Blé : les demandes de l’AGPB pour passer la crise
Réserve de crise, seuil d’intervention, prix des engrais, stockage stratégique… Face à des marchés mondiaux du blé en plein marasme, les producteurs de l’AGPB (FNSEA) ont fait le point sur leurs demandes à l’intention des pouvoirs publics.
À l’occasion d’une conférence de presse le 16 septembre, les producteurs de blé de l’AGPB (FNSEA) ont fait le point sur la situation difficile de la filière depuis trois ans. Après les deux années d’embellie sur les prix, qui avaient suivi le déclenchement de la guerre en Ukraine, les producteurs de blé enchaînent les déconvenues. Cette année, si la récolte se situe dans la moyenne, les prix plongent. L’AGPB a dressé la liste de ses demandes aux pouvoirs politiques, ne mettant pas en avant les demandes budgétairement les plus coûteuses compte tenu du contexte politique. L’AGPB a indiqué avoir demandé, par un courrier adressé à la ministre de l’Agriculture et à la Commission européenne, l’activation de la réserve de crise européenne, pour faire face à la chute des prix cette année. « La même demande nous avait été refusée l’an passé, la Commission arguant qu’il s’agit d’une baisse de rendement, donc couverte par l’assurance récolte », explique Éric Thirouin, président de l’AGPB. « Il est indispensable que la Commission réponde favorablement, comme elle avait pu le faire à la demande de la Pologne en raison des importations ukrainiennes. » Les céréaliers demandent par ailleurs un prolongement des prêts garantis par l’État (PGE) annoncés l’an passé par la ministre de l’Agriculture, ainsi que des prises en charge de cotisations par la MSA. Au titre de programmation actuelle de la politique agricole commune (Pac), l’AGPB demande que de nouveaux fonds soient alloués aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) zones intermédiaires. En juillet, Annie Genevard avait redistribué 33 millions d’euros (M€) vers les MAEC herbagères et zones intermédiaires, sur les 257 M€ de reliquats d’aide à la conversion en bio non consommés en 2023 et 2024. Les céréaliers demandent aussi une extension géographique de la récente hausse de l’aide couplée au blé dur, qui avait été renflouée de 15 M€ lors de ce même arbitrage.
Stockage stratégique, pourquoi pas
Dans un contexte de hausse des charges depuis cinq ans, ils ont aussi plaidé pour un blocage, ou à défaut, un report de la mise en œuvre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), qui doit s’appliquer à partir de janvier 2026. « Nous ne savons pas encore comment cette taxe sera calculée, et les fournisseurs nous annoncent déjà qu’ils vont prendre une marge pour se couvrir », a expliqué le président de l’AGPB, qui craint que les producteurs ne se retrouvent floués. Le délai demandé pourrait être mis à profit pour « imaginer des aides compensatoires », a étayé son secrétaire général, Philippe Heusèle. Après l’entrée en vigueur de manière transitoire du MACF en octobre 2023, des simplifications du dispositif viennent d’être introduites en urgence : un nouveau seuil de minimis de 50 tonnes (t), ce qui exclurait 90 % des importateurs, principalement des PME, selon la Commission ; et un allègement des procédures d’autorisation, de la méthode de calcul et de vérification des émissions. Ce nouveau seuil de 50 t n’a pas convaincu les producteurs de blé, qui font remarquer qu’un camion peut livrer à lui seul 30 t d’engrais dans une exploitation. À plus long terme, les céréaliers ont indiqué qu’ils étaient favorables au projet de stockage stratégique présenté par la Commission européenne en juillet, reconnaissant toutefois que de nombreuses questions restaient encore sans réponse sur l’ambition et la mise en œuvre du dispositif. « Tout est sur la table. Il faut conduire la réflexion jusqu’à son terme, pour voir comment on peut être efficace tout en continuant à exporter, et je n’ai pas la réponse pour l’instant », explique Éric Thirouin. Si le bénéfice direct pour les agriculteurs français est encore difficile à cerner, le syndicat constate un besoin de davantage de sécurité en provenance des politiques, auquel ils entendent répondre. Le responsable syndical acte par ailleurs une « partition » des marchés et une instabilité géopolitique croissante, dans un contexte où les risques de fermeture de frontières sont plus élevés et où l’agriculture peut jouer un plus grand rôle de négociation qu’auparavant. L’AGPB a par ailleurs renouvelé sa demande de rehaussement du seuil d’intervention européen sur les marchés du blé, fixé à 101 €/t et inchangé depuis 2001. « Nous avons demandé une revalorisation au niveau de l’inflation, ce qui nous conduirait actuellement à 170 €/t », a expliqué M. Thirouin, soit le niveau actuel du marché européen.
M. R.