Forêt
La massification s’étend à Brocharin

Morgane Poulet
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Depuis l’automne 2021, 14 propriétaires de forêts, Coforêt ainsi que la scierie Ducret mènent une opération de massification des bois du massif du Brocharin, à Saint-Joseph-de-Rivière, dont la Chambre d’agriculture de l’Isère est l’animatrice.

La massification s’étend à Brocharin
Le chantier de massification du bois du Brocharin, qui s'étend sur 28 hectares, est composé de douglas (photo ci-dessus), d'épicéas communs et de sapins pectinés.

A la suite d’échanges réguliers avec la Chambre d’agriculture de l’Isère depuis 2017, un important projet de massification du bois de la forêt de Saint-Joseph-de-Rivière a été lancé à l’automne dernier. Deux propriétaires de parcelles forestières ont en effet sollicité les conseils du service forêt de la Chambre pour exploiter leurs résineux. Cela a abouti à l’identification de secteurs nécessitant des coupes d’amélioration, d’autant plus que pour l’ensemble des parcelles visitées, une concurrence importante a été observée entre les résineux. Cette dernière a pour conséquence de ralentir la croissance des arbres et de freiner le développement de la régénération naturelle des feuillus et des résineux.
Ce projet animé par la Chambre d’agriculture de l’Isère, engage 14 propriétaires et 39 parcelles, ce qui représente environ 28 hectares. Un chantier d’envergure a ainsi été lancé pour permettre à la forêt du Brocharin de gagner un nouveau souffle.

Un constat

Les 28 hectares qui composent le chantier sont relativement hétérogènes. Plusieurs types de peuplements ont ainsi été identifiés avant le début des travaux, ce qui a été une aide pour organiser le chantier. En effet, les différentes essences n’ont pas les mêmes besoins. On dénombre des plantations d’épicéa commun plantées il y a 25 à 35 ans, très denses et jamais éclaircies. Certaines plantations d’épicéa dépassent même les 40 ans. Il faut également compter sur des futaies de sapin pectiné, qui, elles, n’ont pas été plantées. Enfin, certains hectares sont occupés par des douglas vieux de 30 à 40 ans.
Des phénomènes de dépérissement de sapin pectiné sont de plus en plus visibles, mais de manière éparse sur l’ensemble du massif. Ces sapins se remarquent en effet « par des cimes présentant des branches épaisses avec peu d’aiguilles », explique Romain Provost, conseiller forestier à la Chambre d’agriculture de l’Isère. Qui plus est, certains arbres présentent un rougissement partiel, voire intégral, des aiguilles.
Deux plantations d’épicéa ont été également touchées. Leur dépérissement est observable par la présence d’arbres qui perdent très rapidement l’intégralité de leurs aiguilles. « Ces dépérissements sont favorisés par les attaques d’un parasite de faiblesse, le scolyte, ce qui rend nécessaire l’abattage des arbres concernés afin que le parasite ne se déplace pas dans le reste de la forêt », explique Claude Francillon, propriétaire de parcelles forestières à Saint-Joseph-de-Rivière et principal moteur du projet. Trois foyers ont été détectés, dont un sur les hauteurs du massif du Brocharin, qui a fait l’objet d’une coupe définitive : plus de 40 % des arbres ont été attaqués et d’autres présentent des signes de fatigue. La plantation, désormais coupée à blanc, sera reboisée avec une autre essence dans le cadre du plan de relance forestier du gouvernement.
Ces impacts sur le massif, corrélés au changement climatique, ont ainsi créé un besoin urgent d’intervention pour entretenir la forêt.

Projet coopératif

Tout est parti de la volonté de deux propriétaires de 13 parcelles à la forêt de Brocharin, à Saint-Joseph-de-Rivière, d’effectuer des coupes d’éclaircie. D’août à septembre 2020, de premières visites ébauchées de conseils ont été organisées par la Chambre d’agriculture de l’Isère pour eux. Pour organiser les coupes, « les propriétaires de parcelles limitrophes ont dû être contactés afin de massifier un volume de bois plus important », explique Romain Provost. Ces derniers possèdent en moyenne des parcelles souvent inférieures à un hectare.
Un propriétaire d’épicéas dépérissant sur une surface de 680m3 a ainsi été identifié, de même que sept propriétaires détenant 1400m3 de forêt et que six propriétaires possédant 280m3. Soit au total 2360m3 de forêt concernés par le chantier.
C’est finalement au début de l’année 2021 que le chantier a pu être concrétisé et, surtout, être divisé en deux. Un premier chantier a concerné la « partie basse impliquant quatre propriétaires et neuf parcelles », explique Romain Provost. Des sapins ont pu être exploités et ont dû être évacués par les proches terrains agricoles.
Le deuxième chantier concerne la partie haute de la forêt et implique onze propriétaires pour 30 parcelles, qui comprennent quant à elles, des plantations d’épicéas et de douglas à éclaircir.
La coopération a été de mise pour les propriétaires, qui ont dû trouver un terrain d’entente pour choisir des acheteurs. Selon Claude Francillon, l’objectif principal de la massification n’est néanmoins pas de réaliser des économies mais de mettre au point « une meilleure organisation ». En effet, les sentiers menant aux différentes parcelles en traversent d’autres, d’où la nécessité de se mettre d’accord à plusieurs lorsque des aménagements sont nécessaires. C’est ce qu’explique Claude Francillon. Après avoir identifié un chemin de débardage, « nous avons dû l’élargir sur quelques mètres pour permettre à un tracteur forestier de passer. » Huit propriétaires étaient concernés par cet élargissement, ce qui a permis une répartition de la participation financière de chacun. « Il a également fallu faire venir un brise-roche pour élargir un chemin sur une dizaine de mètres, ce qui nous a coûté 3000€ », ajoute Claude Francillon.

Un calendrier rythmé

Un abattage en billon par une abatteuse a tout d’abord été décidé par les prestataires afin d’éviter les blessures liées au débardage de bois en grande longueur.
En juin et en juillet 2021, une place de dépôt a aussi été aménagée, en bas du massif afin de permettre le stockage et le tri des bois en grande longueur et en billon. Des billons supplémentaires ont ensuite été stockés sur un terrain agricole à plat à proximité.
Les différents bois des deux chantiers ne seront pas valorisés de la même manière. Ceux du chantier du bas, exploité manuellement par la scierie Ducret avec une équipe de bûcherons et un tracteur forestier, seront utilisés en tant que sciage à charpente.
Les bois du chantier du haut, exploité par Coforêt, seront quant à eux valorisés de différentes manières. Les douglas, les épicéas et les sapins seront utilisés comme charpente. Les résineux seront également valorisés en tant qu’emballage de palette, selon leurs ramures, et quelques feuillus finiront en bois de chauffage.

Morgane Poulet
Un brise-roche a été utilisé sur une dizaine de mètres pour élargir un chemin, qui doit permettre aux véhicules de passer.
Un chemin de débardage a été élargi afin de faciliter l'accès des engins aux parcelles.
Des abatteuses ont été utilisées pour réaliser des éclaircies dans les parcelles.
Une coupe définitive a été orchestrée sur les hauteurs du massif du Brocharin car plus de 40 % des arbres étaient attaqués par les scolytes et d’autres présentaient des signes de faiblesse.
Résultat du chantier d'éclaircie d'une plantation d'épicéas.