Filières porteuses
L'Isère a besoin de légumes

L'Isère a besoin de légumes, de beaucoup de légumes notamment pour alimenter la restauration hors foyer.

Légumes plein champ, mais aussi orge brassicole, pois chiches, lentilles ou encore plantes à parfum, aromatiques et médicinales, la chambre d'agriculture de l'Isère a identifié un certain nombre de filières porteuses qu'elle a présentées dans le cadre du Forum des opportunités. Celui-ci s'est déroulé en ligne, le 17 novembre dernier, en présence des opérateurs de filières à la recherche de producteurs pour alimenter leurs débouchés.

L'Isère a besoin de légumes. Les surfaces cultivées en « légumes-fleurs » ont chuté de 50% en 10 ans pour s'établir à 1 135 ha déclarés PAC, dont la moitié en agriculture biologique. S'il y a un rebond des installations en maraîchage depuis 2015, ce sont en général sur de petites surfaces, en agriculture biologique et en vente directe. « Nous recherchons des surfaces et des volumes plus importants pour des débouchés comme la restauration collective, le MIN(1) ou la grande distribution », annonce Mélanie Hovan, conseillère à la chambre d'agriculture de l'Isère. Car la relocalisation des productions est un mouvement de fond, porté d'abord par le Département pour ses collèges, mais aussi par des communes désireuses de passer leurs cantines en régie pour avoir la main sur l'origine des produits, ou encore par les différents plans alimentaires territoriaux et notamment le PAIT qui concerne tous le Sud-Isère ou le PAT de Lyon qui intéresse le Nord-Isère. De plus, la loi Egalim imposera d'ici 2022 la présence de 50% de produits sous signe de qualité ou HVE dans la restauration scolaire. Enfin, le pôle agroalimentaire de l'Isère œuvre à l'ouverture de débouchés dans la grande distribution. Un travail a été engagé avec une vingtaine de magasins pour mieux connaître leurs attentes. La pomme de terre a le vent en poupe.

Des pommes de terre en palette

Les cantines aussi recherchent le tubercule. C'est ce que confirme Stéphanie Guinard, responsable approvisionnement de la plateforme AB épluche spécialisée en légumes de 4e gamme (2). Installée aux abattoirs du Fontanil, la légumerie traite entre 250 et 300 tonnes de légumes bio par an, qui représentent 80% de son activité. « Nous fonctionnons à la palette », précise Stéphanie Guinard. Ici, les commandes, c'est 500 kg minimum. « Nous recherchons des producteurs qui font du volume. Une piste serait de faire une culture plein champ dans le cadre d'une activité maraîchère diversifiée. » La légumerie attend des gros calibres de légumes. Elle propose la ramasse dans les secteurs de la Bièvre, de la Capi et de la Vallée du Rhône. « Nous sommes flexibles à la discussion et la partie conditionnement ne doit pas coûter », rassure la responsable. Les besoins en produits bio sont les blettes, carottes, navets, choux rouge, céleris, voire du rutabaga et du pain de sucre. Après mars, la plateforme part à la chasse aux patates, carottes et autres poireaux. En conventionnel, il manque de tomates et d'endives et d'autres produits non transformés comme les carottes, céleris rave ou navets, mais aussi des fruits comme les prunes et les kiwis. « Nous sommes toujours intéressés par de nouveaux contacts car nous travaillons sur la notion de fruits de saison avec les cantines », indique Stéphanie Guinard. La légumerie AB Epluche dispose de son propre réseau de producteurs. Cependant, les produits conventionnels sont traités par sa structure Isère à Saisonner, tandis que toutes les commandes et les produits bio passent par la plateforme Mangez Bio Isère.

Une croissance de 30 à 40%

La coopérative de producteurs bio, qui fête ses 15 ans et ses presque 4 millions d'euros de chiffre d'affaires dont 20% en légumes, a aussi de gros besoins en fruits et légumes. En 2019, Mangez bio Isère a traité 210 tonnes de légumes bruts et 90 tonnes de 4e gamme. La restauration collective scolaire représente 65% de son activité. Les autres marchés (restauration d'entreprise, restaurants, magasins bio et spécialisés) permettent de lisser les productions. L'évolution de la demande en légumes, de l'ordre de 30 à 40% chaque année, fait que la société coopérative recherche des nouveaux apporteurs en agriculture biologique ou en conversion « qui s’engagent, notamment sur des carottes, des tomates rondes, du panais, de la patate douce, des oignons, de  la salade et tous les légumes à feuille », détaille Tanguy La Maître, responsable des approvisionnements. Il signale à son tour : « Les maraîchers qui ont des petites surfaces peuvent par exemple en réserver une partie pour une culture spécifique dédiée à Mangez bio. ». Pour le conditionnement, ce sont des cagettes en bois standard à livrer au MIN, mais Mangez Bio Isère a aussi mis en place un système de ramasse. Le responsable insiste sur la « définition collective des coûts de  production. Le prix est un critère central ».
A Saint-Prim, la plateforme Recolter, livre également des fruits et légumes à la restauration collective en Nord-Isère. Elle applique cette même politique de prix  fixés par les producteurs « solidaires et complémentaires », déclare Luc Armanet, le vice-président de la SAS.

