Viande bovine
Le bras de fer se durcit autour des prix

Alors que le ministre de l'Agriculture a formellement écarté, le 16 avril, la demande de la FNB d'un prix minimum, le syndicat « amplifie » son appel à retenir les animaux en ferme. Le but ? Obtenir de meilleurs prix à la production en cette période de forte consommation de viande bovine, notamment hachée.
Le bras de fer se durcit autour des prix

Le torchon brûle entre le ministre de l'Agriculture et la FNB (éleveurs de bovins viande, FNSEA). Dans un communiqué du 20 avril, la Fédération nationale bovine « amplifie » son appel aux éleveurs à retenir les animaux en ferme afin d'obtenir de meilleurs prix, « en dépit des conséquences économiques ».

« Cette action syndicale n'a pas, simplement, vocation à dénoncer l'attitude irresponsable des acteurs de l'aval de la filière viande bovine. Elle est, aussi, le résultat de l'absence d'action concrète du gouvernement », explique la FNB dans son communiqué.
Le syndicat - qui demande depuis le 29 mars la mise en place d'un « prix minimum » à la production dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire - indique avoir reçu un courrier de réponse de la part de Didier Guillaume, daté du 16 avril.

Le locataire de la Rue de Varenne y écrit qu'un prix minimum « pourrait se révéler, in fine, contre-producti[f] en favorisant la viande importée au détriment de la production nationale ». « Des prix d'intervention où l'argent public viendrait entériner le déséquilibre, je ne pense que ce ne serait pas une bonne mesure », avait-il aussi lancé le 16 avril, lors d'une audition devant les députés de la commission des Affaires économiques.

Consommation en hausse, prix à la production en baisse

Un refus que la FNB assimile à de l'« inaction ». « Quel ministre de l'Agriculture peut accepter avec tant de passivité, dans la période actuelle, que les éleveurs vendent leurs animaux à un prix encore plus bas ? », ironise le syndicat dans son communiqué.

« La cotation a perdu 3 centimes supplémentaires et s'établit à 3,71 EUR/kg la semaine dernière (pour la vache R la semaine du 13 avril, NDLR) », constatent ainsi la FRSEA et les Jeunes agriculteurs (JA) de Bretagne, le 22 avril. Les syndicats bretons - qui « se joignent à l'appel de la FNB » - tirent la sonnette d'alarme : le prix des bovins « frôle ainsi un niveau historiquement bas, alors qu'une hausse saisonnière devrait être observée à cette période. Ces prix sont loin de couvrir le coût de revient des éleveurs établi à 4,89 EUR/kg ! » La FNB évoque même un prix payé situé « 1,33 EUR/kg au-dessous du coût de production des éleveurs pour la catégorie des vaches de race à viande ».
Or, « les ventes de viandes bovines se portent au mieux », rappelle le syndicat. En particulier le steak haché, dont les ventes explosent depuis le début du confinement.

« La consommation reste dynamique, notamment sur le steak haché (+34 % pour le frais, +38 % pour le surgelé pour les ventes en semaine 14) », constate la FNSEA le 22 avril.

Didier Guillaume approuve à demi-mots

« Aujourd'hui, il n'y a aucune raison acceptable que le prix payé à l'éleveur baisse, là, au moment où il y a une demande qui augmente », reconnaissait Didier Guillaume lors de son audition du 16 avril. Sans accéder à la demande des éleveurs, le ministre approuve à demi-mots leur mode d'action : « Si tous les éleveurs retiennent leur animaux dans les cours de ferme, ça fera forcément poser des questions aux abattoirs. »
« Au départ, nous étions dans une position de précaution vis-à-vis de la situation difficile que connaissent certains éleveurs », explique Cédric Mandin, secrétaire général de la FNB le 21 avril. « Certains départements étaient un peu réticents, mais ils nous ont finalement suivis. » Difficile de connaître le nombre d'éleveurs retenant effectivement les animaux en ferme. Mais cet éleveur vendéen remarque que « la Conf' nous a rejoints, le mouvement s'amplifie, car les éleveurs en ont ras-le-bol. »

La Confédération paysanne emboîte le pas à la FNB

Dans un communiqué paru le 17 avril, la Confédération paysanne a effectivement annoncé qu'elle rejoignait l'appel de la FNB. Cette action « ne vise en aucun cas à mener le pays vers la pénurie, mais bien à alerter au sujet d'une situation devenue intenable » pour les éleveurs. Pour la Conf', « le gouvernement ferme les yeux sur le chantage financier inacceptable exercé par les industriels auprès des éleveurs. » Le syndicat minoritaire en appelle « à la responsabilité des politiques comme de l'ensemble des acteurs économiques ».

La Confédération paysanne rejoint par ailleurs « la demande de régulation de la FNB et des JA ». Elle précise que « seule une maîtrise au long cours des volumes garantira en effet un prix rémunérateur. »
De son côté, le Modef partage l'objectif de la FNB, mais conteste son mode d'action. Dans un communiqué du 20 avril, le mouvement de défense des exploitants familiaux demande « un prix plancher d'achat », tenant « compte de l'évolution des coûts de production ». Mais « garder les animaux en ferme ne permettra pas d'obtenir des prix minimums garantis, mais une augmentation des charges d'alimentation », estime le syndicat minoritaire. « Les éleveurs s'attendent à une nouvelle sécheresse, car le déficit de pluie commence à se faire sentir dans certains départements », rappelle le Modef, ajoutant que « les prix du foin et de la paille flambent déjà alors que la récolte n'a pas commencé. »

YG

 

 

Prix des bovins : la confédération des bouchers répond sèchement à la FNB

« Nous ne pouvons tolérer d'être assimilés de manière aussi caricaturale, et en réalité totalement fausse, aux grandes et moyennes surfaces », lance Jean-François Guihard, président de la CFBCT (Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie et traiteurs), dans un courrier du 16 avril.
Les bouchers répondaient à l'appel lancé le 15 avril par la FNB (éleveurs de bovins viande, FNSEA) à garder les animaux en ferme pour obtenir de meilleurs prix. Le syndicat y dénonçait notamment « l'attitude irresponsable des acteurs de l'aval », accusés de faire baisser les prix alors que la consommation de steak haché explose pendant le confinement.
« De nombreuses boucheries artisanales sur le territoire souffrent aussi de la crise du Covid-19 », rappelle la CFBCT. « Vos propos considérant que toutes les boucheries réalisent d' " excellents chiffres de ventes " sont totalement déplacés », estime M. Guihard. Les bouchers apprécient d'autant moins être comparés aux GMS qu'ils estiment que « certaines se comportent de manière totalement irresponsable ». Et de rappeler que « depuis le début de la crise sanitaire, les principaux syndicats agricoles ont largement fait la promotion des enseignes de grande distribution, ignorant magistralement les artisans bouchers. »