Accès au contenu
Gastronomie

Aribert, chantre du Vercors et des produits locaux

Originaire du Vercors, le chef étoilé des Terrasses d'Uriage rend hommage à la terre et aux montagnes qui l'ont construit.
Aribert, chantre du Vercors et des produits locaux

Bien sûr, il y a le souvenir de la soupe que son arrière-grand-père préparait avec les légumes du jardin, sans même prendre la peine de les éplucher. Cette soupe qui commençait à mijoter le matin, sur le haut du poêle, qui migrait d'heure en heure sur les bords jusqu'à atteindre la cuisson parfaite le soir. Cette soupe était délicieuse car elle avait le goût de l'enfance, mais aussi celui du Vercors. « Ma terre natale, la terre de mes ancêtres », confie Christophe Aribert. Doublement étoilé par le guide Michelin, encensé par le petit monde très sélect de la gastronomie française, le chef des Terrasses d'Uriage évoque ses racines et son ascendance (un arrière-grand-père paysan, un grand-père boulanger, un père aux fourneaux d'une célèbre maison à Autrans...) avec un naturel et une simplicité qui le rendent éminemment sympathique.

Le Vercors, une force

Dans son propos, comme dans sa cuisine, tout est vrai. L'homme ne triche avec rien, ni avec ses origines, ni avec l'origine des produits qu'il travaille. « Pour moi, le Vercors, c'est une évidence, un état d'esprit ; c'est la terre qui m'a construit. J'ai grandi dehors, dans la forêt, dans les odeurs de bois coupé, de foin, au milieu des beautés d'une nature qui m'ont rendu humble et ont nourri ma sensibilité d'enfant. » C'est donc le plus naturellement du monde que Christophe Aribert a accepté de parrainer l'édition 2016 de la Fête du bleu. « Il n'y a pas une émission sans que j'emmène les journalistes au refuge de la Molière, sur le plateau d'Engins, ou visiter les truites d'Echevis. Pour moi, le Vercors n'est pas une posture, c'est une force. » Une force dans laquelle il puise son équilibre et une partie de son inspiration.

 

« Monter dans le Vercors, y faire du sport, y cueillir des herbes, des champignons ou des bourgeons de sapin, ça fait partie intégrante de ma vie. » Et le bleu dans tout ça ? Le chef est gourmand : il vous en parle avec une science et une spontanéité à vous faire saliver : « Que ce soit le bleu ou le roquefort, j'aime les pâtes persillées. Ce qui me plaît dans le bleu du Vercors, c'est sa douceur, sa texture, son côté noisette. C'est un fromage facile à utiliser. L'hiver, on en fait des raclettes en famille. J'aime sa petite acidité de fruit sec, quand il fond. C'est d'ailleurs le fromage que j'utilise pour préparer mon burger maison : il apporte du crémeux et une pointe d'acidité qui fonctionne très bien avec le côté grillé de la viande. »

 

La plupart des légumes que travaille Christophe Aribert n'ont guère fait plus de 15 km avant d'arriver dans sa cuisine.
Crédit photo : Benoît Linéro D'une apparente simplicité, les plats sont à la fois faciles d'accès et incroyablement construits.
Crédit photo : Benoît Linéro

 

Un burger au bleu du Vercors-Sassenage que l'on retrouve à la carte du Bistrot des Terrasses, et que les palais les plus fins plébiscitent quotidiennement. C'est là que l'on reconnaît le talent d'un chef : savoir faire des merveilles avec les choses les plus simples. Pour Christophe Aribert, plus qu'un métier, c'est un vrai sacerdoce. Qu'il parle du bleu, des légumes de son grand-père ou de ceux qu'il cuisine au quotidien, il le fait avec un respect qui force l'admiration. « Je suis un passeur, décrit-il. Ce qui fait le plat, c'est le produit, sa qualité, sa texture. Quelqu'un a passé beaucoup de temps à cultiver un légume ou à fabriquer un produit : j'essaie humblement de le révéler et de le servir à la juste valeur de son goût. » Cette « éthique » s'applique aussi bien à un homard qu'à un cuissot de chevreuil, une carotte ou une tomate. Chez lui, point de hiérarchie entre les produits, mais des associations tout en harmonie et en audace respectueuses. L'intitulé de chacune de ses assiettes en témoigne : « Truite, poireaux et panais », « pintade, blettes, miel, noisette et cassis » ou « œufs de caille, vinaigre, livèche et croûte de pain ». Pas de nom de sauce ronflant : du juste, de l'exact, de l'essentiel. 

