Foncier
Le PAEN au Touvet, un outil au service de l'agriculture

Isabelle Brenguier
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Après trois années de mise en œuvre de son PAEN, la commune du Touvet a invité d’autres territoires intéressés par la démarche, à profiter de l’expérience acquise. 

Le PAEN au Touvet, un outil au service de l'agriculture
Dans le cadre de la rencontre organisée par les élus du Touvet pour présenter la mise en place de leur PAEN, une visite de l'exploitation « La spiruline de Chartreuse », a été organisée le vendredi 16 septembre.

C’est grâce à un travail de longue haleine et à une forte volonté politique que la commune du Touvet a créé un PAEN * - le premier du département de l’Isère - il y a trois ans. Mais les efforts consentis en valaient la peine.

537 hectares de terres agricoles et naturelles de la commune, soit la moitié de sa surface et la quasi-totalité de sa plaine agricole sont ainsi durablement préservés. Et dans ce territoire de la vallée du Grésivaudan où la pression de l’urbanisation est forte (il ne reste que 20 % de terres agricoles), il est indispensable que des mesures soient prises pour préserver le foncier agricole, maintenir les agriculteurs en place, et permettre de nouvelles installations.

Avec fierté et enthousiasme, Laurence Théry, maire du Touvet, dans la vallée du Grésivaudan, a accueilli vendredi 16 septembre une quarantaine d’élus et de techniciens d’autres territoires du département de l’Isère pour partager l’expérience de sa commune et encourager les nouvelles initiatives.

Bouffée d’air

Laurence Théry ne le cache pas. La procédure est longue à mettre en place (environ trois ans) et passe par différentes étapes (réalisation d’un diagnostic agricole, d’une note d’enjeux...).

Mais elle a du sens, car certes, le PAEN est un outil qui protège les sols dans la durée, mais grâce au plan d’action qu’il intègre, il est aussi un outil de développement pour le territoire.

Comme de nombreux habitants de la vallée du Grésivaudan, Laurence Théry n’en est pas native. Mais elle a été séduite par ce territoire, par ses paysages ouverts… et par sa plaine encore très agricole.

« Oui, on peut se promener dans la plaine. Mais, non, ce n’est pas un terrain de jeux. C’est un espace agricole, un espace de travail, car l’agriculture est une activité économique à part entière, non délocalisable et extrêmement importante pour l’alimentation », affirme-t-elle, très fermement.

Et si la commune a toujours eu cette dimension agricole, la mairie s’emploie maintenant activement, grâce au PAEN, à ce qu’elle le reste. « Il est vrai que les collectivités ne sont pas destinées à s’occuper du foncier agricole. Sauf que, sans la puissance publique, c’est compliqué. Le PAEN nous donne cette légitimité », souligne l’édile. Ainsi, aux côtés des exploitations historiquement en place, elle favorise l’installation de nouvelles. « Le PAEN, nous l’avons créé, parce que nous avons travaillé en confiance avec les agriculteurs qui ont été très investis dans la démarche », précise la maire du Touvet, qui compte désormais une quinzaine d’exploitations aux profils très variés.

Certes, pour certaines, le PAEN n’a rien changé. Mais pour d’autres, il a été indispensable.

C’est en effet grâce à lui que Renaud Stalinski et Maxime Germain ont pu s’installer et produire de la spiruline. C’est grâce à lui également que le Domaine des Rutissons de Laurent Fondimare et Wilfrid Debroize a pu s’agrandir et remettre en productions des vieux cépages dans des parcelles en friches des côteaux. Et c’est encore grâce à lui que Solvey Forner et Bastien Clément s’installent actuellement sous couvert d’un bail rural avec la mairie, dans 2,5 hectares de terrains pour faire du maraîchage biologique.

Ces agriculteurs le disent : « Le PAEN a été une bouffée d’air. Il est un formidable outil pour protéger notre agriculture », soutient Wilfrid Debroize.

Maillage et veille foncière

La rencontre a permis à Laurence Théry de présenter le processus de déploiement du dispositif, et notamment le premier plan d’actions mis en œuvre au cours de ces trois dernières années (qui arrive à son terme mais qui va être reconduit pour trois nouvelles années), ainsi que les axes sur lesquels la commune s’est engagée.

Évidemment, elle a commencé par le foncier, qu’elle a reconnu comme « le nerf de la guerre », en montrant toute la nécessité du travail de maillage et de veille foncière à exercer au quotidien pour récupérer des parcelles, petits bouts par petits bouts, tout en soulignant l’importance de l’animation à mettre en place pour que les échanges fonctionnent.

Elle a aussi abordé la question du lien social en précisant qu’il était devenu très important de parler d’agriculture aux habitants, de leur présenter les exploitations de la commune, de leur montrer qu’ils pouvaient se nourrir chez eux...

