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Transition énergétique

Centrales villageoises photovoltaïques : le Vercors donne l'exemple

Dans le Vercors, une poignée de citoyens travaille à faire de la transition énergétique une réalité. Comment ? En installant des micro-centrales villageoises conçues pour produire localement de l'énergie photovoltaïque consommée sur place.
Centrales villageoises photovoltaïques : le Vercors donne l'exemple

Autonomie. Le mot est dans l'air du temps. Sur le plateau du Vercors, île d'altitude s'il en est, c'est aussi une préoccupation, notamment en matière d'approvisionnement énergétique. Aussi quand le Parc naturel régional du Vercors, engagé depuis une vingtaine d'années dans une politique de maîtrise des consommations et de production d'énergies renouvelables, a proposé aux habitants de se lancer dans des projets de centrales villageoises photovoltaïques, une poignée de citoyens s'est portée volontaire pour tenter l'aventure. « Il s'agit de produire localement une énergie qui sera consommée localement », explique Christophe Albert, le président de la toute nouvelle SAS (1) Centrales villageoises des Quatre Montagnes.

Sur le principe, la production d'énergie solaire n'a rien de bien révolutionnaire : nombreux sont les habitants du Vercors qui ont déjà équipé leurs toits de panneaux photovoltaïques. Ce qui est nouveau, c'est la démarche citoyenne et coopérative : « Cette fois, ce n'est pas la collectivité qui fait, mais les gens eux-mêmes, s'enthousiasme Christophe Albert. Nous travaillons à fédérer les énergies citoyennes pour que chacun puisse prendre part au projet, que ce soit en achetant des actions de la SAS qui va produire l'électricité ou en louant son toit pour installer des panneaux. »

Energie propre

Dans le Vercors, le propos est plutôt bien reçu. Côté Drôme, un premier projet a déjà vu le jour, qui devrait permettre d'équiper sept toitures dans les communes de Plan-de-Baix et Gigors-et-Lozeron cet été. Dans le Trièves, une double initiative a été lancée à Mens et à Chateau-Bernard au printemps 2013. Sur le plateau, l'heure est encore à la collecte de fonds. Mais le projet avance bien. Démarchages, conférences, stands sur les manifestations festives, relais auprès des élus, les bénévoles de la SAS profitent de toutes les occasions pour faire la promotion du projet. Et ça marche. Créée fin 2013, la jeune société coopérative a déjà convaincu près de 35 souscripteurs, qui ont investi entre 300 et 500 euros en moyenne (une action coûte 100 euros). Il y a ceux qui mettent en avant leur intérêt pour les énergies renouvelables, les militants associatifs motivés par les aspects environnementaux ou coopératifs du projet, les touristes attachés au territoire... De quoi afficher un bel optimisme : « Bien sûr, au départ, il y a la volonté de produire une énergie propre avec un système simple, éprouvé et accessible : installer des panneaux solaires, ce n'est pas la même chose qu'une unité de méthanisation ! souligne Christophe Albert. Mais au-delà de ça, nous expliquons aux gens l'intérêt qu'il y a à ce que chacun prenne part à l'énergie qui est produite et consommée dans son canton. Si on leur dit que l'électricité qu'ils consomment vient du toit de La poste, tout de suite, ça leur parle. Et ça permet aussi de les sensibiliser sur les questions de consommation énergétique. » C'est d'ailleurs ce qui a séduit Pascal, Lansois depuis trois ans, qui n'a pas hésité à signer un gros chèque pour acheter dix actions : « Je connais bien la question de l'autonomie, puisque ma famille et moi avons navigué sur un bateau pendant sept ans avant de nous installer ici. Ce qui me plaît dans les centrales villageoises, c'est non seulement le fait de développer une source d'énergie renouvelable, mais aussi que des gens se décarcassent pour que ça arrive près de chez moi... sans que j'aie à mettre les mains dans le cambouis ! »

Atteindre 30 000 euros de souscriptions

Soutenue par le parc et la communauté de communes des Quatre Montagnes, la SAS se donne jusqu'à l'automne pour atteindre les 30 000 euros de souscriptions citoyennes qui lui permettront d'installer la première centrale villageoise, moyennant un complément de financement public (régional et européen) relayé par des prêts bancaires. Une fois le projet lancé, le principe de fonctionnement de la centrale est simple : des propriétaires louent leur toiture à la SAS qui les équipe de panneaux photovoltaïques et gère l'installation. Raccordés au réseau, les panneaux produisent de l'électricité qu'EDF rachète à la société coopérative à des conditions tarifaires bien supérieures aux prix du marché. D'où une « rentabilité » des actions souscrites de l'ordre de 3%, « mieux que le Livret A », s'amuse son président.

Si tout se déroule comme prévu, les premiers panneaux seront installés à Méaudre, Lans-en-Vercors et Villard-de-Lans au printemps 2015, « au moment où la luminosité leur permettra d'être les plus productifs », indique Christophe Albert. Maisons particulières, garages, bâtiments communaux, entreprises, fermes, hangars : toutes les toitures peuvent être équipées. « Au départ, nous souhaitions privilégier les grandes toitures pour créer des unités paysagères et éviter le côté « timbre poste », précise Serge Charruau, en charge du dossier au parc du Vercors. Mais ce principe a dû être révisé, dans la mesure où le tarif de rachat par EDF ne privilégie pas les grandes installations. » L'objectif à moyen terme est d'installer plusieurs petites unités au cœur des villages , soit près de 400 m2 de panneaux. « Il faut viser haut pour que ce soit visible et que ça produise de l'énergie », insiste Christophe Albert. Et que ça donne des idées à d'autres villages...

Marianne Boilève

Retrouvez le témoignage en vidéo de Pierre Buisson, maire de Méaudre

 

(1) Société par action simplifiée

 

Une expérimentation reproductible

Labellisées « Initiative d'avenir » par la région Rhône-Alpes, les centrales villageoises s'inscrivent dans le cadre d'une expérimentation portée par cinq parcs naturels régionaux de Rhône-Alpes (1), financée par l'Europe, la région et RhônalpEnergie Environnement. Dans tous les territoires, le modus operandi est le même : il s'agit de définir un modèle de micro-centrale (tant sur le plan technique, financier que juridique) viable et facilement reproductible, de façon à ce que la démarche puissent être facilement transposable dans d'autres territoires ruraux, éventuellement avec d'autres énergies renouvelables. L'originalité du dispositif vient de son mode de gouvernance locale, assurée par un « noyau dur » de citoyens particulièrement motivés. A eux de préfigurer la future société locale, de travailler collectivement les statuts... et de porter la bonne parole auprès de leurs concitoyens. Depuis février 2013, une demi douzaine de sociétés coopératives ont ainsi été constituées, la dernière en date étant la SAS Centrales villageoises des Quatre Montagnes. Une fois la société créée, le projet entre dans sa phase de développement, qui comprend à la fois le lancement de souscriptions citoyennes et la mise en route du projet proprement dit (études de faisabilité, demandes de raccordement, rédaction des baux, montage bancaire...). Dans la région de Condrieu (parc du Pilat), un première centrale photovoltaïque a ainsi vu le jour fin juin dans la commune des Haies.
(1) Vercors, Massif des Bauges, Monts d'Ardèche, Pilat et Baronnies provençales, auxquels se sont associés le Luberon et le Queyras.
MB