Innovation
Les guêpes déposées en quad

Isabelle Doucet
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La technologie de biocontrôle T-Protect Booster, associée à celle de dépose par quad, permet de faire des enjambées significatives en matière de durée de chantier.

 

 Les guêpes déposées en quad

À l’automne 2021, un étrange engin avait investi le foirail lors des journées de l’agriculture de Beaucroissant. Un quad très haut sur pattes était présenté par les exploitants agricoles Jean-Baptiste Million, de Frontonas et Grégory Barthalay, de Saint-Quentin-Fallavier, en partenariat avec la coopérative Oxyane.
Sa fonction : améliorer les conditions de lâcher de trichogrammes (1) dans le cadre de la lutte contre la pyrale du maïs.
L’innovation mécanique, qui se couple avec le nouvel épandeur mis au point par Bioline (technologie de biocontrôle T-Protect Booster) et la coopérative, a été distinguée dans le cadre du Prix de l’Excellence agricole et rurale organisé chaque année par Terre Dauphinoise.
La coopérative Oxyane a en effet souhaité remettre le Trophée de l’Innovation en biocontrôle, aux utilisateurs de ce nouvel équipement.

Un seul passage

L’évolution technologique concerne d’une part le nouveau conditionnement pour le lâcher d’auxiliaires.
« Il s’agit d’un carton résistant aux aléas climatiques dans lequel les insectes sont un peu mieux protégés de l’humidité. Ces cartons sont biodégradables, mais ils durent plus longtemps », explique Florence Prudhomme, associée de l’EARL Barthalay. Leur avantage est qu’ils couvrent ainsi toutes les générations de pyrales à leurs différents stades d’évolution et donc ne nécessitent qu’un seul passage.
Mais déposer les diffuseurs à la main prend du temps et le drone n’offre pas la visibilité recherchée par certains.
Aussi Grégory Barthalay et Jean-Baptiste Millon, épaulés par Oxyane, imaginent un système d’épandage par quad qui permet de déposer les cartouches T-Protect Booster au milieu ou à proximité du rang.
En couvrant 120 hectares par jour, le débit du chantier prend alors une autre dimension et permet d’accéder à la lutte par biocontrôle à grande échelle.
Sous contrat de prestation de service avec la coopérative, les deux exploitants ont traité environ 900 ha en 2021 et souhaitent dépasser le millier d’hectares cette année.

Stade 10 feuilles

Entre-temps le quad a subi quelques améliorations, notamment au niveau du magasin placé à l’arrière de l’engin et destiné à distribuer les cartons. Le mécanisme, mis au point avec la société GVR de Mâcon, doit être testé le 1er avril.
En revanche, le système enjambeur est ajouré. Le quad avait pourtant fait sensation avec son mécanisme dépliant capable de surélever l’habitacle et de passer par-dessus les cultures jusqu’à 1,30 m.



« L’évolution des règles de sécurité ne permet pas de valider le système du prototype », annonce Grégory Barthalay.
Le quad officiera donc jusqu’à concurrence d’une certaine hauteur, stade 10 feuilles de la plante environ. « Nous essayons de le surélever avec des pneus adaptés pour arriver à enjamber 50 cm », ajoute le prestataire.

Une lutte efficace

Une fois les derniers tests validés, il pourra intervenir à la demande chez les céréaliers.
« Mais avec le contexte international, nous ne savons quels emblavements vont être réalisés, s’il y aura beaucoup de soja et moins de maïs », note-t-il.
Quant aux dates d’intervention, il suit les préconisations de Bioline et rappelle que c’est avant tout le cumul de températures qui compte.
« C’est un projet dans lequel nous avons souhaité nous investir car il véhicule une certaine idée d’entraide autour d’une technologie innovante, reprend Florence Prudhomme. C’est une nouvelle pratique, qui offre un gain de temps et permet d’intervenir au bon moment. Cette lutte biologique fait faire l’économie d’un passage phyto en semences de maïs. Et puis la lutte contre la pyrale avec les trichogrammes a prouvé toute son efficacité. Pour nos exploitations, c’est aussi un complément de revenu. »


L’exploitation, membre d’un des six groupes 30 000 animés par la coopérative Oxyane, se montre toujours prête à s'investir dans de nouvelles pratiques agroécologiques et à tester de nouvelles adaptations. C'est une des bases de son fonctionnement.

Isabelle Doucet

(1) Les trichogrammes sont des guêpes microscopiques parasitoïdes des larves de pyrales.