gestuelle et directe.
 
Un univers unique
 
« La Sieste », tableau réalisé en 1925, donne un aperçu de la proximité que l’artiste entretient avec les poètes. La peinture, d’un style assez onirique, fait office de « hiéroglyphes en liberté », pour Michel Leiris.
Le musée présentera également des « peintures poèmes », comme « Etoile, nichons, escargot, soleil, comète, palpitation de la chair », réalisée en 1937.
La fin de carrière de l’artiste sera également représentée, notamment avec « Personnages et oiseaux dans la nuit », œuvre typique du caractère anticonformiste de Miró.

Morgane Poulet

Le musée de Grenoble

5 Place de Lavalette, 38000 Grenoble.
Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h30.
Visite des collections permanentes gratuite.
Visite des collections temporaires : 14 euros plein tarif, 7 euros tarif réduit, gratuité -26 ans, demandeurs d'emploi, bénéficiaires de minima sociaux et personnes handicapées.

Joan Miró, « Silence », 17 mai 1968 © Successió Miró / ADAGP, Paris 2023 © RMN-Grand Palais/ Bertrand Prévost / Centre Pompidou, MNAM
Joan Miró, « Bleu II », 4 mars 1961 © Successió Miró / ADAGP, Paris 2023 © RMN-Grand Palais / Audrey Laurans / Centre Pompidou, MNAM
Joan Miró, « Étoile, nichons, escargot, soleil, comète, palpitation de la chair », 11 novembre 1937 © Successió Miró / ADAGP, Paris 2023 © RMN-Grand Palais / Georges Meguerditchian / Centre Pompidou, MNAM
Chester Higgins, « A Young Muslim Woman in Brooklyn », 1990 © Chester Higgins Jr. All rights Reserved. Courtesy Bruce Silverstein Gallery.
Roman Cieslewicz, « Phosphore Einstein », 1980 © ADAGP, Paris 2023.

Antoine de Galbert, mécène grenoblois

Né à Grenoble en 1955, Antoine de Galbert est un collectionneur d’art. il crée la Fondation Antoine de Galbert, reconnue d’utilité publique en 2003. Cette dernière promeut la création dans le secteur de l’art contemporain et moderne et elle soutient l’apprentissage de l’histoire de l’art et la formation des futurs artistes.

Joan Miró, peintre mirobolant

Né à Barcelone en 1893, Miró arrive à Paris en 1920. Proche de Picasso, il découvre le cubisme et rencontre le milieu dadaïste. Signataire du manifeste surréaliste, écrit par André Breton, il est défini par ses pairs comme étant « le plus surréaliste » d’entre eux.
Mort en 1983, le très prolifique artiste laisse derrière lui 2 000 peintures, 5 000 dessins et collages, 500 sculptures et 400 céramiques.