Faune sauvage
Trop nombreux, les cerfs causent de nombreux dégâts dans le Trièves
La présence très importante de cervidés dans le Trièves depuis de longues années occasionne de lourds dégâts. Les agriculteurs et les forestiers veulent davantage de prélèvements. Rapidement.
Le problème est connu depuis longtemps. Les cervidés sont très nombreux dans le Trièves, et causent d’importants dégâts dans les parcelles agricoles et forestières, sans que des mesures suffisantes ne soient prises.
Aujourd’hui, les agriculteurs et les forestiers qui les subissent depuis plus de 20 ans n’en peuvent plus.
Excédés, ils demandent à ce que cette menace concernant l’équilibre agro-sylvo-cynégétique soit davantage pris en compte et que des solutions concrètes soient apportées pour faire diminuer le nombre de cerfs et de chevreuils dans le territoire.
80 individus
Agriculteur au sein de la SCEA du Mont-Aiguille à Clelles, Christian Correard doit faire avec les cerfs dans ses champs de céréales et ses prairies depuis bien trop longtemps.
Pendant des années, ils avaient élu domicile dans les fonds de ravins du lieu-dit La Rivoire, dans la commune de Saint-Michel-les-Portes. L’agriculteur a vu des troupeaux allant jusqu’à 80 individus.
« Vous imaginez-vous les dégâts qu’une telle présence peut engendrer ? », questionne-t-il. Pendant tout ce temps, il n’a eu de cesse de constater et faire constater les dégâts causés par des experts pour se faire indemniser.
Mais la chose n’est pas aisée. Il est plus facile de quantifier les pertes imputables aux sangliers que celles des cerfs, qui broutent l’herbe et les épis de céréales de façon disparate dans les parcelles, les empêchant de parvenir à maturité.
Les alertes qu’il a données à la FDCI (1) n’ont pas donné les suites escomptées. Si les cerfs sont bien chassés dans le territoire, il n’y a pas eu suffisamment de prélèvements pour réduire de façon significative leur population et par conséquent leurs dégâts, dont les coûts ne font qu’augmenter.
Plus de loups
Aujourd’hui, la situation a quelque peu changé. Les cerfs sont moins concentrés à Saint-Michel-les Portes. Ils vont davantage dans les communes limitrophes. « Le problème concerne maintenant toujours la commune de Saint-Michel-les-Portes, mais aussi celles de Saint-Martin-de-Clelles, Roissard, Château-Bernard, Clelles et Lavars », détaille, Sébastien Arnaud, agriculteur à Roissard et représentant de la profession dans l’unité de gestion n°1.
Les causes de cette mobilité : une pression de chasse un peu plus forte grâce à un accroissement du nombre de bracelets délivrés et des tirs réalisés dans le territoire, et surtout la présence plus importante de loups dans le secteur.
Les agriculteurs ont bien noté qu’il y avait davantage de prélèvements de cerfs. Mais cette hausse n’est pas encore suffisante pour faire diminuer les populations, qui continuent de croitre. La situation est de plus en plus intenable.
Tellement de difficultés
En aucun cas, les agriculteurs ne souhaitent l’éradication des populations de cerfs dans le Trièves. Ils veulent simplement les réguler de façon à rendre compatible la présence durable d’une faune sauvage riche et variée avec le maintien des activités économiques que sont l’agriculture et la forêt.
« Bien sûr que nous devons partager le territoire avec les animaux sauvages. Mais là, il y en a trop. Nous sommes déjà confrontés à tellement de difficultés sur lesquelles nous n’avons pas la main, entre celles liées au changement climatique et celles liées à la faiblesse de notre revenu. Les dégâts de gibiers sont en trop », insiste Christian Correard. C’est dit.
A l’initiative du Préfet, une réunion de concertation relative aux dégâts de grand gibier dans le Trièves est organisée le 31 mai. Les agriculteurs et les forestiers en attendent beaucoup. Ils espèrent bien qu’elle permettra à chacun de prendre la mesure du problème et qu’une action efficace de prélèvements soit effectuée rapidement dans les communes concernées.
Contactées, la FDCI et la DDT (2) n’ont pas voulu répondre à nos questions.
Isabelle Brenguier
(1) Fédération départementale de chasse de l’Isère
(2) Direction départementale de l’Isère
« Les pratiques de chasse doivent évoluer »
Les forestiers considèrent l’actuel développement des populations de cervidés comme un risque majeur pour les forêts. Explications.
Comme les agriculteurs, les forestiers souffrent aussi des dégâts commis par les cervidés, présents en trop grand nombre dans le Trièves.
Ainsi que l’indique Albert Raymond, propriétaire forestier à Prélenfrey, et président de l’Union des forestiers privés de l’Isère : « La forêt endure à la fois les dégâts causés par les ravageurs à cause du changement climatique, mais aussi ceux des cerfs et des chevreuils ». Aujourd’hui, dans son ensemble, elle est malmenée.
« La surpopulation des cervidés est à l’origine de trois types de dégâts », explique le responsable. « D’abord sur les plantations. Coûteuses tant pour les propriétaires privés que pour les finances publiques, elles n’ont pas l’avenir qui leur est promis. Ensuite sur la régénération naturelle. Les semis issus des graines propagées par les arbres permettent normalement un renouvellement particulièrement intéressant pour la forêt, dans la mesure où d’une part, il n’a pas besoin d’être financé et d’autre part, il concède, à chaque génération d’arbres des évolutions naturelles qui permettent des adaptations au changement climatique, rendant sur le long terme, la forêt plus résiliente. Enfin, l’abroutissement, le frottis et l’écorçage des arbres provoquent des dommages irréversibles, qui les font mourir ou les rendent impropres à la vente », détaille-t-il encore.
Evolution adaptée des pratiques
Le phénomène est observé depuis une bonne quinzaine d’années, car les populations n’arrêtent pas d’augmenter et créent des perturbations sylvicoles largement reconnues et démontrées.
Les forestiers tirent la sonnette d’alarme et reconnaissent que les chasseurs en tiennent compte : « Les plans de chasse évoluent, mais moins vite que le nombre de cerfs et de chevreuils. La prise de conscience est en cours, pour autant, elle ne se traduit pas encore vraiment dans les faits, avec une évolution adaptée des pratiques de chasse. Tout le monde doit s’approprier le sujet », souligne Albert Raymond.
D’autant qu’avec l’absence d’hivers rigoureux et une prédation insuffisante, ces populations sont peu inquiétées naturellement.
A noter que si ce problème de surpopulation de cervidés est très présent dans le Trièves, il l’est aussi, selon le responsable forestier, dans les balcons est du Vercors ainsi que dans les massifs de Chartreuse et de Belledonne.
IB