Des semaines cruciales pour les spiritueux français
Les États-Unis et la Chine devraient statuer début juillet sur leurs projets de surtaxation des spiritueux européens. Des décisions qui pourraient mettre à mal un secteur déjà à la peine sur le marché intérieur.

Les entreprises françaises de spiritueux sont dans l’attente d’annonces qui pourraient sceller leur avenir à moyen terme, mais aussi celui de leurs fournisseurs viticoles et agricoles, ont prévenu les dirigeants de la Fédération française des spiritueux, jeudi 12 juin. Les États-Unis et la Chine, les deux principaux clients des spiritueux français, avec respectivement 33 et 14 % des ventes à l’export, s’apprêtent en effet à annoncer leurs décisions en matière d’application de droits supplémentaires. L’enquête anti-dumping menée par la Chine sur les entreprises européennes de « brandies » (alcools à base de vin, principalement cognac et armagnac) « doit s’achever le 5 juillet prochain », a indiqué le directeur général de la Fédération française des spiritueux (FFS), Thomas Gauthier. Le pays pourrait entériner les mesures temporaires d’augmentation des droits supplémentaires entre 30,6 et 39 %, obligeant les exportateurs à déposer une caution auprès des douanes chinoises. En jeu également, « la vente en duty free », aujourd’hui à l’arrêt, ou encore « le retrait du cognac et de l’armagnac de tous les repas officiels ». Côté américain, les discussions entre l’administration Trump et la Commission européenne sur les barrières tarifaires doivent s’achever le 9 juillet. On saura alors si les États-Unis maintiennent un droit additionnel de 10 % ou imposent des droits réciproques de 20 %.
Les exportations en chute
Dans ce climat d’incertitude, les exportations françaises de spiritueux, fleuron du commerce extérieur français, sont en chute. En 2024, elles ont baissé, en valeur, de 6,5 % à 4,4 milliards d’euros (Md€), dont presque 11 % pour le cognac, après une baisse de 12 % l’année précédente. L’année 2025 ne se présente pas mieux avec une baisse de 2 % en volume et de 7,4 % en valeur au cours des quatre premiers mois de l’année par rapport à la même période de 2024. Alors que des maisons de cognac ont déjà eu recours à du chômage partiel, les dirigeants de la Fédération ne veulent pas croire à un scénario diplomatique « catastrophe ». « Il y a un canal de discussion qui semble solidement établi entre l’Union européenne et les États-Unis », estime le président de la FFS, Guillaume Girard-Reydet, qui s’est félicité de « la bonne collaboration entre les professionnels et l’exécutif ».
Un dénouement favorable des négociations avec la Chine et les États-Unis est d’autant plus crucial que la conjoncture n’est pas plus favorable sur le marché intérieur. En 2024, les ventes de spiritueux ont baissé en grande distribution, en volume, pour la quatrième année consécutive pour atteindre 247 millions de litres (- 3,8 %), et pour la première fois en valeur depuis 2018, à 4,9 Md€ (- 3,6 %). Les ventes hors domicile ne se portent pas mieux avec une consommation en cafés-hôtels-restaurants qui s’effrite de 2 % en volume à 20,8 millions de litres, soit une baisse de 1,8 % en valeur. « On constate une déconsommation régulière d’alcool en France, qui était jusqu’ici compensée par une meilleure valorisation de nos produits et de nos marques, ce qui n’est plus le cas », analyse Thomas Gauthier.
Les attentes des consommateurs ont également considérablement évolué ces dernières années, constatent les professionnels. Tandis que les grandes catégories sont à la peine, comme le whisky, premier alcool consommé en France (- 4,6 % en 2024), les anisés (- 5,6 %) ou les rhums (- 3 %), d’autres références tirent leur épingle du jeu. C’est le cas des alcools blancs (vodka, gin), mais surtout des amers avec le succès phénoménal du spritz, ou encore des rhums arrangés et des alcools blancs aromatisés. « Dans ce contexte difficile, nous ne demandons pas d’aides, mais de la stabilité réglementaire et fiscale », a conclu le président. « Le prix de vente de nos produits intègre aujourd’hui 72 % de taxes. Toute innovation fiscale constituerait un nouveau frein à notre compétitivité. »
Actuagri
Guillaume Girard-Reydet
