La technique biaxiale Bibaum fait une entrée discrète mais efficace dans les vergers. La Coopérative Oxyane a mis à l’honneur les producteurs adeptes de cette innovation dans le cadre du Prix de l’Excellence agricole et rurale.
« Mon seul regret, c’est de ne pas y être allé plus tôt. » Michel Fayolle est producteur de fruits à Saint-Laurent-d’Agny dans le Rhône. « J’adore la cerise, confie-t-il. J’ai entendu parler de la technologie Bibaum il y a deux ans et j’ai décidé de planter. Aujourd’hui, tout le monde plante ! »
Le groupe coopératif Oxyane commercialise cette technologie sur fruitiers brevetée par les pépinières italiennes Mazzoni depuis quelques années. Elle consiste en un double greffage sur pommier, poirier et cerisier.
Pour favoriser sa diffusion auprès des arboriculteurs, la coopérative a organisé en 2018 une visite Italie, à la découverte de cette conduite de fruitiers en mode biaxial.
Technique brevetée Bibaum.
« Les fruits à pépins étaient deux fois plus productifs et nous avions l’impression d’un retard technique dans nos vergers », déclare Lionel Denoyel, référent agronomique vigne, arbo, maraîchage de la Coopérative Oxyane.
Il estime que le verger français a une décennie de retard sur l’Italie ; une question de temps et d’investissement consacré à l’innovation.
Rendements, protection, cueillette
Dans son verger en 2e année de plantation, Michel Fayolle se réjouit d’avoir déjà « un paquet de cerises ». Depuis décembre 2022, il a planté 7 000 pieds de cerisiers en Bibaum, soit 5 ha.
Il apprécie de pouvoir densifier ses plantations grâce à ce process et de parvenir à un rendement d’environ 30 t/ha.
Dans l’Ouest lyonnais, il a été un des pionniers à planter des arbres biaxiaux lorsque la coopérative en a informé les producteurs.
« On travaille avec des étrangers, on regarde ce qui se passe ailleurs ! Il faut se lancer, ne pas avoir peur. » L
e seul point bloquant au renouvellement de son verger, pour cet arboriculteur à la tête d’une exploitation de 60 ha, dont 14 ha de cerises, 25 ha de grandes cultures, 6 ha de fraises plein champ en AB et des framboisiers, c’est la tension sur la trésorerie.
Michel Fayolle
Outre les rendements prometteurs, Michel Fayolle mesure les avantages des arbres en Bibaum vis-à-vis de ceux en axe. « Les piquets permettent d’installer des protections contre les intempéries et les ravageurs. La plantation en mur facilite la cueillette. »
L’exploitation emploie près d’une trentaine de saisonniers pendant trois mois. Une récolte plus rapide, ce sont des charges en moins qui se mesurent immédiatement sur le chiffre d’affaires.
Ramassées à la main en caisses plastiques, les cerises sont livrées à la coopérative fruitière Sicoly, dont le site est également à Saint-Laurent-d’Agny. Certains coopérateurs ont aussi des poiriers conduits en Bibaum.
Rentabilité
Michel Fayolle ajoute : « Les piquets et les filets coûtent cher, mais à 20 kg de l’heure et 30 t/ha, il y a un intérêt à en installer ! »
Il a également installé une irrigation par goutte-à-goutte, prenant soin des arbres à leur plantation, afin qu’ils ne souffrent pas. Le système permet aussi d’apporter juste ce qu’il faut d’engrais. « Le retour sur investissement ne fait aucun doute », assure le producteur.
Les vergers sont équipés en protection et irrigation.
Le seul point de vigilance au moment de la plantation est de gérer l’enherbement des rangs. L’arboriculteur fait remarquer que trois variétés sont aujourd’hui disponibles en Bibaum alors qu’il en cultive plutôt huit pour étaler leur arrivée dans la saison.
Il s’agit de grosses cerises, d’un calibre de 22 mm, que recherche le consommateur.
« Le mur tend à se développer et les producteurs sont plutôt satisfaits, souligne Lionel Denoyel. Cette technique, en pommes, poires, cerises, abricots, voire oliviers, rend les cultures plus rentables en offrant la possibilité de mécanisation des vergers. »
Des arbres de qualité
Avec la technologie Bibaum, les Italiens ont pris une longueur d’avance.
« Certains pépiniéristes français font appel à Mazzoni pour proposer des fruitiers en double axe brevetés, mais d’autres ont imité la méthode avec une technique différente », glisse le responsable d’Oxyane qui plaide pour les « arbres de qualité produits dans la plaine du Pô ».
La coopérative Oxyane travaille avec des arboriculteurs d’Isère, du Rhône et des Savoie pour leur fournir des plants d’arbres greffés selon la technologie Bibaum. Il s’agit de poiriers, de pommiers et désormais de cerisiers, surtout en renouvellement de vergers conduits jusqu’alors en gobelet. Le mur permet une adaptation aux nouvelles contraintes, surtout climatiques.
Isabelle Doucet
Le double axe : une technologie innovante
La technique Bibaum consiste à opérer deux points de greffe sur le porte-greffe, d’où sortent deux axes. Lionel Denoyel, d’Oxyane, détaille l’intérêt de cette technique :
- elle permet de réduire la vigueur du porte-greffe, évitant la concurrence avec les branches fruitières ;
- elle offre la possibilité de faire un mur fruitier plus rapidement, ce qui facilite la récolte et améliore la rentabilité du verger en réduisant les coûts de main-d’œuvre ;
- elle présente un intérêt sanitaire car les vergers en mur sont plus aérés et donc moins sensibles à la mouche drosophile ;
- les vergers conduits en mur sont plus faciles à équiper de filets anti insectes et antigrêle ;
- les rangs peuvent être plantés plus serrés et les parcelles de verger densifiées (+10 % d’arbres) ;
- le mur fruitier s’expose plus facilement à la photosynthèse, favorisant la production ;
- la mise à fruits est plus rapide : les arbres sont productifs dès leur deuxième année, offrent une petite récolte la deuxième et une vraie récolte dès leur 4e année.
- Le retour sur investissement est plus court que pur d’autres plantations de cerisiers ;
- les nouvelles variétés sont à gros calibre, plus fermes et plus résistantes à l’éclatement
- si le verger est taillé manuellement la première année de plantation, il peut l’être mécaniquement à partir de la deuxième année, avec un lamier.