SONDAGE
L’arrachage de vignes ne fait pas recette

FranceAgrimer a dévoilé les résultats du sondage qu’il avait initié au mois de mai dernier et pour lequel les viticulteurs avaient jusqu’au 12 juin pour répondre. Selon les premières données, il semble que l’arrachage ne recueille pas l’assentiment général.

L’arrachage de vignes ne fait pas recette
Pour résorber le surplus, le gouvernement a proposé de financer l’arrachage temporaire ou définitif des vignes. L'objectif a été fixé à 100 000 hectares, soit 13 % du vignoble national. ©iStock-Ganna Zelinska

Le fond du problème tient en un mot : surproduction. Les conséquences sont connues : il y a environ cinq millions d’hectolitres de trop sur le marché français. Malgré des bons chiffres à l’export (1,252 milliard d’euros d’excédent en mars 2024), le vin français (notamment le vin rouge) est boudé sur le marché intérieur. Pour résorber le surplus, le gouvernement a proposé de financer l’arrachage temporaire ou définitif des vignes. L'objectif a été fixé à 100 000 hectares, soit 13 % du vignoble national. L’exécutif a demandé à FranceAgriMer de réaliser un sondage. Seulement 11 % des viticulteurs concernés (5 125/44 540) y ont répondu. 32 % ont déclaré ne pas vouloir arracher, quand un quart semble opter pour un arrachage et la poursuite de l’activité. 19 % s’orientent vers un arrachage temporaire quand 14 % vont à la fois arracher définitivement et temporairement* avec une moyenne de 4,4 ha d’arrachage temporaire et 6,3 ha d’arrachage définitif. Enfin, 10 % des personnes ayant répondu (soit plus de 500) ont déclaré vouloir arracher définitivement leurs vignes et cesser l’activité. Ces chiffres sont naturellement provisoires et ne reflètent pas l’ambiance générale. Cependant, ils peuvent donner une indication sur l’état d’esprit des viticulteurs qui attendent sans doute les vendanges pour se faire une opinion définitive.

Aucune goutte

La préfecture de Gironde a ouvert le 15 juillet un nouveau guichet de dépôt de dossiers pour obtenir la prime à l’arrachage des vignes. Dans ce département ce sont déjà 8 000 ha qui ont fait l’objet d’une demande d’arrachage entre novembre et décembre. Cette fois-ci, elle demande un effort de 1 000 ha supplémentaires. Si tous les dossiers doivent être déposés avant le 31 mars 2025, toutes les vignes ne seront pas éligibles (lire encadré). L’enjeu pour la filière est de se réinventer pour lutter contre une déconsommation régulière. Un chiffre dévoilé au Salon de l’Agriculture en 2023 résume à lui seul cette tendance : les consommateurs réguliers de vin (qui boivent tous les jours ou presque) ne sont plus que 11 % aujourd’hui, alors qu’ils étaient presque 50 % en 1980. Ces 11 % sont à majorité composés de personnes de 60 ans et plus. Un tiers des consommateurs déclarent ne boire aucune goutte de vin.

Grise mine et dos rond

De plus, le métier peine à retrouver des repreneurs car les comptes de nombreuses exploitations sont dans l’orange voire le rouge. Dans de telles conditions, que faire alors des grains surnuméraires ? Des coopératives réfléchissent à valoriser les polyphénols et antioxydants naturellement contenus dans le raisin auprès de l’industrie cosmétique (produits capillaires, gommage, crèmes antivieillissement…). Les moûts de raisin peuvent servir de sucrant dans certains jus de fruits, comme le jus de tomate. Les hectares libérés par les vignes arrachées peuvent être reconvertis en d’autres cultures en fonction de la nature des sols. Déjà, certains les reconvertissent en plantant des noisetiers, des oliviers, des amandiers. Avec l’avantage supplémentaire de permettre une meilleure adaptation des exploitations au changement climatique. D’autres pistes sont explorées en matière d’innovation : rendre le vin plus festif comme les rosés tentent de le faire avec des ajouts d’arômes de pêche ou de pamplemousse. Le conditionner en canette permettrait d’attirer des consommateurs plus jeunes… Pour l’heure, les viticulteurs font grise mine et le dos rond. Ils savent que tous les vignobles sont touchés et que le problème dépasse aussi les frontières.

1 - L’arrachage définitif est financé à hauteur de 4 000 €/ha et entraîne la perte de l’autorisation de replantation. Quant à l’arrachage temporaire, il bénéficie d’une aide de 2 500 €/ha sans possibilité de replanter pendant quatre ans.

Christophe Soulard