Conserver la confiance dans un monde d’incertitudes
Réunis à Angers le 13 juin pour leur congrès annuel, les producteurs de porcs français veulent rester optimistes malgré une conjoncture économique, réglementaire et sanitaire aussi fragile qu’incertaine.

Parmi les nombreux dossiers que suivent les éleveurs de porcs, celui de la peste porcine africaine (PPA) est sans doute celui qui retient le plus leur attention. Car cette épizootie est toujours très présente aux portes de la France, particulièrement en Italie et en Allemagne. Ce sont les populations de sangliers qui sont les plus touchées, avec plus de 1 400 cas détectés Outre-Rhin depuis le début de l’année. « C’est un miracle que la PPA n’ait pas passé la frontière », a concédé Thierry Marchal, vice-président de la Fédération nationale porcine (FNP).
« Pas de désengagement de l’État »
L’inquiétude est d’autant plus grande qu’un audit a été mené dans la plupart des élevages français et que les chiffres sont très en deçà des espérances. En effet, seuls 25 % des élevages ont une protection en biosécurité conforme à la réglementation. « Il faut donc s’attendre à la mise en place de zones réglementées, avec d’importantes contraintes en termes de circulation des animaux », a indiqué Thierry Marchal. « Si la France est touchée par la PPA, il faudra plusieurs années avant de retrouver un statut indemne. La Belgique a mis plus de quatre ans avant de le recouvrer », a-t-il averti. Le risque n’est pas négligeable, car la France compte 1,5 million de sangliers (source OFB) et 800 000 sont abattus chaque année par les chasseurs. « Il faut mieux réguler ces vecteurs de virus », a plaidé le président de la FNP, François Valy. Ce problème fait partie des sujets abordés lors des Assises du sanitaire lancées en janvier dernier par la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard. « Il ne faut pas que ces Assises soient le prétexte pour l’État de se désengager financièrement. En cas de crise, nous aurons besoin de son soutien, car la filière porcine n’a pas, et n’aura pas, les moyens de soutenir une telle charge », a-t-il affirmé. De plus, le premier schéma du plan sanitaire de filière présenté lors de ses Assises était « très complexe », a souligné Thierry Marchal. Sur ce dossier, Annie Genevard n’a guère été rassurante, expliquant « qu’il fallait convaincre l’interprofession d’y aller, car l’État n’a plus les moyens financiers. Il vous faut vous organiser collectivement », a-t-elle insisté.
Affichage environnemental
Autre sujet d’inquiétude pour les éleveurs : la directive européenne sur les émissions industrielles (IED) « dans laquelle les élevages porcins n’ont pas à figurer », s’est agacé François-Régis Huet, membre de la FNP et du Copa-Cogeca. « Au début, ce sont environ 700 élevages qui pourraient être concernés et, à terme, la quasi-totalité des fermes porcines françaises. Nous demandons de sortir du dispositif à l’occasion de la clause de revoyure prévue en juillet 2026 », a martelé François Valy. Sur le relèvement des seuils ICPE pour qu’ils redeviennent conformes aux standards européens, Annie Genevard va déposer un amendement en ce sens lors de la commission mixte paritaire du 30 juin prochain pour la proposition de loi Duplomb visant à lever les contraintes du métier d’agriculteur. Tout aussi déterminée est-elle à « ne pas pénaliser les produits français au nom d’un algorithme mal calibré », a-t-elle affirmé en faisant référence à l’affichage environnemental. En effet, « 100 grammes de jambon bio importé sont mieux notés que 100 grammes de jambon conventionnel », avait alerté quelques instants auparavant le président de la FNP. « Il faut que le futur affichage s’appuie sur les indicateurs de l’interprofession, a soutenu la ministre qui souhaite ainsi protéger la production et la transformation ». De même souhaite-t-elle que le règlement européen sur le transport des animaux vivants fasse preuve de « réalisme ». « Car c’est une menace pour un large pan de notre filière. Ce règlement est contraignant, très coûteux, notamment en frais vétérinaires et pas très écologique », avait observé François Valy.
Christophe Soulard