Loup
Carnage au cœur du village

Marianne Boilève
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Dans la nuit du 25 mai, un loup a égorgé une dizaine de brebis en plein cœur du village de Saint-Pierre-de-Chérennes. L’éleveur est découragé… et le maire très remonté. 

Carnage au cœur du village
L'attaque a eu lieu à une cinquantaine de mètres de l'école de Saint-Pierre-de-Chérennes. Crédit photo : André Romey

Une attaque de plus. Et cette fois, en plein cœur du village. Dans la nuit de lundi à mardi, le loup a égorgé neuf brebis protégées par un parc électrifié, situé à 50 mètres de l’école de Saint-Pierre-de-Chérennes. Averti du carnage par un voisin, le maire de la commune s’est rendu immédiatement sur les lieux et n’a pu que constater « ce spectacle désolation » : des brebis en sang, éventrées, dépecées, d’autres agonisantes… « Faut-il qu’un enfant se fasse attaquer pour qu’on prenne conscience du problème en haut lieu et que l’on se mette à réguler le nombre de loup ? », s’emporte André Romey. 

L’éleveur, lui, a été prévenu par le propriétaire de la parcelle. « Sept bêtes à terre, deux blessées et quatre inapprochables », résume laconiquement Robert Belle-Larant. Domicilié dans la commune, il élève une cinquantaine d’ovins et quelques bovins viande qu’il commercialise localement. Installées la veille au soir sur ce bout de prairie attenant aux maisons, entre la route et le cimetière, les brebis étaient là « pour éviter au collègue d’avoir à passer le rotofil ». Un service chèrement payé. « C’est la débâcle…, se désole Robert. Une attaque le premier soir. C’est dingue. Les moyens de protection, ça ne marche pas. Le parc était super bien fait, les brebis avaient des cloches, mais personne n’a rien entendu. » Les agents de l'OFB (ex-ONCFS) devaient passer mardi pour établir les constats et évacuer les cadavres.

Esclavage

Après inspection du site, il semble que le – ou les – loup(s) ai(en)t « gratté » la terre sous la clôture électrique pour pouvoir passer. « Il a littéralement terrassé le sol », explique Robert Belle-Larant qui ne cache pas son découragement : « J’ai subi cinq attaques en cinq ans. Il y a vingt ans, ça se passait dans les alpages. Il y a dix ans, c’était à mi-pente. A chaque fois, on a abandonné les quartiers et descendu les bêtes. Maintenant, les attaques se font dans la plaine. Ce que je vais faire, c’est rentrer mes bêtes tous les soirs dans la bergerie : ce n’est plus de l’élevage, c’est de l’esclavage. »

Mardi matin, dans le village, les discussions sont allées bon train. Sans céder à la panique, « les gens commencent à s’inquiéter », confie le maire qui, lui aussi, se sent démuni. « On ne peut que signaler les choses et apporter notre soutien à l’éleveur, poursuit-il. C’est le dernier de la commune et il fait un travail remarquable pour éviter que les paysages ne s’embroussaillent et se referment. » 

Mais dans un village ne comptant plus qu’un éleveur, qui s’en préoccupe ? Les bêtes de Robert Belle-Larant entretiennent pourtant une trentaine d’hectares autour de Saint-Pierre-de-Chérennes.  « On nous dit que nous avons des prairies magnifiques, mais c’est grâce aux brebis ! revendique l'éleveur. Je suis né au milieu d’elles, j’ai toujours travaillé comme mon père et mon grand-père avant moi. Avec le loup, ce n’est plus possible. Ce n’est pas compatible avec l’élevage ovin. J’ai bien un tir de défense, mais je ne me vois pas tirer un coup de carabine au cœur du village. » Les habitants non plus. 

Marianne Boilève