Coup de tabac sur les noix

L'orage n'a duré que 15 minutes, mais ça a suffi pour mettre tout par terre. Mercredi, une tempête hyperlocalisée a traversé la commune de Voreppe et piqué droit sur Saint-Quentin-sur-Isère. A Voreppe, les agriculteurs ont vu leurs grands cultures couchées. « C'est une catastrophe, se désespère Ludovic Monin, jeune exploitant installé il y a tout juste six mois. Les maïs n'avaient jamais été aussi beaux. En un quart d'heure, j'ai perdu six hectares sur vingt-cinq. » Pour les blés, c'est un peu moins grave. « Ils sont juste couchés. Mais ce ne sera pas facile à moissonner et on risque de perdre en qualité », diagnostique l'agriculteur qui a tout de même vu sa production maraîchère relativement épargnée. « Le souci, c'est que je n'ai pas de trésorerie et pas non plus d'assurance récolte : ça coûte trop cher et puis, en principe, nous ne sommes pas dans un secteur à risque. » Le jeune homme va faire une déclaration de sinistre, mais reconnaît ne pas en attendre grand chose.
De l'autre côté de l'Isère, ce sont surtout les noyers qui ont pris. A Saint-Quentin-sur-Isère, les premières estimations font état de 500 à 600 arbres arrachés à cause des fortes pluies et des rafales de vent sous la ligne orageuse. Une dizaine de producteurs sont touchés, dont Huguette Bietrix-Ogier qui a compté 70 noyers au sol sur ces parcelles. « Ce sont de vieux noyers en production, ça représente une perte de fond énorme, car nous débutons et n'avons que cinq hectares en production », raconte l'agricultrice qui se retrouve aussi, du fait de son élevage ovin, confrontée à la pression du loup.
Comme un cyclone
A Tullins, Pierre Gallin-Martel dénombre une centaine de noyers en production arrachés et de nombreux arbres cassés. « C'est comme si un cyclone les avait tordus et cassés, décrit-il. Maintenant, la grosse difficulté, ça va être de déblayer pour faire la récolte... » Même souci à Poliénas. René Ruzzin estime à une cinquantaine le nombre d'arbres abattus par l'orage. « On a eu le cœur de la tempête, dit-il. C'était court et violent. Nous n'avons pas beaucoup de perte d'arbres, mais énormément de jolies branches, essentiellement des charpentières, qui sont par terre et beaucoup de noix au sol. Sur une parcelle que j'ai dans la vallée, j'en ai compté plus de 300 sous chaque arbre. » Soit 10% de la récolte à venir. Dans la plaine de la Bièvre, les professionnels ont constaté des arbres arrachés et de la casse éparse.
Face à ce cataclysme, les producteurs se montrent étonnamment philophes. « Ce n'est pas la première fois que ça arrive, ce sont les risques du métier », souffle Denis Amouroux, producteur à Tullins. Pour Pierre Gallin-Martel, il faudra faire le bilan des dégâts à l'automne pour savoir ce qu'il faut replanter et comment. Lui aussi se dit fataliste. « C'est comme un accident de voiture. Même si ce sont des dizaines d'années de récolte pénalisées, ce n'est que du matériel. Les intempéries, il faut faire avec. Malheureusement, c'est quelque chose que l'on voit de plus en plus et qui sera encore plus fréquent à l'avenir. C'est le signe du réchauffement climatique. C'est inquiétant pour l'avenir. On ne sait pas ce que seront les conséquences pour les cultures. Et je dis ça sans catastrophisme. »
Marianne Boilève