Expérience
Les arboriculteurs du haut-Grésivaudan déploient leurs stratégies pour limiter les pertes dues au gel d'avril

Isabelle Brenguier
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Les associés du Gaec « Le Verger des îles » au Cheylas commencent leur récolte de pommes. Décidés à restreindre les pertes liées au gel d’avril, Patricia et Cyril Brunet-Manquat et Anthony Giraud se sont diversifiés. Encore. 

Les arboriculteurs du haut-Grésivaudan déploient leurs stratégies pour limiter les pertes dues au gel d'avril
Patricia et Cyril Brunet-Manquat, deux des trois associés du Gaec "Le Verger des îles" au Cheylas ont diversifié leurs productions pour limiter les pertes causées par le gel du mois d'avril.

Au Gaec « Le Verger des îles » au Cheylas, dans la vallée du Grésivaudan, on ne reste pas sur ses acquis. On innove, on se renouvelle. C'est comme ça qu’Anthony Giraud et Patricia et Cyril Brunet-Manquat, les trois associés du Gaec, ont toujours fonctionné. C’est comme ça qu'ils ont fait évoluer l'exploitation arboricole et céréalière que Cyril a repris lorsqu'il s'est installé en 1993. Au gré des années, ils ont développé la vente directe, réalisé de nouvelles productions comme le maïs pop-corn ou l’huile de colza et se sont engagés dans la démarche HVE (Haute valeur environnementale). « Pour nous, cette labellisation ne changeait pas nos pratiques car les améliorations nécessaires (comme le remplacement du désherbage chimique par du désherbage mécanique, la mise en place d’une aire de lavage pour les produits phytosanitaires…), nous les avions déjà mises en place. C’est plus un effort administratif qu’elle nous demande. Mais elle nous assure une reconnaissance de notre travail », soulignent Patricia et Cyril Brunet-Manquat. 

De quoi s’inquiéter 

C'est aussi grâce à cet état d’esprit que les agriculteurs ont cherché les solutions à mettre en œuvre pour limiter l'impact du gel du mois d'avril qui leur a fait perdre toute leur production de fruits à noyaux, 95 % de celle de poires et 50 % de celle de pommes. Car, comme les 2/3 de leur chiffre d'affaires de 430 000 euros proviennent de l'arboriculture et du maraîchage qu'ils ont développé au cours des dernières années, les trois associés avaient de quoi s’inquiéter. Pour autant, au lendemain de ce terrible épisode, ils ne se sont pas laissé abattre. « Nous nous sommes mis tous les trois autour de la table et nous nous sommes dit : « Si nous n'avons plus rien, qu'est-ce que nous pouvons faire pour nous en sortir ? », raconte Patricia Brunet-Manquat. 

Pari risqué 

Ainsi, le trio s’est appuyé sur les développements déjà mis en place. Et notamment sur leur activité de maraîchage qu’ils avaient initié en 2017. « Le maraîchage, nous l’avons créé pour embaucher à plein temps et en CDI notre salarié qui venaient déjà dix mois par an et à qui nous voulions donner des perspectives. Et aussi pour répondre à la demande de nos clients qui nous achetaient déjà des fruits. Cette année, nous avons gardé un hectare de terre en plus pour élargir notre gamme de légumes, et nous nous sommes lancés dans la production de melons. C’était un pari un peu risqué, mais finalement, ça a bien marché », précise Cyril Brunet-Manquat. 

Ayant aussi créé une SNC (Société en nom collectif) de travaux agricoles en 2017, ils ont également accru l’activité. « Passionné par le matériel agricole, c’est Anthony qui réalise ces travaux. Il a donc assuré les chantiers de préparation du sol, de broyage, d’éparage… des clients habituels et en a sollicité de nouveaux comme les communes environnantes et EDF », détaille Cyril Brunet-Manquat. 

Les associés du Gaec ont aussi tiré parti de la vente directe qu’ils avaient instaurée pour commercialiser leurs productions fruitières et maraîchères. « Depuis de nombreuses années, nous livrons nos produits à deux magasins de producteurs de la vallée du Grésivaudan (La Buissière et Biviers) et nous avons créé un point de vente à la ferme qui est ouvert tous les jours », explique Patricia Brunet-Manquat. « En cette période difficile, nos clients et nos partenaires nous ont beaucoup soutenu. Pour nos légumes, nous avons été sollicités par de nouveaux acheteurs : magasins, marchés, restaurateurs et même des refuges de montagne. Nous avons fait des choses que nous n’avions encore jamais faites », ajoute-t-elle. 

Sécuriser l’exploitation

Mais ce qu’ils n’ont pas fait, c’est de l’achat-revente. « Nous avons préféré ne rien vendre. Nous n’avons pas voulu que nos clients perdent confiance en nous. C’est vrai qu’ils ont été abasourdis. Tout le monde a entendu parler de cet épisode de gel aux informations, mais les gens ne pensaient pas que cela nous avait touché aussi. Et à ce point », assure Cyril Brunet-Manquat. 

Les associés du Gaec « Le Verger des îles » ont donc cherché à « limiter la casse ». Cyril Brunet-Manquat espère qu’ils vont y parvenir. Il assure que « la diversification des productions sécurise – un peu – l’exploitation et que c’est grâce à elle qu’ils ont pu se retourner ». Car même sans récolte, les charges fixes, les emprunts de renouvellement du matériel demeurent. Patricia évoque la chance à plusieurs reprises. Elle parle de la chance « d’être à plusieurs pour se « booster » mutuellement », « d’avoir des supers clients, de travailler avec des partenaires qui ont joué le jeu ». Peut-être qu’il arrive aussi que la chance, on la provoque...

Cyril Brunet-Manquat surveille les tomates qu'il a mis en production pour diversifier ses cultures.