L'homologation des engins agricoles tractés peut se révéler à ce point complexe que les constructeurs délèguent souvent la partie administrative du dossier à des prestataires.
L'homologation des remorques : un vrai parcours du combattant

La certification de conformité des matériels agricoles roulants n'échappe pas à la complexité et aux règles franco-françaises d'une administration quelques fois tatillonne. À tel point que les constructeurs font appel, la plupart du temps, à des prestataires de services rodés à chasser le diable qui se cache dans la réglementation. Même les plus grands constructeurs s'appuient sur les compétences de ces techniciens du détail. Jérôme Coulouvrat du cabinet indépendant de « A à Z Homologation », installé à Torchefelon dans l'Isère, est de ceux-là. Il travaille à l'homologation française, voire européenne, des matériels de grands constructeurs tels que Horsch, Supertino, Triolet, Siloking, Caffini.

Le portage des dossiers de certification

Depuis le 1er janvier 2013, tous les matériels agricoles traînés de plus de 1,5 t doivent être immatriculés et titulaires d'une carte grise. Cela a généré une montagne de dossiers à déposer auprès de la Dreal (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement), un organisme qui a fusionné avec l'ancienne Drire, qui elle-même englobait l'ancien service des mines qui réceptionnait les véhicules neufs et qui assurait également le contrôle périodique des poids lourds. Le travail du bureau « A à Z Homologation » consiste à monter un dossier par matériel et le déposer dans le service de cette administration. Il s'agit d'abord de définir le type du véhicule, remorque, presse, pulvérisateur... et de voir si le matériel rentre dans les critères d'homologation. Pour cela, Jérôme Coulouvrat se déplace chez le constructeur et rempli les cases du dossier, point par point : Ptac, largeur, longueur, freinage, éclairage... Il connaît parfaitement les règles d'homologation par type de véhicule et demandera des modifications au constructeur si nécessaire avant de porter le dossier à la Dreal. C'est seulement une fois certifié que la production en série du matériel pourra être lancée.

Le freinage double ligne : une réhomologation nécessaire

Par rapport à l'Allemagne, l'Angleterre et la plupart des pays de l'Europe du Nord, la France a pris beaucoup de retard sur les systèmes de freinage de ses outils attelés et en particulier pour les remorques. L'option choisie depuis longtemps par les tractoristes et les constructeurs de remorques était le freinage hydraulique simple ligne, alors que chez nos voisins, l'option pneumatique double ligne existe depuis longtemps. Cependant, l'obligation au 1er janvier 2021, peut-être reportée au 1er janvier 2025, va rebattre les cartes avec l'obligation de la double ligne de freinage pour tous les véhicules qui seront mis en circulation à cette date. Tous les constructeurs devront se mettre à la page et le choix du pneumatique sera vraisemblablement pris par tous parce qu'il est plus réactif et que les véhicules sont facilement interchangeables d'une ferme à une autre ou d'un pays à un autre. Cela veut dire que toutes les remorques et autres outils traînés devront être réhomologués, un travail énorme et fastidieux pour tous les constructeurs.
Jérôme Coulouvrat va encore plus loin dans son interprétation de l'obligation de 2021: « Une remorque, benne ou un plateau, vendus neufs avant le 1er janvier 2013 qui ne possède pas de carte grise sera classée non conforme aux règles de circulation, au même titre que les châssis de camions transformés. Ils auront interdiction de rouler si on applique stricto sensu la réglementation dès son entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Même reportée au 31 décembre 2025, l'interprétation reste la même ».
Passé cette date, il faudra de la tolérance de la part des agents verbalisateurs, ainsi que des assureurs pour ne pas rendre obsolescent un parc important de matériels tractés, car il sera impossible économiquement aux agriculteurs de renouveler tous leurs véhicules dans un laps de temps aussi court. Il faudra sûrement plus de 20 ou 30 ans pour voir disparaître de nos campagnes ces matériels qui rendent un fier usage au jour le jour. Aux agriculteurs aussi à ne pas jouer avec le feu en roulant à 40, 50, voire plus de 60 km/h avec des tracteurs débridés et des remorques non homologuées à ces vitesses.

 

Roland St-Thomas