Stratégie
L’Isère veut se doter d'une vitrine de l'emploi agricole et rural

Marianne Boilève
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En Isère, les acteurs de l’emploi agricole et rural travaillent à la mise en place d’une plateforme collective pour booster le recrutement, l’animation, mais aussi la promotion et la formation aux métiers de l’agriculture.

L’Isère veut se doter d'une vitrine de l'emploi agricole et rural
L'emploi : un dossier stratégique pour répondre aux besoins de main-d'œuvre en agriculture, mais aussi « relever le défi du renouvellement des générations ».

L’idée d’une « vitrine commune de l’emploi agricole et rural » est dans l’air. Elle a émergé en Isère il y a deux ans, mais des divergences de vue, puis la crise Covid, en ont retardé la mise en œuvre.
Repris par la Chambre d’agriculture et Agri-Emploi 38, le dossier est désormais stratégique pour les acteurs de l’emploi agricole et rural, qui en font un enjeu de premier plan non seulement pour recruter de la main-d’œuvre, mais aussi pour « relever le défi du renouvellement des générations ». C’est à ce titre qu’il a été présenté à l’assemblée générale d’Agri-Emploi en juin dernier. « On manque de salariés et on a tous du mal à recruter, argumente Gilles Convert, le président d’Agri Emploi 38. Si nous mettions nos moyens en commun et mutualisions nos ressources humaines, nous pourrions mieux répondre aux besoins des exploitants, tout en donnant du travail aux salariés toute l’année. »

Recruter le bon profil

Dans le monde agricole comme dans l’ensemble des secteurs économiques, le recrutement est devenu un véritable casse-tête. Alors que la France compte un peu plus de six millions de demandeurs d’emploi (toutes catégories confondues), dont 60 000 en Isère  (+ 9,2 % en un an - source : Pôle emploi), les entreprises – agricoles ou non – ont le plus grand mal à trouver des profils en adéquation avec leurs besoins. D’où l’idée de lancer une plateforme de l’emploi agricole et rural répondant à des enjeux communs à toutes les filières : recruter, remplacer, former, installer et promouvoir les métiers. « On se retrouve tous sur un même sujet – recruter -, mais avec des compétences complémentaires », constate Cécile Lauranson, cheffe du service Accompagnement de l’entrepreneur à la Chambre d’agriculture. « Les questions de l’emploi sont de plus en plus transversales et les besoins d’embauche de plus en plus importants, complète Lilian Poncet, responsable d’Agri Emploi 38. Dans un tel contexte, il apparaît pertinent d’unir nos forces et de fédérer nos réseaux pour gagner en efficacité. » 

Mutualiser les moyens

L’analyse est partagée par de nombreux acteurs de terrain, comme les groupements d’employeurs ou les services de remplacement. « Cette plateforme présenterait l’intérêt de mutualiser nos moyens pour relancer – et conserver – une dynamique au niveau de l’emploi agricole, sans que nous perdions notre identité pour autant, estime Hervé Billot, vice-président de la Fédération des services de remplacement de l’Isère. Nous ne faisons pas tous le même métier et avons chacun nos spécificités. Il ne s’agit donc pas de tout mutualiser, mais de mettre en commun nos ressources pour recruter, assurer l’animation dans nos territoires, ainsi que la promotion du métier auprès des organismes de formation. » Et ce en lien avec les partenaires historiques du monde de l’emploi agricole (centres de formation, opérateurs de compétences, Cuma, OPA, collectivités, pouvoirs publics, Pôle Emploi, Direccte, MSA, comptables, banques, assurances…).

Définition partagée

A quoi devrait ressembler cette vitrine commune ? Tout n’est pas calé, loin de là, mais ses initiateurs (Chambre d’agriculture, Agri-Emploi 38, services de remplacement, FDSEA et JA) se sont entendus pour en rédiger une définition partagée : « En lien avec les différents partenaires (techniques, politiques, financiers, administratifs), la plateforme donne un cadre pour développer la promotion, l’animation, le recrutement et la formation aux métiers de l’agriculture. »  

Ouverture d'esprit

Cette seule formulation commune est un joli succès pour les porteurs du projet. « Nous avons réussi à mettre tout le monde autour de la table et à nous accorder sur le fait de travailler ensemble pour répondre aux besoins des agriculteurs », se félicite Alexandre Escoffier, élu à la Chambre d’agriculture et président du comité d’orientation Accompagnement de l’entrepreneur. Mais « pour que ça marche, il faut que nous soyons très ouverts et que nous travaillions avec un maximum de partenaires », ajoute Gilles Convert. Quitte à élargir la plateforme à des domaines connexes à l’agriculture, comme les filières forêt, bois ou paysage. 

