Grippe aviaire
Les producteurs de canards et de foie gras isérois en quête de canetons

Isabelle Brenguier
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A cause de l’abattage de millions de palmipèdes, les producteurs de canards et de foie gras peinent depuis plusieurs mois à s’approvisionner en canetons. Ils en paient le prix fort. 

Les producteurs de canards et de foie gras isérois en quête de canetons
Éleveur de moutons et de canards, Michel Lopez, installé à Allevard, n'a pas pu s'approvisionner en canards cette année à cause de la grippe aviaire.

Producteurs de canards et de foie gras depuis 32 et 28 ans, Michel Lopez et Jérôme Guidec, installés à Allevard et à La Sône, en ont connu des difficultés.

Mais comme celles qu’ils cumulent cette année, entre la grippe aviaire et les hausses de coûts de production liées à la guerre en Ukraine et à la crise de l’énergie, c’est la première fois.

Depuis plusieurs mois, à cause des nombreux abattages effectués pour contrer la grippe aviaire, les couvoirs français, principalement situés sur la façade Atlantique, ne sont plus en mesure d’approvisionner les producteurs.

Les productions s’en trouvent toujours très affectées et les producteurs isérois ne s’en sortent pas mieux que les autres.

Problème de livraison

Pascale et Michel Lopez à Allevard élèvent habituellement 900 canards chaque année. Ils les reçoivent âgés d’un jour au mois de juin, les élèvent, les gavent, les abattent et les transforment dans leur laboratoire en de nombreux produits.

C’est une des différentes activités de leur exploitation, entre l’élevage ovin et la ferme-auberge.

Mais au début de l’année, pour la première fois, ils n’ont pas pu se faire livrer les canetons. Et ils ne sont pas sûrs de pouvoir se faire livrer en juin prochain.

La ferme des Cassières de Marie-Françoise Le Roux et Jérôme Guidec à La Sône, est uniquement orientée vers la production de canards.

Ils reçoivent chaque mois des lots de 250 à 300 canards et travaillent selon le même modèle de réception des canetons à un jour, et le même cycle d’élevage, de gavage, d’abattage et de transformation.

Mais depuis septembre 2021, ils rencontrent le même problème de livraison des canetons. Le couvoir avec lequel il travaillait historiquement a fait faillite et depuis, ils cherchent d’autres canaux d’approvisionnement.

Situation très compliquée

Les difficultés rencontrées par les deux éleveurs sont telles qu’elles remettent en cause la conduite, voire la pérennité, de leurs exploitations.

Michel Lopez avait construit son exploitation petit à petit, au gré des années. Son fonctionnement reposait sur les trois activités mises en place, et grâce à l’aide de plusieurs salariés (2,5 ETP) embauchés pour différentes tâches.

Après avoir subi la crise du covid dans son activité de ferme-auberge, il endure celle de la grippe aviaire. Elle est de trop.

En manque de travail et de rémunération, il a dû se séparer de ses salariés. Cela les mets, lui et son épouse, dans une situation très compliquée, puisqu’ils ne savent pas comment ils pourront poursuivre l’activité de l’exploitation pour les trois années qu’ils leur restent avant le départ à la retraite de sa femme.

« Nous avions des salariés pour lesquels nous avions investi du temps de formation. Ils étaient compétents et maîtrisaient les outils au moment de l’abattage, une activité qui nécessite rigueur et efficacité. Sans eux, nous ne savons même pas comment nous pourrons la relancer quand nous trouverons des lots de canards », se désole aujourd’hui Michel Lopez.

Choix stratégiques

La situation est différente pour Jérôme Guidec. Au cours de ces derniers mois, il a réussi à obtenir quelques lots de canetons en provenance de l’étranger.

Mais il n’a eu ni les mêmes volumes (ils ont été réduits de de 20%), ni les mêmes prix (ils ont augmenté de 40%), ni même le produit.

A la place du canard mulard (hybride stérile issu du croisement entre des mâles de Barbarie et des femelles cannes de Pékin, sélectionné pour le gavage et la production de foie gras), il a pu se procurer des bandes de canards de Barbarie, qui lui ont permis de faire de la viande prête-à-cuire et de poursuivre son activité.

Pour limiter les dégâts et pérenniser son activité, l’éleveur a été contraint à quelques choix stratégiques.

Alors qu’il n’avait jamais appliqué de hausse supérieure à 2%, il a augmenté ses tarifs de 7%.

Et il va encore davantage transformer sa production. Son objectif est de garder ses circuits de vente habituels : le magasin de producteurs « Au palais fermier » de Chatte, le marché de l’Estacade à Grenoble et la vente à la ferme.

Mais cela ne l’empêche pas de se poser des questions sur l’avenir. Car comme ce sont des reproducteurs qui ont été abattus, cela va prendre du temps pour remonter des cheptels de mâles et de femelles.

D’autant que l’épizootie n’est pas terminée. De nouveaux foyers ont encore été découverts ces derniers jours et ont de nouveau contraint les autorités à relever le niveau de risque de la grippe aviaire de « modéré » à « élevé » dans l’ensemble du territoire métropolitain.

Isabelle Brenguier

Entre manque de bêtes et hausse des charges
Photo d'archives.

Entre manque de bêtes et hausse des charges

Les effets de la grippe aviaire et de l’augmentation des prix inquiètent l’ensemble des éleveurs de volailles. Exemple à Fitilieu chez Mickaël Mignot.

Installé à Fitilieu, au sein de la nouvelle commune des Abrets-en-Dauphiné, Mickaël Mignot subit lui aussi de plein fouet les conséquences catastrophiques de la grippe aviaire.

Éleveur de volailles, il achète à cinq ou six semaines des bandes de poulets, pintades, dindes, qu’il élève jusqu’à 120 – 140 jours. Équipé d’une chaîne d’abattage, d’une salle de découpe et d’un laboratoire de transformation, il procède ainsi lui-même à la transformation des 15 000 à 20 000 volailles qu’il reçoit chaque année. Il assure également la commercialisation de ses produits grâce à sa présence dans deux magasins de producteurs et un Super U.

Mais sa production est toute autre cette année. Au lieu de faire des démarrages de lots de 600 bêtes, il n’en obtient plus que 200, puisque les couvoirs ne sont plus alimentés.

Dans le même temps, il doit aussi faire face à une hausse « gigantesque » de ses charges. « Tout augmente. Qu’il s’agisse de l’alimentation, des emballages, du transport, de l’électricité, du gazole : tout est hors de prix. Pour y faire face, il faudrait que j’augmente mes tarifs de 30%. C’est impossible », s’indigne-t-il.

IB