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Fondation Jean Jaurès

Défi alimentaire 2050 : les cinq leviers pour nourrir la terre

Pour lancer l’observatoire de l’Agriculture et de la ruralité, la Fondation Jean Jaurès a organisé un colloque intitulé « Nourrir toute la terre, les cinq leviers ».
Défi alimentaire 2050 : les cinq leviers pour nourrir la terre

À l'Assemblée nationale, il y avait un grand absent au colloque « Nourrir toute la terre, les cinq leviers » organisé pour lancer l'Observatoire de l'agriculture et de la ruralité de la Fondation Jean Jaurès. C'était Edgar Pisani, ancien ministre de l'Agriculture de 1961 à 1966. Il a été le 13 décembre dernier, le maître à penser des personnalités invitées par Dominique Potier, député socialiste de Meurthe-et-Moselle, éleveur et directeur de ce nouvel observatoire. La citation de ce grand visionnaire, « Le monde aura besoin de toutes les agricultures du monde pour nourrir le monde » a même été le fil directeur de cet après-midi d'échanges très éclectiques. Mais sur le fond, les représentants présents d'ATD Quart Monde, de la coopérative Terrena, de la FNSafer ou encore de Sol et Civilisation, pour n'en citer que quelques-uns, partagent les mêmes objectifs de développement rural et de sécurité alimentaire dans tous les territoires et sur tous les continents. Introduit par l'ancien ministre de l'Agriculture, Henri Nallet, dorénavant président de la Fondation Jean Jaurès, ce colloque a identifié « les cinq leviers pour nourrir la planète » et pour « donner un sens humain au développement agricole et rural », à savoir : « le partage et la protection du foncier, la garantie d'une nourriture de toutes les qualités, l'agroécologie, une nouvelle donne ville et campagne et, le juste commerce ». Ces cinq leviers étaient en fait les cinq sujets de ce colloque.

Toutes les agricultures du monde

Pour Olivier de Schutter, de l'ONU, « le monde aura non seulement besoin de toutes les agricultures du monde pour nourrir le monde, mais aussi de tous les agrosystèmes du monde et de toutes formes de commerces, du local à l'international ». La croissance démographique de la planète sera déséquilibrée. Elle sera africaine, indienne et asiatique. Dans le sud du bassin méditerranéen, la sécurité alimentaire ne pourra pas être assurée sans des importations massives de produits agricoles. Pour Jeunes agriculteurs, le monde aura aussi besoin de systèmes de production de dimension familiale même s'il faudra faire évoluer ce modèle. L'agroécologie fait évidemment partie de la palette des solutions pour que la planète nourrisse 9 à 10 milliards d'hommes d'ici 2050. « Elle resynchronisera l'agriculture avec la nature, défend Hubert Garaud, président de la coopérative Terrena. Et surtout, elle est complémentaire avec les biotechnologies ». Pour Philippe Mauguin, le nouveau directeur de l'Inra, « le monde aura besoin de maîtriser toutes les disciplines de la recherche avec un projet intégrateur pour nourrir le monde ».

 

Une mutation à opérer

 

« Ma conviction profonde est que l'agriculture est arrivée au bout d'un cycle. Elle a une mutation à opérer », a déclaré le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, venu conclure le colloque. Selon lui, l'agriculture, la forêt et la photosynthèse sont au cœur de la bioéconomie pour trouver des débouchés alimentaires et non alimentaires et, pour développer une économie décarbonée. Mais nourrir la planète impose une réduction massive des gâchis alimentaires. Ils représentent un tiers de la production agricole mondiale, a rappelé Guillaume Garot, ancien ministre de l'Agroalimentaire et président du Conseil national de l'alimentation. Durant ce colloque, différentes propositions ont été formulées. Emmanuel Hyest, président de la FNSafer, souhaite une loi foncière pour contrôler les mouvements fonciers et pour encadrer la financiarisation du marché des terres. Elle devra assurer une meilleure transparence des cessions de parts ou des actions de sociétés détenant du foncier agricole afin d'éviter des concentrations d'exploitations excessives et des accaparements de terre. Un projet sera déposé dans ce sens par Dominique Potier dans les prochains jours. Selon Claire Hedon (ATD Quart Monde), il faut développer des outils internationaux de régulation des échanges de terres. L'accaparement des terres représente 2 % de la surface agricole mondiale.

 

«Un Grenelle de l'agriculture »

 

« Si j'avais été candidat à l'élection présidentielle, a déclaré Nicolas Hulot, président de Fondation Nature Homme et grand témoin du colloque, j'aurais organisé un Grenelle de l'agriculture pour mettre en place une démocratie alimentaire et pour établir un nouveau contrat de confiance de la fourche à la fourchette ». Le devenir des territoires ruraux est un enjeu pour la France et l'Union européenne. L'essor de la couverture numérique est devenu indispensable. En prévision de la nouvelle Pac, « l'Union européenne doit affirmer que l'agriculture et l'alimentation sont des enjeux stratégiques », défend Anne-Claire Vial, présidente de Sol et Civilisation. Le démantèlement des outils de régulation de la Pac s'inscrit à contre-courant des politiques agricoles des autres grands pays producteurs. Nous verrons dans quelques mois si elle a été entendue.