Transcender le murçon

Chaque plat est construit comme « un petit voyage autour de la texture et de la saveur ». Mettez un murçon entre les mains de Christophe Aribert, il le transcendera en  mousse, revisitant avec bonheur le traditionnel saucission brioché. Un navet ou une échalote ? Il imaginera de les cuire dans une croûte de sel afin d'en faire ressortir la « quintessence », condition de sa longueur en bouche. Même préoccupation pour la délicate noix de saint-jacques, qui se voit panée d'un mélange de millet, sésame et pavot (d'un seul côté pour ne pas dénaturer la bête...) et accompagnée d'une julienne de radis noir et de lamelles de salsifis crus, que le chef apprécie pour « la surprise de son goût très frais et de sa texture proche de la noix de coco ». Ou cette pintade rôtie qui, par le jeu des correspondances et des cuissons, devient le siège de multiples sensations, associant le moelleux et le croustillant de la volaille (cuisson pochée des filets et des cuisses, peau rôtie...), la douceur d'une purée de carotte et la vivacité des baies de cassis (cuites dans le miel, le piment et l'Antésite), la note herbacée, presque terreuse, des côtes de blette et le croquant des noisettes torréfiées. Le plat, extrêmement maîtrisé, n'a rien d'une performance, d'un coup d'esbroufe. C'est une œuvre d'art. Signée Aribert.

Marianne Boilève

 

Aribert
Avec ce second ouvrage, très personnel, Christophe Aribert lève le voile sur son univers, ses émotions et ses sources d'inspiration, évoquant notamment ce « guide invisible », la montagne qui lui a imposé ses vertus cardinales : la pureté, la simplicité, le respect et l'humilité. Bien plus qu'un simple livre de cuisine, le chef étoilé, originaire du Vercors, décrypte l'alchimie d'une « cuisine centrée sur l'essentiel : le produit, le goût, l'assaisonnement ». Remarquablement illustré par les photographies de Benoît Linero et les dessins d'Alain Quercia, l'ouvrage livre le secret d'une cinquantaine de recettes (presque) toutes abordables pour qui sait manier une casserole.
Aribert, de Pierrick Jégu. Edition Laymon, Paris. Prix indicatif : 49 euros.
Christrophe Aribert dédicacera son livre samedi 30 juillet à la Fête du bleu, sur le stand des auteurs à 16h.

 

 

PHOTO REcette
Crédit photo : Benoît Linéro
Le burger au bleu du Vercors
Pour 4 personnes
Compotée d'oignons :
1 cuillère à soupe de miel
250 g d'oignons
2 cuillères à soupe de vinaigre de xérès
Burger :
4 pains burger
8 cuillères à soupe de sauce barbecue
½ oignon cru
½ betterave chioggia
2 tomates
4 steaks hachés
200 g de bleu du Vercors
4 feuilles de laitue
Préparer la compotée d'oignons : faire mousser le miel dans une casserole, ajouter les oignons, les faire revenir quelques minutes. Déglacer au vinaigre. Faire compoter à feu doux pendant 1h.
Couper le pain en deux et mettre une cuillère à soupe de sauce barbecue sur les deux faces.
Sur une face du pain mettre une rondelle d'oignon cru et 3 tranches de tomate, sur l'autre face une cuillère à soupe de compotée et 3 tranches de betterave de chioggia crue (betterave rose veinée de blanc).
Faire fondre une belle tranche de bleu du Vercors. Enlever le chapeau du burger, ajouter le fromage et une feuille de salade. Poser le steak à la cuisson convenue et refermer.
Mettre au four 1 minute.