Des volumes et de la durée

Les grands acteurs de la restauration collective se sont aussi emparés de cet engouement pour les produits locaux. SHCB, implantée à Saint-Quentin-Fallavier, prépare 50 000 repas par jour pour la restauration hors foyer. En 2019, la société a créé ses propres légumeries intégrées. « Nous réceptionnons des légumes tous les jours, en bio ou en conventionnel, explique Tristan Deredec, responsable des achats. Nous travaillons avec des producteurs isérois et les légumes préparés à Saint-Quentin sont proposés prêt à l'emploi aux cuisines centrales en région Bourgogne et Auvergne-Rhône-Alpes. » Il n'existe pas de système de ramasse et les producteurs livrent en big bag à la légumerie. « Nous souhaitons travailler sur la saisonnalité, la durée, les volumes et le fonds de roulement sur certains produits », annonce le responsable. Il précise que tous les déchets sont stockés puis récupérés par les producteurs une fois par semaine pour les besoins des élevages. Les prix sont dépendants du cahier des charges et pourraient être lissés.

Les opérateurs, chambre d'agriculture, collecteurs ou metteurs en marché organisent régulièrement des visites de parcelles ou des web conférences sur ces cultures afin de permettre à chaque producteur de pouvoir s'orienter vers ces filières porteuses.

Isabelle Doucet

 

 

(1) Marché d'intérêt national de Grenoble-Alpes Métropole

(2) Légumes frais, crus, lavés, épluchés et coupés puis conditionnés sous air ou sous vide.

Cultures / Le retour des orges, pois chiches et lentilles

La région Auvergne-Rhône-Alpes est la plus riche en nombre de brasseries artisanales (3). Alors forcément, la demande locale de malt et de houblon s'accroît. Si la France est le premier producteur d'orge, rare sont les volumes affectés à la production de malt : une grasse part de l'orge brassicole est déclassée pour l'alimentation animale et 95% de l'orge brassicole (lorsque le taux de protéine est compris entre 11 et 14%) est dédiée à l'exportation. « En Auvergne-Rhône-Alpes, c'est l'orge de printemps qui est plutôt utilisée pour les brasseries », indique Mélanie Hovan, conseillère à la chambre d'agriculture de l'Isère. L'orge d'hiver est cultivée sur 62 600 ha, celle de printemps représente 5 000 ha en conventionnel et 2 600 ha en AB. Les besoins sont considérables : les brasseurs recherchent 6 000 tonnes d'orge dont 2 000 t en bio et environ 80 t de houblon. L'orge brassicole bio est la mieux valorisée par rapport à l'orge fourragère. Mélanie Hovan rappelle qu'il y a désormais quatre malteries en région dont deux entreront en production en 2021 : Art Malt bio en Ardèche et A Vos Malts dans la Drôme. La coopérative Oxyane est positionnée sur la collecte d'orge bio (300 tonnes actuellement livrées aux malteries et possibilité de monter à 1000 tonnes), tandis que la Maison Cholat collecte l'orge conventionnelle référencée marque Ishère. « Nous collectons 4 à 500 tonnes, que nous espérons multiplier par deux ou quatre », explique François Maxence Cholat. La valorisation est de 200 euros la tonne en calibre supérieur à 2,5 mm.

Trop rares légumineuses

Un autre segment en fort développement, bien que les itinéraires technique soient encore à parfaire, sont les légumineuses alimentaires. Les pois-chiche (52 ha -dont la moitié en AB- et 43% de vente directe) et les lentilles (180 ha et 70% en vente directe) sont des filières récemment structurées. Les rendements en lentille verte bio (variété alicia) sont capricieux, entre 0 et 20 quintaux/ha, 7 qtx en moyenne, mais la valorisation varie entre 1 200 à 1 400 euros/t collectée, jusqu'à  3 000 euros en vente directe. Pour le pois-chiche, c'est autour de 10 à 12 quintaux de rendement et une valorisation de 900 euros/tonne. Pour accompagner les producteurs dans leurs cultures de légumineuses, les chambres d'agriculture ont mis en place le Pepit (4) LegSecAura. La coopérative Oxyane collecte actuellement 50 tonnes de lentilles verte bio, labellisées Biopartenaire, mais son potentiel est trois fois supérieur. Idem pour le pois-chiche qui pourrait passer aisément de 30 tonnes à 100 tonnes collectées en agriculture biologique par Oxyane.
Mangez bio Isère est également à la recherche de ces légumineuse et Tanguy Le Maître, déclare devoir encore s'approvisionner auprès d'un grossiste national faute d'apporteurs. Il pointe la question d'un outil de tri collectif ou du travail à façon qui pourrait inciter des producteurs à se lancer dans ces cultures.

Isabelle Doucet

(3) Il y a plus de 300 brasseries artisanales en Aura dont 75 en agriculture biologique.

(4) Pole d’expérimentation partenariale pour l’innovation et le transfert