Banque de CV

Les grandes lignes du projet sont d’ores et déjà tracées : mise en place d’un numéro unique, banque de CV, recrutement, animation des réseaux, formation aux métiers de l’agriculture, opérations de communication conjointes dans les centres de formation… « Il s’agit de créer une vitrine qui centralise les demandes et les CV, répertorie les structures existantes, tout en coordonnant les réponses, explique Lilian Poncet. Cette façon transversale de travailler permettrait aux candidats, aux groupements et aux structures de sortir de la confidentialité, mais aussi de bénéficier d’un réseau d’échange important. » 

Lien dans les territoires

Reste à répartir les rôles et s’entendre sur qui fait quoi. Car si la question de fédérer les ressources et de partager les expertises fait consensus, celle des moyens humains demeure entière. Et pour cause : tous les partenaires en manquent. « Depuis que notre animatrice est partie, nous n’avons plus personne pour maintenir le lien à l’échelle des territoires et entretenir les relations avec les partenaires et le conseil départemental, témoigne Jean-Marc Chevallet, président de la Fédération des services de remplacement. Il faudra sans doute recruter quelqu’un pour assurer ces missions d’animation et de promotion. » 

A quelle échéance ? « Le plus tôt possible ! », répondent la plupart des acteurs impliqués. Encore faut-il trouver les moyens de financer le poste et pérenniser le modèle économique de la future plateforme. La Chambre d’agriculture, Agri Emploi 38 et la FDSEA de l’Isère sont en train de monter un dossier auprès de la Direccte, mais il reste encore beaucoup à faire. 

Marianne Boilève
Agri Emploi 38 / Une continuité de service en 2020, en dépit de conditions dégradées
Présentation des résultats d'AG d'Agri-Emploi 38 à l'assemblée générale du 14 juin.

Agri Emploi 38 / Une continuité de service en 2020, en dépit de conditions dégradées

Malgré la crise sanitaire et baisse du nombre d’adhérents (91 en 2020 contre 104 en 2019), l’activité d’Agri Emploi 38 confirme sa progression en 2020. Lors de son assemblée générale, le 14 juin dernier, le groupement d’employeurs a présenté un chiffre d’affaires de 787 400 euros (contre 679 000 en 2019), correspondant à plus de 50 000 heures de travail facturées et 32 ETP. En dépit des contraintes et de l’activité partielle liées aux épisodes de Covid (plus de 400 heures indemnisées aux salariés), Agri Emploi est parvenu à assurer l’essentiel de ses missions, et même les conforter dans certains secteurs (+ 43% d’activité dans la nuciculture en 2020). 

Service de remplacement / Remplacer dans l’urgence
Les présidents des services de remplacement de l'Isère, fin juin à La Frette.

Service de remplacement / Remplacer dans l’urgence

Année atypique : les besoins font écho à la crise sanitaire.

Jean-Marc Chevallet, le président de la Fédération de l’Isère du service de replacement, a fait part « d’une année difficile », lors de l’assemblée générale conjointe de la fédération et Service de remplacement Isère, qui s’est déroulée fin juin à La Frette. Pas facile en effet de gérer un volume de 6 339,5 journées de remplacement sans réunion en présentiel, « notamment pour la gestion des plannings ». D’autant que le réseau était en sous-effectif de personnel et n’a pas pu non plus assurer d’animation. Le président souligne cependant l’aspect positif de la refonte et la simplification des contrats depuis le 1er janvier dernier. 
Les principaux motifs de remplacement restent les congés, suivis des congés maternités (4,5 mois pris en charge par la MSA). Viennent ensuite les remplacements pour cause de maladie, mais moins de personnes y ont eu recours en 2020 comparé à 2019. Phénomène nouveau, les congés paternité vont en s’amplifiant notamment depuis le passage à 25 jours au 1er juillet. Les adhérents ont également eu recours à plus de 150 journées d’aide au répit.

Assurer les payes

Les tendances de l’année 2020 font écho à la crise sanitaire : « Moins de journées de découverte, moins de mandats syndicaux, moins de formations, mais plus de garde d’enfants et de congés », détaille Alain Bardin, président sortant -en raison de son départ à la retraite- du service de remplacement de l’Isère (4 047,5 journées à lui seul). Si le service affiche près de 40 000 euros de pertes, c’est par volonté d’avoir assuré toutes les payes en 2020, la situation du service s’équilibrant sur quatre années. 
La fédération départementale compte 22 CDI et 152 CDD. « Ce sont des remplacements courts, nous travaillons dans l’urgence, les salariés en CDD sont recrutés surtout pour des congés maternité, maladie ou accident », explique Jean-Marc Chevallet. Il insiste sur les soutiens financiers dont bénéficie le service, à commencer par le Conseil départemental et la MSA. Participent également le Casdar, la Région, Groupama, le Crédit agricole Sud Rhône-Alpes.
Enfin, la fédération envisage de se rapprocher de la plateforme emploi, portée par la chambre d’agriculture et Agriemploi. Le premier objectif est celui de l’animation. « Nous avons les mêmes problématiques concernant l’emploi de salariés en agriculture », assure le président de la fédération. 

Isabelle Doucet