Culture
L’agriculture sur la scène de Montseveroux

Isabelle Brenguier
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A Montseveroux, « Cultures Plein Champ » est un projet qui rassemble culture et agriculture… pour un meilleur dialogue entre ses habitants. A découvrir.

L’agriculture sur la scène de Montseveroux

Utiliser la culture pour faire parler d'agriculture. L'idée est originale et a du sens. Beaucoup de sens en ces temps où tout le monde parle d'agriculture sans forcément connaître si bien que cela toutes ses problématiques.
Mis en œuvre à Montseveroux, commune de 950 habitants, implantée sur les contreforts du plateau des Bonnevaux, il a été imaginé grâce à la collaboration entre Dominique Lecerf, conseillère municipale, Hélène Bertin, artiste plasticienne du secteur, l'association Filigrane * et la compagnie Infusion.
Intitulé « Cultures plein champ », « pour réunir toutes les cultures, au sens propre comme au sens figuré », souligne Dominique Lecerf, le projet a vocation à « relier l’art contemporain et l’agriculture et à favoriser le dialogue entre l’ensemble de la population et les agriculteurs qui, sur le plan national, sont plus accusés qu’encouragés. Je souhaitais qu’il permette aux gens de discuter plutôt que de se juger  », explique-t-elle.

Mis en route en 2019, il était composé de différents volets tels que des ateliers artistiques, des rencontres, des expositions et des spectacles qui auraient dû se dérouler au cours de l’année 2020. Malheureusement nombre de ces projets étaient incompatibles avec les mesures sanitaires consécutives à la pandémie et n’ont donc pas pu être menés à leur terme.
Sans se résigner, Hélène Bertin s’est adaptée pour proposer différentes actions n’impliquant pas de rassemblement.

Les réalités du monde agricole

Dernière en date, la suspension, le 20 mars dernier pour une durée d’un mois, de bannières de 2,50 x 1,50 mètres avec des montages et des jeux de couleurs représentant différentes composantes du monde agricole accompagnées de mots clés.
« Le travail d’Hélène Bertin passe par la suggestion, la perception. Elle a mis en avant deux mondes qui se parlent, deux profils de visages qu’elle souhaite voir échanger », détaille Dominique Lecerf. « Mon objectif est que ceux qui les regardent se posent des questions », ajoute Hélène Bertin.

Avant cela, il y a eu pour Noël la création de cartes postales confectionnées à partir de croquis réalisées par la plasticienne et en septembre dernier, l’organisation d’une balade au sein de l’Espace naturel sensible de Sanne-Amont, en compagnie de Fany et Flore Viénot, de la compagnie Infusion.
Fortes de leurs talents respectifs - la danse pour l'une et l'écriture pour l'autre – en s’inspirant des échanges qu’elles avaient pu avoir avec les agriculteurs du territoire, elles ont fait entrevoir les réalités du monde agricole et les différentes perceptions qu’il suscitait.

« De vrais propos »

Pour réaliser leurs travaux, les trois artistes se sont immergées dans le monde agricole de Montseveroux, visitant et rencontrant les agriculteurs des dix fermes du territoire, des exploitations aux profils bien différents.
« Malgré leur faible disponibilité, nous avons été très bien accueillis par les agriculteurs qui nous ont ouvert leurs portes pour nous faire découvrir leurs pratiques », précise la plasticienne, qui ajoute : « Je me suis aperçue de la diversité de leurs méthodes de travail me rendant compte aussi que, même lorsqu’ils ne sont pas d’accord, ils sont toujours respectueux les uns envers les autres ».  
Elle relate également que, malgré une certaine pudeur au début des échanges, les agriculteurs se sont livrés avec « de vrais propos » qui montrent la difficulté de leur métier.

L’accueil de ce projet est difficile à évaluer. En ces temps de crise sanitaire, les contacts et les échanges sont tellement réduits que les acteurs de ce projet peinent à avoir un retour. Mais ils estiment qu’« il a fait parler ».
Hélène Bertin a reconnu certaines similitudes entre son métier et celui des agriculteurs, comme « la passion qu’ils ont pour leur activité, le partage de la valeur travail, le fait qu’ils ne comptent pas leurs heures, pour une rémunération pas toujours au rendez-vous... »
Elle avoue qu’elle aurait souhaité aller beaucoup plus loin dans la création des échanges et du dialogue. « Par rapport à ce que j’avais imaginé, je reste un peu sur ma faim. Mais j’ai d’autres idées. J’espère qu’elles pourront voir le jour d’ici peu », affirme-t-elle.

Isabelle Brenguier

* L’association Filigrane est une association culturelle qui porte des projets artistiques participatifs en Auvergne-Rhône-Alpes.

Du côté des agriculteurs

Dans le cadre de la résidence artistique et culturelle mise en musique par l’association Filigrane à Monstseveroux, différents ateliers ont été organisés au cours du mois de mars pour les classes de l’école primaire. Animés par les artistes et les agriculteurs participant à « Cultures Plein Champ », ils ont permis d’associer les enfants du village à cette initiative

Bernadette et Hélène Couturier, de la ferme du Charme et Rachel Rousselle de la ferme de la Combe Bernard, ont accueilli les enfants de l’école primaire de Montseveroux pour leur faire découvrir leur métier. Toutes ont apprécié ces échanges, de même que le projet dans sa globalité.
Bernadette et Hélène Couturier habitent la commune depuis seulement 18 mois. L’année écoulée ne leur a pas permis de nouer autant de contacts qu’elles l’auraient souhaité. Ces rencontres représentent donc une belle opportunité pour faire parler d’elles.

Quant à Rachel Rousselle, qui aime le croisement de ces deux mondes que sont l’agriculture et la culture, elle a apprécié le travail accompli par les trois artistes « qui a mis en exergue cette coupure entre le monde citoyen et le monde agricole ». Elle a estimé qu’elles ont bien retranscris les dires des paysans rencontrés, la manière dont elles ont souligné le métier «  prenant, exercé avec passion, en proie à certaines dualités et à différentes mutations (notamment vis-à-vis des installations de plus en plus souvent hors cadre familial) ».
Elle a apprécié cette nouvelle porte d’entrée sur le monde agricole, regrettant simplement peut-être que le positionnement « apolitique » des artistes les a incitées à ne pas aller trop loin dans les discussions concernant les différents modèles agricoles.
« Pour autant, ce type de rencontres est très intéressant. En définitive, les échanges que nous avons pu avoir avec elles relevaient de la discussion entre citoyens. Je me rends compte que c’est grâce aux visites que nous faisons dans nos fermes, avec les adultes et les enfants, que nous arrivons à déconstruire petit à petit certaines idées et préjugés », affirme l’agricultrice.