Et elle a parlé du financement de ce dispositif. La commune a investi un peu plus de 100 000 euros pour les trois années du premier plan d'action. Elle a été aidée du Département de l’Isère qui lui a alloué 15 000 euros, complétés par un co-financement européen émanant du Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural) à hauteur de 98 000 euros.

Échelon intercommunal

Dans la mise en œuvre de ce dispositif, le Département et la Chambre d’agriculture de l’Isère ont joué un rôle essentiel. Fabien Mulyk, vice-président du Département en charge de l’agriculture, se dit convaincu de l’intérêt de l’outil. « Le PAEN n’est pas un simple outil d’urbanisme. Il va bien au-delà, puisqu’il permet la discussion et la concertation entre propriétaires, exploitants et élus », estime-t-il.

Considérant que la démarche menée par Le Touvet est exemplaire, il espère qu’elle sera fer de lance pour d’autres territoires qui pourraient la mettre en œuvre à l’échelon intercommunal. « Il aurait encore plus de sens au regard de la configuration des exploitations qui prennent souvent place sur plusieurs communes ».

Si la commune du Touvet a été la première à franchir le pas, elle a été suivie par celle de Sassenage et par huit autres de la Communauté d'agglomération Porte de l'Isère.

L’essaimage de l’initiative se poursuit encore puisque les 22 communes de la Communauté de communes du Grésivaudan sont sur le point de se lancer ainsi que neuf du territoire de la rive gauche du Drac.* Périmètre de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains

Isabelle Brenguier

A la (re)découverte des arbres fruitiers
Donatien Wion, pépiniériste, et Laurence Théry, maire du Touvet, à l'occasion de la signature du bail environnemental permettant la création d'un verger conservatoire.

A la (re)découverte des arbres fruitiers

Dans le cadre du PAEN de la commune du Touvet, Donatien Wion et Anthony Guilloud, deux jeunes pépiniéristes de Détrier (73) sont signataires d’un bail environnemental avec la mairie pour créer un verger conservatoire.

Valoriser une parcelle récemment défrichée en permettant la création d’un verger conservatoire, telle est la dernière action mise en œuvre par la mairie du Touvet dans le cadre de son PAEN *.

Grâce à un bail environnemental de neuf ans avec la mairie, Donatien Wion et Anthony Guilloud, les deux jeunes porteurs de projet, sont assurés de pouvoir exploiter 1,2 hectares de surface pour mettre en production plus de 200 pieds-mères de différentes variétés anciennes et locales, d’arbres fruitiers.

Cette plantation leur servira à produire leurs propres greffons qu’ils utiliseront au sein de leur pépinière de Détrier, en Savoie et pour avoir des modèles d’expositions pour leurs futurs clients. Elle leur permettra aussi de créer un espace pédagogique pour faire découvrir au grand public la diversité d’arbres fruitiers existante, les techniques de greffe, le rythme des saisons…

« Nous souhaitons rapprocher les gens des arbres fruitiers et proposer un projet participatif aux habitants du Touvet, pour créer une dynamique et leur permettre de s’approprier le lieu », explique ainsi Donatien Wion.

Plantation traditionnelle

Installés depuis deux ans avec comme ambition de produire plus de 4 000 arbres dans un hectare de surface, Donatien Wion et Anthony Guilloud travaillent en rotation. Ils plantent les porte-greffes la première année, les laissent pousser une saison, les greffent et les revendent au bout d’un an, à un 1 mètre, 1,50 mètre de hauteur.

Il s’agit d’une plantation traditionnelle bio, de futurs arbres robustes et de qualité, puisqu’ils poussent en pleine terre, sans engrais, ni produits chimiques, et qu’ils passent leur premier hiver dans le secteur froid des gorges du Bréda.

D’abord destinés aux particuliers, ces arbres sont aussi commercialisés auprès de pépiniéristes, d’agriculteurs, de collectivités, séduits par le mode de production des deux pépiniéristes, passionnés par le greffage et la volonté de perpétuer ce savoir-faire.

La nouvelle parcelle du Touvet leur permet de donner une nouvelle dimension à leur projet et de profiter d’un territoire au climat plus chaud qu’ils utiliseront aussi pour planter des pêchers et des amandiers qui ne supportent pas bien celui de Détrier.

* Périmètre de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains

IB

Commencer petit

La création d’un PAEN est une démarche qui peut engendrer des craintes, comme celles de ne jamais arriver à des actions concrètes, de se voir imposer des actions ou un certain modèle d’activités.

Les membres du conseil municipal du Touvet indiquent qu’il est important d’expliquer aux différents acteurs concernés que « le but de la démarche est bien d’accompagner les agriculteurs dans leur développement ».

Olivier Salvetti, vice-président en charge de l'agriculture, à la Communauté de communes du Grésivaudan, encourage les élus motivés mais qui sentent quelques réticences locales, à se lancer dans un petit périmètre, dans des parcelles où les enjeux sont moindres, et à l’agrandir par la suite. Car s’il est compliqué de réduire un périmètre de PAEN, il est bien plus facile de l’étendre.

IB