À qui ont profité les marges ?
L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) a publié, ce 9 juillet, son 14ᵉ rapport annuel. Si le coût de la matière première agricole (MPA) a reculé sur une majorité de produits, les industriels et distributeurs cherchent maintenant à reconstituer leurs marges.

Ni gagnants, ni perdants, et tous gagnants, tous perdants : que ce soit du côté des agriculteurs, des transformateurs ou des grandes enseignes. C’est en tout cas l’analyse que veut faire l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM), qui a remis un imposant rapport annuel de 500 pages1 au Parlement, et qui a présenté les principaux résultats le 9 juillet lors d’une conférence de presse. La présidente de cet organisme, Sophie Devienne, qui a succédé en septembre 2023 à Philippe Chalmin, a renvoyé dos à dos les acteurs de la filière sur les prix et les marges. Car, selon les données recueillies, chacun d’entre eux a gagné et perdu. En effet, « il faut prendre l’ensemble de la période d’inflation et tenir compte du décalage temporel dans les évolutions des marges brutes. Les charges (énergie, engrais, salaires) ont augmenté pour tout le monde », a-t-elle expliqué.
Marges accrues
De manière plus simple, les prix agricoles ont fortement augmenté dès 2021 sous l'effet de la hausse des charges (énergie, engrais...), d’environ 12 % entre 2021 et 2023. À ce moment-là, la grande distribution a comprimé ses marges pour éviter une baisse trop importante de la consommation. L’inflation alimentaire est toutefois restée plus forte que celle de l’indice général des prix, qui s’est situé entre 4 et 5 %, entre 2022 et 2023. C’est d’ailleurs l’un des critères qui permet de confirmer que l’aval a réduit ses marges. En 2023, les prix agricoles ont continué d’augmenter, sauf pour les céréales, et les charges, loin de diminuer, se sont également accrues, générant une nouvelle progression du coût de la matière première agricole. Dans l’aval, les secteurs de la distribution ont cependant commencé à reconstituer leurs marges, expliquant ainsi la poursuite de l’inflation des prix alimentaires.
« Vache à lait »
Le scénario a donc commencé à s’inverser au cours de l’année 2023, puis s’est accentué au cours de l’année 2024. L’an dernier, les prix alimentaires ont crû de 1,3 %, soit moins que l'inflation générale de 2 %, et loin des 7% et 12 % relevés en 2022 et 2023, des niveaux qui restent inédits depuis 1985. Là encore, ces données restent à relativiser avec les fruits et légumes, la pomme de terre et la viande ovine (en lien avec la FCO) qui restent à des prix encore élevés. « C'est une situation de sortie de période inflationniste avec des variations qui sont assez grandes entre les différentes filières, les différents produits », a précisé Sophie Devienne. Le rapport note surtout que la grande distribution réalise des marges plus importantes sur les produits d’appel comme le jambon ou les produits laitiers pour compenser les marges moindres (et parfois négatives) d’autres produits comme la boucherie, le rayon « marée » ou la boulangerie-pâtisserie-viennoiserie. Christiane Lambert, présidente des charcutiers-traiteurs (FICT), a vivement réagi : « Les entreprises de charcuterie sont la véritable vache à lait de la grande distribution. Alors que 30 % de nos entreprises sont déjà en déficit, les distributeurs continuent d’augmenter leurs marges, sans considération pour l’équilibre global de la filière ». « Cependant, à ce stade, l’OFPM n’est pas capable d’analyser l’impact de la loi Égalim sur la formation des marges », a conclu Sophie Devienne.
1 - https://observatoire-prixmarges.franceagrimer.fr
Christophe Soulard
Manque de transparence dans la filière lait

La présidente de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM), Sophie Devienne, l’a elle-même reconnu : certains acteurs de la filière ne jouent pas complètement le jeu, à commencer par les industriels laitiers. Pour évaluer les marges brutes et nette, l’OFPM s’est appuyé sur l’Observatoire financier du Crédit Agricole. À partir de ces données, « l’OFPM a établi que l’industrie laitière, sauf dans le secteur des ingrédients, a reconstitué ses marges, après une baisse, somme toute, relativement modérée ». D’ailleurs, les industriels (La Coopération laitière et la Fédération nationale de l’industrie laitière) ont annoncé, le jour même, le lancement d’une étude économique avec la Banque de France. De son côté, la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) a regretté, dans un communiqué, « l’absence des industriels et l’opacité des chiffres de l’OFPM ». La FNPL demande aux parlementaires, destinataires du rapport, « de se saisir de ce dossier et d’interroger les transformateurs, parfois très ancrés dans les territoires, sur leur participation à l’enquête ». Il faut noter, également, que toute la distribution participe à cet observatoire à « l’exception des marques Aldi et Lidl », a indiqué Sophie Devienne.
Accord entre Carrefour et Coop U pour une centrale européenne
Carrefour et Coopérative U ont décidé de s’allier pour créer une centrale européenne, appelée Concordis, ont-elles annoncé dans un communiqué daté du 7 juillet. « La nouvelle alliance aura un double périmètre : la négociation de prix d’achat et la vente de services internationaux. Elle interviendra auprès des multinationales des produits de grande consommation de marques nationales dans les pays européens à partir desquels Carrefour et Coopérative U opèrent. Elle sera effective dès les prochaines négociations 2026 et pour une durée initiale de six années », précise le communiqué. D’autres distributeurs européens pourraient les rejoindre. À ce jour, il existe cinq grandes centrales d’achat européennes parmi lesquelles Eurelec trading, Horizon international services ou encore European purchasing and Innovation center (Epic Partners). Ces plateformes sont accusées de détourner les lois Égalim. Les syndicats agricoles réclament une loi Égalim européenne.
