TRIBUNE
L’agriculture n’a pas de toit pour se protéger du climat !

Si depuis le mois de juin les températures ont été relativement clémentes en France, la période estivale est marquée cette année par la pluie qui a arrosé l’ensemble de l’hexagone et bousculé les travaux de plein air. A l’heure où les enjeux climatiques et de souveraineté alimentaire sont au cœur de l’actualité, Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, réagit. 

L’agriculture n’a pas de toit pour se protéger du climat !
Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. ©FNSEA

Voilà deux mois que les médias relaient quotidiennement l’exceptionnelle pluviosité de l’été 2021. D’abord pour déplorer les inondations et crues dans certaines régions, qui n’ont heureusement pas entraîné les conséquences meurtrières et dévastatrices qu’ont connues nos voisins allemands et belges. Désormais, c’est le moral des Français qui est touché, le temps morose compromet les activités en plein air et la si attendue décompression estivale après des mois de restrictions… 

« La Maison brûle »

L’urgence à gérer la continuité d’un quotidien décent pour les Français dans un contexte de crise sanitaire a fait un temps oublier que, comme disait Jacques Chirac, « la Maison brûle ». Avec cet été à forte pluviométrie, vecteur de déprime économique et psychologique, l’urgence à agir sur le dérèglement climatique se rappelle au « bon » souvenir de tous. 

Et particulièrement des agriculteurs, qui, malgré des efforts d’adaptation déjà engagés, prennent de plein fouet depuis six mois, un enchaînement implacable d’épisodes climatiques. Rarement, nous avons ainsi été confrontés à la cruauté du climat sur un si court pas de temps. Souvenons-nous de ces agriculteurs, viticulteurs, maraîchers… qui ont lutté contre le gel nuit et jour au printemps dernier ; de celles et ceux qui ont vu leurs champs et leurs productions engloutis par les crues des cours d’eau, alors que d’autres subissaient des restrictions d’eau. Aujourd’hui, les moissons prennent jusqu’à un mois de retard dans certaines régions et l’excès d’humidité fait apparaître des maladies, comme le mildiou, qui menacent vignes et cultures maraîchères.

« Sous les yeux de la société »

Le climat change, c’est indéniable et cela se passe en ce moment sous les yeux de l’ensemble de la société. Pendant que la France connaît un été frais et humide, la Grèce et la Turquie sont dévastées par des terribles incendies dus à la canicule. L’année prochaine, ce sera peut-être l’inverse, personne ne peut le prévoir. Quel que soit le scénario, nous en serons tous les victimes, individuellement et collectivement.

Mais l’agriculture, qui travaille à ciel ouvert, est encore plus fortement tributaire de ces aléas et de leur imprévisibilité. Les conséquences sont perceptibles dès cette année par les Français, qui trouvent moins de fruits et légumes, à des prix plus élevés, sur les étals.

« Un rôle de catalyseur »

Tout comme la crise Covid a servi d’amplificateur sur la nécessité d’assurer la souveraineté alimentaire de la France, les récents événements climatiques doivent jouer un rôle de catalyseur : la société doit prendre conscience que ses attentes en matière d’alimentation durable ne seront pas totalement satisfaites tant que l’agriculture, cette entreprise sans toit, ne bénéficiera pas des outils et moyens pour lui permettre de s’adapter durablement : outils de prévention pour la gestion de l’eau, stockage, entretien des fossés et cours d’eau, émergence de variétés culturales résilientes, équipements de protection et d’anticipation, outils de compensation avec la rénovation du modèle assurantiel et des calamités agricoles…. 

Ces sujets sont à l’agenda politique français et européen des prochains mois. A tous les échelons de la décision publique, dans les ministères au niveau national, mais aussi auprès des collectivités territoriales, des agences et des syndicats concernés par la gestion l’eau, la FNSEA et son réseau martèleront ce principe de réalité pour des décisions politiques courageuses et basées sur des fondements scientifiques et des données aujourd’hui cruellement avérées.

Propos recueillis par Christophe Soulard