Santé des sols
« Sortez vos slips ! »

Morgane Poulet
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Le 17 juin, les agriculteurs du GIEE du secteur de Saint-Lattier, la Chambre d’agriculture de l’Isère et l’Adaf ont déterré un slip pour mesurer les bénéfices de l’agroforesterie pour les sols.

« Sortez vos slips ! »
Des slips en coton ont été enterrés dans différentes parcelles pour constater leur degré de dégradation.

« Prêts ? Sortez vos slips ! », a-t-on pu entendre à Saint-Lattier, ce 17 juin. Dans le cadre du GIEE(1) monté dans le secteur, une opération de déterrement de slip, menée par la Chambre d’agriculture de l’Isère et l’Adaf(2), a eu lieu trois mois après l’enterrement du sous-vêtement. Ce dernier, composé de coton, avait été mis en terre dans une parcelle agroforestière de féverole et de sorgho fourrager de l’exploitation de Martin Roche pour vérifier l’activité du sol grâce à son état de dégradation. Le slip a ensuite été comparé à ceux d’autres parcelles.
 
La biodiversité augmentée
 
Le constat général est que le slip enterré chez Martin Roche a été totalement décomposé, exceptée la partie dépassant du sol. Une bonne nouvelle car « les sols sont dans le secteur peu profonds et peu fertiles », remarque Fanny Ringuet, conseillère agronomie à la Chambre d’agriculture de l’Isère. Cela permet d’évaluer les bénéfices de l’agroforesterie pour l’agriculture.
Nora Chalaye, technicienne à l’Adaf, explique que dans une parcelle dite « classique », il faut compter sur 19 lombrics au mètre carré. Or, dans une parcelle arborée, il y en a 56 au mètre carré. Qui plus est, les arbres amènent des rapaces, « ce qui est utile en cas d’invasion de campagnols », ajoute-t-elle, mais aussi des carabes, utiles pour la lutte contre les limaces. Dans une parcelle arborée, il peut aussi y avoir jusqu’à 5 tonnes de champignons et de micro-organismes à l’hectare, et ce jusqu’à 50 cm de profondeur. Ces derniers sont particulièrement utiles pour obtenir un sol riche et nourri.
 
Un sol amélioré
 
La mycorhization, système qui consiste à faire cohabiter des racines avec une souche de champignons, apporte également de multiples bienfaits au sol. Nora Chalaye en distingue deux sortes : celui des ectomycorhizes et celui des endomycorhizes. Le premier « est présent dans les forêts et les champignons créent des filaments autour des racines, à l’extérieur », alors que le deuxième se retrouve dans les parcelles agricoles « directement dans les racines des arbres ».
Ces systèmes jouent un rôle très important pour les arbres, puisqu’ils les aident dans la rétention d’eau. « Ils échangent aussi des informations avec les arbres pour leur indiquer où se trouve l’eau », précise la technicienne. Dans le secteur agricole, il faut alors choisir des essences adaptées à l’endomycorhize lorsqu’un projet d’agroforesterie est mené. Il peut s’agir de merisiers, comme chez Martin Roche, ou bien de tilleuls ou encore de micocouliers.
« De nombreuses études montrent aussi que lorsque des arbres sont implantés dans des parcelles agricoles et que leurs feuilles tombent, et ce dans un espace de 2 m autour de l’arbre, la matière organique du sol augmente de 30 % », explique Nora Chalaye.
 
Des cultures protégées
 
Planter des haies brise-vent a de grands bénéfices pour une exploitation, mais il convient de bien choisir son essence. « Le vent doit passer entre les feuilles, mais si l’on plante du cyprès par exemple, son feuillage très dense ne laisse pas l’air passer, constate Nora Chalaye. Ce dernier monte et tourbillonne, alors qu’avec un feuillage moins dense, l’air est filtré par les feuilles et traverse doucement la haie ».
Une haie protège ainsi les cultures du vent jusqu’à dix fois sa hauteur. Et pour Martin Roche, les haies brise-vent ont bien d’autres avantages. « Les cultures poussent moins bien derrière une haie sur quelques mètres, mais il est prouvé qu’un peu plus loin, la production est bien plus importante que sans haie, ce qui compense largement. » D’autant plus que ce type de haies limite le stress des végétaux et permet aux stomates de rester ouvertes plus longtemps, donc de mieux activer la photosynthèse. En clair, planter des haies sur 1 hectare « donne les mêmes résultats que si l’on cultivait 1,3 hectares », relève Martin Roche.

Morgane Poulet

(1) Groupement d’intérêt économique et environnemental.
(2) Association drômoise d’agroforesterie.

« Une alternative à la chimie »
Martin Roche a déterré un slip enterré dans une de ses parcelles trois mois plus tôt.
Environnement

« Une alternative à la chimie »

Martin Roche, qui a accueilli l’opération de déterrement de slip du 17 juin, s’est mis à l’agroforesterie depuis quelques années.

Martin Roche s’est installé à la ferme Rochins, à Saint-Lattier, en 2014. Il y cultive 14 hectares de noix et 40 hectares de céréales. Alors en agriculture conventionnelle, il « pensait à l’agroforesterie depuis longtemps » et souhaitait « trouver une alternative à la chimie ».
C’est pourquoi il finit par monter un projet agroforestier dans une parcelle de 8 hectares. « En deux ans, j’ai planté 1km de haie, mais j’ai aussi planté des cerisiers en intraparcellaire en 2021, avec un écartement de 36 m entre chacun », précise-t-il. Ses objectifs : briser le vent, ramener de la biodiversité, comme des carabes pour venir à bout des limaces, et redonner de la vie au sol.
« Les cerisiers sont d’ailleurs greffés à 1,80 m pour prévoir le passage de la moissonneuse – ils sont implantés dans des parcelles de féverole et de sorgho fourrager – et pour éviter les maladies », ajoute l’agriculteur. Qui plus est, la greffe en hauteur pourrait lui permettre, à terme, « d’amener un élevage car cela redynamiserait la vie du sol ».

MP

En pratique

Il existe différentes aides pour planter des haies dans ses parcelles agricoles :
-       Financements de l’Etat : il s’agit du « Pacte en faveur de la haie »
-       Financement de la Région et du Département : programme Feader « Développer l’agroforesterie et la plantation de haies », aides de la Fédération départementale de chasse de l’Isère (FDCI)
-       Financements privés : « Des enfants et des arbres », chantiers menés avec des écoles
-       Financements de l’Agence de l’eau : ils ont lieu dans les zones de captage prioritaires

MP