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Elections municipales

Aux listes, citoyennes!

La loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des élus locaux prévoit l'application de la parité homme-femme dans toutes les communes de plus de 1 000 habitants. Une révolution qui devrait conduire de nombreuses femmes à s'engager en politique.
Aux listes, citoyennes!

« M'engager ? J'aimerais bien, mais comment conjuguer ces responsabilités avec le boulot, les enfants, le mari, la maison ? » Murielle, ingénieure, 37 ans, ne doute pas de ses facultés intellectuelles, mais de sa capacité physique à assumer un mandat politique... en plus du reste. Dans son village, comme partout en France, nombreuses sont celles que l'on sollicite pour rejoindre telle ou telle liste municipale. Loi sur la parité oblige. Mais concrètement, comment faire ? C'est pour convaincre toutes les citoyennes, ingénieures ou non, que l'Association des femmes élues de l'Isère (Aféi) organise depuis la mi-octobre des conférences-débats sur le mandat électif et les municipales de 2014. La première de ces rencontres a eu lieu à Tullins, le 15 octobre dernier. Une trentaine de personnes (dont trois hommes !) ont assisté à la séance qui a réuni plusieurs élues locales autour de Brigitte Périllé, présidente de l'Aféi et vice-présidente du conseil général de l'Isère. Objectif de la soirée : démontrer qu'être élue locale n'a rien d'une mission impossible.

Pour le maire adjoint de Saint-Sauveur, il est plus facile de recruter des femmes que des hommes pour constituer les listes électorales. Même si les femmes se posent beaucoup plus de questions (que les hommes!) sur leurs capacités et leur disponibilité?

Syndrome de Peter Pan

« Certains pensent que, compte tenu de la parité, nous n'avons plus besoin d'agir, a lancé Brigitte Périllé. Mais ce n'est pas si facile. Surtout dans un contexte où la mobilisation citoyenne est difficile, pour les hommes comme pour les femmes. Car il faut articuler plusieurs vies : familiales, professionnelles, associatives, politiques... Et ces questions d'articulations peuvent faire peur aux femmes. » Aguerrie en politique, l'élue a invité les femmes à se mobiliser et à s'intégrer dans la vie politique. L'enjeu n'est pas simplement numérique : il est sociétal. Si les femmes veulent que la société change, il faut qu'elles-mêmes soient prêtes à la faire changer. Et donc à s'engager en politique. Mieux : elles doivent être prêtes à assumer de nouvelles fonctions : « Les femmes ne doivent plus être cantonnées aux secteurs de l'enfance et du social, estime Brigitte Périllé. Les attributions doivent être pensées de façon équilibrée, quitte à bouleverser les stéréotypes ! » Des femmes à la tête des services techniques ? Et pourquoi pas ? Arlette Gervasi, conseillère régionale et maire adjointe à Voiron, enfonce le clou : « Quand je vois les tribunes du Pays voironnais, je me dis : « Où sont les femmes ? » La parité est l'occasion de faire un saut qualitatif extraordinaire. Profitons-en ! Car je vous rappelle que si les femmes ne s'investissent pas en politique, c'est parce que la société n'attend pas qu'elles le fassent. La parité dans les intercommunalités, c'est une réelle avancée. Mais il faut que les femmes soient convaincues de ce qu'elles peuvent y aller. Il faut en finir avec le syndrome de Peter Pan ! »

Pour Arlette Gervasi, conseillère régionale et maire adjointe à Voiron, la parité est l'occasion de faire un saut qualitatif extraordinaire.

De fait, dans la salle, plusieurs élues racontent avec quelle facilité elles se sont débarrassées de ce complexe pour grandir... en politique. Toutes reconnaissent qu'il faut d'abord recueillir le soutien des siens et savoir s'organiser avant de s'engager. La plupart ont pas mal discuté au sein de la cellule familiale avant de prendre leur décision. Brigitte Périllé en profite pour rappeler qu'il existe un système d'indemnisation pour frais de garde. Chacune évoque avec humour ses hésitations, ses appréhensions. Eve Wogenstahl, maire de Pajay, n'avait jamais assisté à un conseil municipal avant d'être élue : « Je ne savais rien, je mélangeais tout... Il a fallu beaucoup travailler. Ça n'a pas été facile. Mais quand je pense à nos grands-mères qui se sont battues pour avoir le droit de vote, je me dis qu'il faut que nous soyons nombreuses à nous engager pour les municipales. Nous avons notre place dans la voirie, dans la finance, dans l'urbanisme... Pas seulement au centre d'action sociale ! » Pascale Poblet, maire de Montaud, rassure celles qui froncent les sourcils : « Etre maire, c'est un boulot à plein temps. Mais on peut viser simplement d'être élu(e) municipal(e). Là, on n'est pas obligé de s'inscrire à toutes les commissions. On peut n'en suivre qu'une... »

Envers du décor

« Mais comment apprend-on à être élue ? », s'inquiète une participante. « On apprend sur le tas, répond Eve Wogenstahl. Il y a aussi beaucoup de possibilités de formation. » Le passage de relais n'ayant pas été fait dans sa commune, Anne Berenguier-Darrigol, maire de Saint-Hilaire-de-la-Côte, reconnaît avoir « pédalé les deux premières années ». Heureusement, elle avait avec elle une équipe solide, soudée. « Au début, on découvre tout, avoue de son côté Pascale Poblet. Les cantons, le conseil général, le conseil régional... On nage, on tombe de l'armoire tous les jours. C'est marrant. Mais on apprend tous les jours. Et puis on découvre l'envers du décor. » Brigitte Périllé précise qu'un poste formation est prévu dans le budget municipal, la loi imposant un minimum de six jours de formation. « Le problème, c'est que la plupart des élus ne connaissent pas leurs droits et ne les font pas valoir », regrette la présidente de l'Aféi. Et Anne Berenguier-Darrigol de conclure: « Etre élue, c'est une expérience formidable, qui demande de la disponibilité, de l'empathie... On peut faire bouger beaucoup de choses. Avec la parité, un vrai changement est possible. C'est une mentalité que tout le monde doit acquérir. Et pour celles qui s'inquiètent des emplois du temps impossibles, on peut suggérer de finir moins tard, de ne pas programmer de réunions pendant les vacances scolaires... » Alors, mesdames, prêtes à vous engager dans la bataille ?

Marianne Boilève

Que dit la loi ?

La loi organique du 17 mai 2013, validée par le Conseil constitutionnel, a pour objectif de favoriser l'élection à parité des femmes et des hommes aux scrutins locaux dans les communes de plus de mille habitants. Elle concerne l'élection des conseillers départementaux (1), municipaux et communautaires. Elle s'applique donc aussi aux listes des candidats appelés à siéger à l'intercommunalité de référence de la commune. La loi oblige désormais les candidats à se présenter en binôme, chaque binôme devant être composé d'une femme et d'un homme.
(1) Actuellement, les conseils municipaux ne comptent que 32 de femmes dans les communes de moins de 3 500 habitants et 13,8% dans les assemblées départementales.
MB

 

Les femmes élues de l'Isère

1 sénatrice sur 5 sénateurs (soit 20%; moyenne nationale : 22,4%)
3 députées sur 10 députés (soit 30%; moyenne nationale : 26,9%)
11 conseillères générales sur 58 (soit 19%; moyenne nationale : 13,8%)
71 maires sur 533 (13.3%)
743 adjointes (35%)
3281 conseillères municipales (38.6%)