Au Gaec des Grands prés, le bio... pour tous

« Vous êtes sur une exploitation bio. Ce n'est pas une marque, c'est un label. » Et donc une façon de travailler qu'Isabelle Costa-Roch, associée en Gaec avec son mari, Gilles, et David Gros-Flandre, prend le temps d'expliquer patiemment à ses visiteurs. En ce premier dimanche de juin, les trois éleveurs du Gaec des Grands prés, à Massieu, ont accueilli près de 200 curieux pour un petit déjeuner gourmand à la ferme. L'événement, proposé dans le cadre de la fête du lait bio, était destiné à « lancer » le Printemps bio en Isère, une opération-séduction en direction du public pour lui faire découvrir les produits bio bien sûr, mais surtout les principes et les modes de production de l'agriculture biologique.
Bien-être des animaux
Après avoir laissé les visiteurs se régaler de lait de ferme, de pain, confitures, miel, jus de fruit bio et locaux, l'agricultrice embarque les volontaires pour un petit tour du propriétaire. Casquette vissée sur la tête, la petite troupe suit, attentive. Premier arrêt : les veaux. « Notre ferme regroupe trois exploitations et compte 80 vaches laitières, des montbéliardes pour la plupart, des vaches rustiques adaptées à leur environnement. » Et l'éleveuse d'expliquer son métier, le bien-être des animaux, les aliments que l'on leur donne (« Sans OGM ni pesticides », précise-t-elle), le sevrage des veaux... La visite se poursuit par la salle de traite. Isabelle Cost-Roch détaille les traites quotidiennes, l'hygiène, les gestes que l'on répète, les consignes sur les positions de travail : « Les griffes de la trayeuse que vous voyez là, il faut les tenir à bout de bras 160 fois par jour, 360 jours par an... » Un petit garçon soupèse une « griffe », admiratif. L'éleveuse enchaîne : « Le lait est payé en fonction de sa qualité. Nos vaches ne mangent que de l'herbe, des céréales, des légumineuses, un peu de maïs. On en enrubanne une partie. C'est ce que vous voyez dans les prés : ce n'est pas joli, mais ça nourrit les vaches l'hiver. » Isabelle anticipe les critiques des « urbains » venus passer un dimanche à la ferme... Et répond aux questions : « Nos achats alimentaires ? Nous essayons d'être le plus autonomes possible. Nous achetons essentiellement des protéines. » Et précise : « Malgré tout ce travail, le problème, c'est que nous obtenons un prix du lait qui ne correspond pas au prix de revient. »
Les visiteurs ont l'air surpris. « Même en bio ? » L'échange s'engage. Pour Isabelle Costa-Roch, c'est l'occasion de rétablir quelques vérités sur l'agriculture en général, et l'élevage en particulier. Issue du « conventionnel », elle a effectué un long cheminement avant de se lancer dans le bio. Il y a d'abord eu la naissance de ses enfants. Puis les contradictions propres au métier. Exemple : « Avant, je vendais mon lait à Yoplait, raconte l'éleveuse. Mais quand j'ai pris conscience qu'un pot de yaourt pouvait faire 2 000 km avant de parvenir au supermarché à côté de chez moi, j'ai commencé à me poser des questions. » Gilles et David, ses associés, diront de leur côté que c'est surtout le fait de « reprendre la main » sur leur exploitation qui a été déterminant, tant sur le plan technique qu'économique.
Sans lisier, pas d'engrais naturel
Le soleil est haut dans le ciel. Dans les prés en contrebas de la ferme, les vaches semblent savourer ce dimanche estival. Le vaste bâtiment d'élevage est désert, mais l'odeur reste forte. Isabelle Costa-Roch y va de son couplet sur la gestion du lisier et des épandages... « Ce lisier, c'est ce qui vous embête et qui pue, mais c'est essentiel : sans lisier, pas d'engrais naturel ! Mais quand on en produit, il faut des terres en face : on ne peut pas épandre plus qu'on n'a de terres. » Le propos, direct, souvent teinté d'humour, plaît aux visiteurs. L'agricultrice en profite pour les pousser un peu dans leurs retranchements : « Aujourd'hui, tout le monde veut sa maison, avec son petit jardin. On peut le comprendre. Mais ces lotissements sont souvent construits sur des terres prises à l'agriculture... On peut faire d'autres choix. En 2012, en pays voironnais, 140 hectares sont passés en bio. Ce n'est pas rien. Vous savez, je suis comme vous : je ne suis pas parfaite. Mais c'est comme dans l'histoire du colibri de Pierre Rabbi : il faut que chacun prenne sa part. Et vous avez un vrai pouvoir, notamment à travers vos achats... » Ce matin là, la fermière a fait son boulot. Elle a semé plein de petites graines. Des graines de doute.