ÉLEVAGE
Lait bio : en quête de nouveaux marchés

Le 12 septembre, les acteurs de la filière lait bio régionale se sont réunis à Saint-Romain-en-Gal (Rhône) afin d’échanger autour de la conjoncture de la filière et de partager les stratégies de relance de la consommation de produits laitiers bio régionaux.

Lait bio : en quête de nouveaux marchés
Face à une baisse de la collecte de lait bio en région, les éleveurs s’organisent afin de relocaliser la transformation et cherchent à diversifier leurs marchés. © Léa Rochon- Apasec

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Depuis juin 2022, le nombre de livreurs bio a diminué de 8 % en Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), revenant au niveau connu fin 2020. Ce phénomène est à mettre en parallèle avec la baisse de la consommation de lait bio, qui est revenue à un niveau similaire à celui de 2017 en grandes et moyennes surfaces (GMS). Selon FranceAgriMer, cette baisse de la collecte devrait se poursuivre, avec un hypothétique retour à 1,15 milliard de litres en décembre 2025. En France, seuls la Normandie (+0,5 %) et le Centre-Val de Loire (+3,7 %) ont connu une évolution du cumul annuel positif, tandis que ce dernier est à la baisse en Aura (-11,8 %). La diminution de la collecte est, en réalité, arrivée plus tôt en Aura. Depuis 2023, le prix du lait bio y est pourtant plus élevé qu’au niveau national : 501 € en moyenne glissante pour du 38/32.

Une difficile percée au sein de la restauration collective

Malgré tout, quelques signes restent encourageants. Depuis le début de l’année 2024, les circuits spécialisés bio connaissent un rebond. Du côté des GMS, les yaourts bio natures montrent une légère hausse de la consommation. Quant à la restauration collective, la part de produits laitiers bio consommée a évolué de 3,9 % en 2019 à 8,9 % en 2023. À ce rythme, les experts estiment que la loi Égalim ne sera respectée qu’en 2038. Dans ce contexte, deux tendances se distinguent concernant les revenus moyens des éleveurs bio. En plaine, le prix du lait a connu une augmentation de 5 % en 2023. Toutefois, ce chiffre est à relativiser, puisqu’il cache une très forte hétérogénéité selon l’autonomie alimentaire des élevages et les efforts faits sur la compression des charges. Une étude menée par l’Institut de l’élevage révèle ainsi que pour le quart inférieur des éleveurs, les revenus sont inférieurs à 19 000 € / unité de main d’œuvre. Dans le Massif central, la situation est néanmoins plus compliquée. Le résultat courant des élevages bio de montagne a diminué de 10 % par rapport à 2022. En cause : une forte hausse des charges de structure et une moindre dilution qu’en plaine. Si les éleveurs ont mis en place des stratégies de maîtrise des coûts et que la baisse du prix du GNR devrait aider à soulager les trésoreries, l’attente de sortie de crise pour les producteurs pèse sur leur trésorerie.

Relocaliser la transformation en région

Face à ce constat, certains éleveurs de la région Aura se tournent vers la relocalisation de l’offre, le gain de valeur ajoutée et l’ouverture de nouveaux marchés (lire encadré). De son côté, la coopérative Biolait, première collectrice de lait bio en France, dont 250 exploitations en Aura, tend à encourager des systèmes herbagers et la transformation à la ferme. « Nous garantissons une surface de pâturage de 30 ares disponible par vache et nous interdisons les produits chlorés pour le lavage des machines à traire, relate le président et éleveur Philippe Marquet. L’absence de chlore trouve des débouchés inattendus, comme la nutrition infantile pour valoriser le lait déclassé. » Outre cette démarche qualité, Biolait travaille également sur la valorisation de la décarbonation que peut apporter l’élevage bio et souhaite se tourner davantage vers la restauration hors domicile (RHD). « Il y a des choses à imaginer et à faire, même s’il faut y consacrer de l’énergie… » Proche de la Métropole lyonnaise, les Fermiers fêlés, un collectif de producteurs laitiers bio, visent quant à eux le marché de la restauration collective avec la transformation de nouveaux produits, tel que le fromage blanc, le skyr, la crème et le beurre. Enfin, la coopérative Sodiaal, s’appuie sur la relocalisation avec la démarche « Le Bio prè de chez vous », qui assure une alimentation des vaches 100 % française et des bêtes qui pâturent plus de 180 jours par an. Ce qui n’empêche néanmoins pas l’éleveur et représentant de Sodiaal, Cyril Chorain de rappeler que, si certains nouveaux marchés s’ouvrent, l’heure « n’est pas encore à l’euphorie ».

Léa Rochon

L’atout vente directe

Certains éleveurs se tournent vers la relocalisation de l’offre. Parmi eux, la fromagerie Altermonts valorise la production d’un collectif de quatre fermes en fromages au lait cru. « L’idée n’était pas de venir concurrencer les collectes qui transforment en individuel, explique Gautier Mazet, éleveur dans les monts du Lyonnais (Loire). Depuis la première fabrication en 2020, nous sommes partis sur des fromages qui existaient peu sur le secteur. Côté commercialisation, nous avons fait le choix de ne pas nous fermer de portes, il a fallu développer un marché qui n’existait pas pour nos fromages. » Dorénavant, la fromagerie installée dans la Loire compte 100 à 120 clients, dont 20 % en vente directe, 20 % en plateformes de grossistes de producteurs et 60 % de professionnels. « Nous sommes arrivés à saturation de la vente en direct, nous tendons donc à nous orienter davantage sur la plateforme de producteurs, qui nous plaît énormément comme nous avons également des fermes à gérer. »