Nuciculture
La noix du Sud-Est veut se défendre

Isabelle Doucet
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Les producteurs de noix du Sud-Est se réunissent à Chatte le 5 septembre prochain pour créer une association capable de porter leur voix, notamment sur le volet commercial. 

La noix du Sud-Est veut se défendre
Les stocks de noix ont été bradés dans les fermes en 2022.

La crise historique que traverse la filière noix force les professionnels dans leurs réflexions stratégiques et leurs choix d’orientations communes.
C’est la raison pour laquelle, à l’initiative de la Chambre d’agriculture de l’Isère et avec les soutiens de la  FDSEA et des JA de l’Isère, les producteurs de noix du Sud-Est ont décidé de se structurer en association. L’assemblée générale constitutive aura lieu le 5 septembre à Chatte (1).
« Notre but est de créer une structure représentative de tous les producteurs de noix du bassin Sud-Est, quelles que soient leurs façons de produire ou de commercialiser, qu’ils soient en AOP ou non, explique Jean-Claude Darlet, le président de la Chambre d’agriculture de l’Isère. Car aujourd’hui, cette structure n’existe pas. »
Il précise que les producteurs du Sud-Ouest, déjà organisés en petites structures pour 70 % d’entre eux, s’inscrivent dans la même démarche de convergence vers une structure noix nationale.
« L’objectif est de pouvoir faire pression et être présents tant au niveau du ministère de l'Agriculture que de l’Europe, mais aussi d’adhérer à la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) pour avoir les moyens de nous défendre et acquérir une capacité de représentation. Cela nous permettra d’être actifs sur le volet commercial et au niveau sanitaire », ajoute le responsable.

Il manque 30 millions d’euros

Il fait un bilan alarmiste de l’année écoulée : erreur d'anticipation des metteurs en marché, absence de logique commerciale sur les marchés européens, inexistence de droits de douane pour les noix entrantes et lourdes taxes à l’export, sans oublier une industrie agroalimentaire importatrice de 95 % de ses cerneaux.
Si bien qu’après l’abondante campagne 2022, les marchés se sont effondrés.
Si le président de la chambre d’agriculture, qui est aussi nuciculteur en agriculture biologique, demande que soient « respectées les grilles d’achat », il reconnaît que les professionnels doivent aussi revisiter le volet qualitatif.
« Si un lot de noix ne respecte pas les critères, il part au cassage industriel où il sera valorisé à 50 centimes. On ne fait pas, avec du bon et du mauvais, du moyen ! »
Il souligne que « les enjeux sont importants » et la filière très fragilisée.
« Dans le Sud-Est, il manque 30 millions d’euros de produit noix dans les fermes. Et c’est une évaluation a minima », assure-t-il.
2022 a vu l’effondrement du prix de la noix payée aux producteurs. Les noix ont été enlevées dans les fermes entre 30 et 50 centimes du kilo par les metteurs en marché privés, grimpant péniblement entre un euro et 1,20 euro « pour les producteurs fidèles », explique le responsable. La coopération a payé entre 1,50 et 1,70 euro « pour les mêmes critères de qualité, poursuit Jean-Claude Darlet. Beaucoup ne couvrent pas leurs frais ».
Les coûts de production, dans une exploitation nucicole, oscillent en effet entre 1,40 et 2,50 euros, notamment en raison du coût des fermages, des investissements réalisés ces dernières années pour garantir la qualité de la noix, l’augmentation des intrants et du coût de l’énergie.

Reprise en main

Enfin, lorsque les producteurs se demandent « où est passée la valeur ? », Jean-Claude Darlet avance un début de réponse. En effet, les noix bradées dans les fermes à l’issue de la dernière récolte ont fini par trouver des débouchés.
Certaines d’entre elles, « payées 20 à 30 centimes de moins que dans la coopération ont été mieux valorisées en France ou sur le marché européen par les metteurs en marché privés, qui ont gardé la marge qu’ils ont toujours réalisée ».
Ce sont les marchés exports qui ont été les plus pénalisés.
Cependant, le responsable indique qu’il existe « une marge de progrès sur le marché français ». Pour la première fois en 2022, les noix AOP françaises ont dépassé les 50 % de ventes de noix dans l’Hexagone.
La crise a également favorisé le dialogue entre les deux grands bassins de production, le Sud-Ouest ayant été particulièrement touché.
Mais la sortie de crise passera immanquablement par « un travail de fond qualitatif, une reconquête des parts de marché, à commencer par le marché national, le développement de la consommation, de nouvelles façons de commercialiser et de promouvoir la noix en faisant le lien entre le fruit, le cerneau et la santé », insiste Jean-Claude Darlet.
Il ajoute : « Nous devons rapidement rencontrer les metteurs en marché. 2023 sera une petite année. Nous devons remettre des critères en place afin d’éviter un épisode comme en 2022, avec des noix bradées dans les fermes à des prix lamentables puis vendues en septembre suivant pour faire des profits. »
Dans cette volonté de reprise en main de la filière par les producteurs se pose la question du rôle de l’interprofession. « J’espère que la structure qui se monte aura du poids pour faire pression sur le CING (2) », déclare Jean-Claude Darlet. Il avance même l’idée « de séparer la partie metteur en marché de la production ».

Tous les secteurs du Sud-Est

Reste à la noix à se mettre en ordre de marche. « Nous devons remettre de l’ordre dans la filière, assure encore le président de la Chambre d’agriculture de l’Isère, puis structurer les choses et se donner de nouveaux objectifs. »
Il espère composer un large conseil d’administration de la nouvelle association où seront présents de nouveaux producteurs « plus jeunes et qui représentent tous les secteurs du bassin Sud-Est ».
La réunion de mardi prochain permettra aux producteurs de mesurer leur motivation. « Suite à la réunion d’avril dernier, 99 % ont répondu favorablement. On compte sur un maximum de producteurs présents. Mais si c’est un fiasco, alors, ils n’auront qu’à se débrouiller. »
Isabelle Doucet

(1) Assemblée générale constitutive, le 5 septembre à Chatte, à 9 h 30, Salle des Fêtes Alexandre Collenot.

(2) Le Comité Interprofessionnel de la Noix de Grenoble AOP rassemble l’ensemble les acteurs de la filière AOP : producteurs AOP noix de Grenoble, metteurs en marché, coopératives.