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Les négociations commerciales s'enlisent dans une tension inédite

Inflation, crise sanitaire, nouveau cadre législatif… Les négociations commerciales 2022 se poursuivent dans un contexte de tensions « inédit ». À cinq semaines de la fin des discussions, industriels et distributeurs campent sur leurs positions. La FNSEA passe à l'offensive.

Les négociations commerciales s'enlisent dans une tension inédite
La FNPL (producteurs laitiers, FNSEA) a lancé un appel à la mobilisation « pour aller à la rencontre des Français dans tous les magasins pour une opération #TransparenceGMS » et faire pression sur les distributeurs pour qu’ils acceptent les hausses de tarif « légitimes » demandées par les industriels.

Les négociations commerciales sont toujours le théâtre de discordes entre industriels et distributeurs. Mais l'ampleur des tensions cette année, de l'avis de plusieurs acteurs, est « inédite ». La semaine passée, la polémique autour de la baguette à 0,29 € chez Leclerc a mis en exergue la colère du monde agricole et des industries agroalimentaires. Ces dernières somment la grande distribution d'accepter leurs hausses de tarifs, particulièrement importantes cette année (entre 5 et 10 %) à cause de la flambée des coûts des matières premières, de l'énergie, des emballages et du transport et la « non-négociabilité » des coûts des matières premières agricoles, instaurée par la loi Egalim 2. Les distributeurs, quant à eux, veulent contenir la hausse et agitent l'étendard du pouvoir d'achat pour justifier leur position. Après des années de déflation, les prix des produits de grande consommation (PGC) alimentaires devraient repartir à la hausse en 2022. Selon les prévisions de l'institut Iri, l'inflation devrait se maintenir sous la barre des 4 %. « Tous les produits ne seront pas inflationnistes. Ce seront principalement les produits avec une forte composante des matières premières dans leur prix : les céréales, les huiles, la viande, les produits laitiers… », analyse Emily Mayer de l'Iri.

Des premiers retours « inquiétants »

Une hausse des prix qui devrait connaître son apogée au deuxième ou troisième semestre, après la fin des négociations commerciales au 1er mars. Les industriels alertent sur le retard pris dans les négociations. Près d'un quart des couples industriels-distributeurs n'aurait pas encore échangé selon Richard Panquiault, le directeur général de l'Ilec (association des marques de grande consommation). Et, du côté de ceux qui ont amorcé les discussions, « les premiers retours de la grande distribution sont extrêmement inquiétants, il y a un écart phénoménal entre les besoins des industriels et ce que veulent les distributeurs. Si ça ne bouge pas très vite, on va droit dans le mur », affirme Richard Pauquiault, assurant que « les industriels ont déjà pris sur leurs marges dans leurs demandes de hausses ». Devant les sénateurs, le 19 janvier, Michel-Edouard Leclerc a précisé que son groupe fera « passer les hausses nécessaires » sur les prix alimentaires sans toutefois quitter sa posture de « défenseur » du pouvoir d'achat. « Nous allons vers une inflation que nos consommateurs ne pourront pas absorber », a déclaré le président du comité stratégique des centres E. Leclerc. « Nous sommes d'accord pour appliquer des hausses de tarifs dès lors que celles-ci sont justifiées », abonde le groupe Carrefour. Il assure qu'il va « respecter la loi » et « poursuivre les négociations avec discernement envers les PME utilisant des matières premières agricoles françaises et envers ceux qui font le choix de la transparence et du ruissellement ». De la transparence : la demande revient souvent de la part des distributeurs. Michel-Edouard Leclerc souligne par exemple que 90 % des fournisseurs des magasins Leclerc ont opté pour le recours à un tiers de confiance afin de « certifier au terme de la négociation » que celle-ci n'a pas porté sur la part du coût de la matière première agricole, comme le prévoit la loi Egalim 2. Les deux autres options étant de présenter le prix unitaire ou prix total des matières premières dans les CGV (conditions générales de vente). « Les industriels n'ont pas choisi la transparence », en conclut Michel-Edouard Leclerc.

La FNSEA passe à l'action

Du côté de l'amont agricole, la présidente de la FNSEA Christiane Lambert défend les marges des industriels et dénonce les stratégies des distributeurs pour « contourner » les règles des négociations et la loi Egalim 2. « Je voudrais des caméras dans les box des négociations car il s'y passe des choses insensées », a-t-elle déclaré sur BFM Business le 14 janvier. Elle assure que certains industriels reçoivent des propositions de tarifs à « moins 2-3 % ». Tout en légitimant les inquiétudes des consommateurs sur leur pouvoir d'achat, elle juge « inacceptables » les baisses demandées par les distributeurs. « Nous aurons sûrement besoin d'aller les titiller un peu dans les rayons… », avait-elle laissé entendre à l'occasion des vœux du syndicat à la presse, le 11 janvier. C'est chose faite. La section lait du syndicat a lancé un appel à la mobilisation pour « aller à la rencontre des Français dans tous les magasins ».

JG