Autonomie fourragère : la bonne association luzerne-dactyle confirmée

Comment améliorer l'autonomie fourragère des exploitations ? La question est au cœur du projet agricole de Sitadel depuis plusieurs années. En 2010, le comité de territoire du Sud Isère a d'ailleurs (re)lancé une dynamique, amorcée au lendemain de la sécheresse de 2003, et concrétisée au sein du « groupe herbe ». Objectif : mieux gérer et valoriser la ressource fourragère dans le territoire. Très vite, un plan d'actions axé sur les prairies permanentes est mis en place. Il se décline en deux volets : un état des lieux des prairies permanentes du Sud Isère et un essai de semences fourragères en plein champ. Celui-ci se traduit par l'implantation, en 2011, d'une plate-forme fourragère à dominance luzerne chez Olivier Beaup, à Prébois. Le but de l'expérimentation est de comparer les rendements fourragers obtenus à moyen terme pour différentes variétés, dans le contexte climatique du Trièves. « Nous avons voulu voir si, en introduisant de nouvelles variétés, nous obtenions de meilleurs résultats afin d'améliorer l'autonomie fourragère et protéique des exploitations », explique Marie Nallet, l'animatrice de Sitadel. Après trois ans d'exploitation, qu'en est-il ? La visite de la plateforme organisée dans le cadre des journées Terre d'Innovation, le 19 mai dernier, a permis de livrer aux agriculteurs les résultats de l'expérimentation, conduite avec l'appui de La Dauphinoise. Au final, les agriculteurs auraient-il intérêts à faire évoluer leurs pratiques ? Pas sûr.
Dominante luzerne
Implanté sous un couvert de vesce-avoine (à raison de 110kg/hectare), l'essai a été réalisé en avril 2011, dans des conditions très sèches, à 800 mètres d'altitude, sur une parcelle de 1,75 hectare, exposée au sud. Le champ a été divisé en quatre « blocs », semés avec des mélanges de différentes espèces, avec une dominante luzerne. « Nous avons opté pour la luzerne, car elle garantit une certaine pérennité sur quatre ans, justifie Yvan Reynas, conseiller technique à La Dauphinoise. C'est également le fourrage qui apporte le plus de protéine à l'hectare. Son seul défaut réside dans sa faible teneur en énergie. » Autre gros avantage de la luzerne, surtout dans des conditions séchantes comme celles du Trièves : sa racine pivotante, qui lui permet d'aller chercher l'eau en profondeur. Pour ramener de la protéine, le technicien a préconisé du trèfle. Côté graminées, son choix s'est porté sur la fétuque élevée et le dactyle, dont le « zéro » de végétation sont bien adaptés aux conditions particulières du Trièves.
A la serpe
Le « bloc témoin » a donc été semé d'un mélange de luzerne et dactyle, très pratiqué alentour. Dans le « bloc 1 », cette association a été complétée avec du trèfle, et avec du trèfle violet dans le « bloc 2 ». Le « bloc 3 » est constitué de luzerne et de fétuque, et le dernier d'un cocktail de luzerne, dactyle et fétuque. En 2012, une première coupe est réalisée fin mai et un apport d'engrais effectué début juin (343 kg/hectare de 7.18.36). Des prélèvements réguliers d'échantillons (« A la serpe, un gros boulot ! », sourit Marie Mallet) sont envoyés au laboratoire pour analyse. Sur l'année, la parcelle livre une production totale de 67 bottes (42 en première coupe, 21 en deuxième et 4 en troisième), soit approximativement 8,7 tonnes de matière sèche à l'hectare, 62 % du rendement étant réalisé en première coupe. En 2013, même protocole, mais sans fertilisation. La production totale n'est que de 55 bottes (31 en première coupe, 15 en deuxième et 9 en troisième), pour 7,2 tonnes de matière sèche à l'hectare. Cela étant, le rendement de la première coupe progresse de 5% entre les deux années (le rendement du bloc témoin permet notamment de gagner une tonne de matière sèche par hectare).
Les analyses des différents mélanges montrent que l'association luzerne-dactyle (bloc témoin) est plus intéressante que les deux autres. Certes, elle est un peu moins riche en protéine et en énergie, mais le rendement est meilleur (+ 10%), donc sa production supérieure (4 à 7% de protéine à l'hectare et jusqu'à 11% d'UFL à l'hectare en plus). L'association dactyle-trèfle violet donne 7% de protéine en plus, mais un rendement en baisse de 23% (soit -20% en protéine et UFL par hectare). Quant au mélange fétuque-trèfle violet, il est équivalent au mélange luzerne-dactyle en protéine, mais le rendement chute de 14% (-14% en protéine par hectare et -24% en UFL par hectare). Conclusion : les deux années d'expérimentation montrent que la pratique la plus répandue chez les éleveurs du Trièves (mélange luzerne-dactyle) est la mieux à même d'améliorer l'autonomie protéique. Les rendements sont importants en première coupe (+ 5% , notamment « avec des génétiques récentes », précisent les expérimentateurs. Et si l'introduction du trèfle n'apporte pas de bénéfice particulier, Yvan Reynas, rappelle que l'expérimentation « reste un essai ». Philippe Gachet, éleveur laitier au Monestier du Percy, présent lors de la visite, rappelle que « le trèfle est aussi une bonne culture : en deux ans, ça couvre les chardons. Une coupe de charrue et ça donne de bons résultats.»
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Luzerne pure |
Luzerne-dactyle |
Prairie temporaire |
Prairie naturelle |
Enrubannage |
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Rendement (T MS :ha) |
8,0 |
8,0 |
6,5 |
5,0 |
Coût de production (€/T MS) |
117 |
117 |
129 |
142 |
Protéine (coût MAT/ T MS) |
7,0 |
7,6 |
9,2 |
12,5 |
Energie (coût ULF/ T MS) |
174,6 |
169,6 |
165,4 |
194,5 |
Foin |
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Rendement (T MS /ha) |
8,0 |
8,0 |
6,5 |
5,0 |
Coût de production (€/T MS) |
99 |
99 |
102 |
115 |
Protéine (coût MAT/ T MS) |
6,1 |
7,1 |
10,4 |
13,1 |
Energie (coût ULF/ T MS) |
159,7 |
162,3 |
161,9 |
182,5 |