Agrivoltaïsme : une bonne image chez les agriculteurs mais des lacunes d’informations
L’agrivoltaïsme bénéficie d’une bonne image auprès des agriculteurs et du public mais souffre encore de lacunes d’informations sur ses effets protecteurs des productions agricoles face aux aléas climatiques. Interview de Cécile Magherini, directrice générale de la société d’agrivoltaïsme Sun’Agri.

Sun’Agri a dévoilé son premier baromètre de la perception de l’agrivoltaïsme en France, auprès de 695 agriculteurs et 1 000 citoyens français. Quelles en sont les grandes lignes ?
Cécile Magherini : « Il ressort de ce baromètre que le dérèglement climatique est un défi de taille pour 76 % des agriculteurs et une inquiétude partagée par 88 % des Français. 52 % des agriculteurs se déclarent prêts à s’équiper de solutions de protection climatique et l’agrivoltaïsme est envisagé par 44 % d’entre eux, derrière la sélection variétale et l’irrigation, mais devant l’agroforesterie, les filets et les abris. Moins de la moitié des agriculteurs déclarent savoir que l’agrivoltaïsme permet de réduire les besoins en eau des cultures et 39 % seulement déclarent savoir que l’agrivoltaïsme peut permettre d’augmenter les rendements. Seuls 29 % déclarent savoir qu’un projet qui diminue les revenus agricoles est illégal. »
Le baromètre montre que l’image de l’agrivoltaïsme est globalement positive, la loi garantit bien la priorité de la production agricole dans les projets agrivoltaïques et l’observatoire de l’agrivoltaïsme est en train de se mettre en place. Toutes les conditions ne sont-elles pas réunies pour garantir l’acceptabilité de l’agrivoltaïsme ?
C.M. : « Je ne considère pas que les choses sont gagnées. Tout peut basculer très vite. Il suffirait d’un gros projet alibi sous lequel rien ne pousse pour que l’image de l’agrivoltaïsme soit ternie. »
Les progrès en matière de batteries pour stocker cette énergie intermittente qu’est le solaire ne vont-ils pas aider les agriculteurs encore sceptiques à se lancer ?
C.M. : « Les progrès du stockage en batterie contribuent certes à l’attractivité du photovoltaïque, mais ma vision des progrès à attendre réside plutôt dans l’autoconsommation électrique. Mais nous, quand nous envisageons les progrès futurs, nous pensons d’abord à la qualité de la bouteille de vin ou des cerises et à la plus grande valeur que l’agriculteur peut retirer de son produit final. Une grande satisfaction, c’est de voir par exemple que, par notre gestion de l’ombre, le rendement du chardonnay sous nos panneaux en Pyrénées-Orientales a augmenté de 60 % en deux ans de pilotage agronomique. »
Quels sont les domaines d’améliorations à attendre, selon vous, dans l’agrivoltaïsme ?
C.M. : « On peut toujours progresser, combiner les techniques ou encore travailler sur les sols. De même, on peut encore progresser dans l’intégration paysagère en réfléchissant à la disposition des îlots qui constituent le projet, en mettant des poteaux en bois ou un design plus allégé. On peut aussi protéger de nouvelles cultures : nous travaillons à la conception d’installations sur des maïs en îlots de moins de 20 ha, nous avons maintenant acquis du savoir-faire en kiwi et en noisette par notre filiale italienne et en avocat par notre filiale en Israël, pays où la technologie en agriculture est très pointue. Nous avons un premier site de production de clémentines sous notre technologie dans les Pyrénées-Orientales. »
Un reproche qui est adressé au photovoltaïque est qu’il engendre de la pollution en fin de vie des panneaux. Qu’en est-il ?
C.M. : « En France les panneaux solaires sont recyclés. Un éco-organisme, la Soren, agréé par l’État et alimenté par une écotaxe, recycle le verre, le silicium et tous les éléments métalliques et d’autres natures. De plus, alors qu’il y a 20 ans les panneaux étaient crédités d’une durée de vie de 15 ans, ils sont partis maintenant pour 30 ans. Quinze ans, c’est la durée de vie des onduleurs. Les recherches se poursuivent à l’Institut national de l’énergie solaire (Ines) sur le photovoltaïque futur avec des panneaux plus légers, des cellules photovoltaïques posées sur des bâches ou des voiles. Entre la R & D que nous menons et les progrès attendus du photovoltaïque proprement dit, vous voyez que l’agrivoltaïsme n’en est qu’à ses débuts, mais il faut un développement raisonné pour nous permettre cette amélioration continue. »
Propos recueillis par Actuagri
