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PROSPECTIVE

Éradiquer la malnutrition, un objectif impossible à atteindre

L’augmentation de la production agricole mondiale tout au long du 21ᵉ siècle, inférieure à celle des besoins de la population, ne permettrait pas de réduire à néant la malnutrition.

Éradiquer la malnutrition, un objectif impossible à atteindre
La production agricole mondiale augmenterait toujours, en quantité et en qualité d’ici 2050 par rapport à 2010, mais moins vite que les besoins de la population, selon Marine Raffray.

Dans son dernier rapport Perspectives agricoles 2025-2034, l’Organisation de coopération et de développement économique et la FAO sont persuadées qu’il est possible d’éradiquer, sous certaines conditions, la sous-alimentation à l’échelle mondiale à l’horizon de 2030. Mais dans un article publié par Demeter 2025 « Nourrir 2050 : de la fiction à la réalité », Marine Raffray, une des contributrices de l’ouvrage, démontre au contraire que l’insécurité alimentaire restera endémique, quels que soient les scénarios économiques décrits dans l’ouvrage. La production agricole mondiale augmenterait toujours, en quantité et en qualité (+ 50 % d’ici 2050 par rapport à 2010), mais moins vite que les besoins de la population. Alors que la malnutrition est un fléau mondial et international, la réduire, voire l’éradiquer dépend fortement des politiques économiques et agricoles conduites dans chaque pays et de leurs interactions sur les échanges commerciaux. Par ailleurs, l’urbanisation croissante de la population modifiera les habitudes alimentaires, surtout dans les pays où les revenus des ménages vont croître. Dès qu’ils en auront les moyens, ces derniers consacreront même une part croissante de leur budget pour mieux se nourrir. Mais l’exode rural déportera une partie de la pauvreté des campagnes vers les villes.

Dégradation de la qualité de la nourriture

Le scénario « Tendanciel », décrit par Marine Raffray, s’inscrit dans la continuité des politiques économiques, sociales et environnementales actuelles. « Les progrès environnementaux sont lents, les écosystèmes s’en trouvent dégradés et le changement climatique se poursuit », précise-t-elle. La FAO estime la population mondiale à 9,6 milliards d’habitants (Mds d’hab) en 2050, dont 2,6 Mds en Afrique, contre 8,1 Mds actuellement.

La qualité de la nourriture produite se dégraderait au fil du temps, une des conséquences méconnues de l’augmentation de la concentration de CO₂ de l’atmosphère. Dans ce scénario « tendanciel », 2,5 milliards de personnes seraient encore touchées par la pauvreté en 2050, soit une hausse de 39 % par rapport à la situation actuelle. Par ailleurs, 26 % de la population vivrait sous le seuil de pauvreté avec parmi elle, 600 millions de personnes au cœur de conflits appelés à se multiplier. Enfin, 11 % de la population souffriraient de sous-nutrition.

Les deux autres scénarios « libéralisme et haute technologie » et « montée des souverainetés adverses », présentés par Marine Raffray, ne donnent pas la priorité à l’éradication de la malnutrition et de la pauvreté. Ces scénarios ne s’inscrivent pas non plus dans les objectifs de la COP 2020 sur le climat. La nourriture disponible plus importante serait inégalement répartie entre les populations. Une libéralisation accentuée de l’économie mondiale, comme l’envisage le scénario « Libéralisme et haute technologie » accroitrait pauvreté et sous-nutrition. Elles affecteraient 14 % de la population mondiale (de 10,1 Mds d’hab).

Le troisième scénario, intitulé « Montée des souverainetés adverses », est « caractérisé par la montée des nationalismes, des rivalités entre puissances et des conflits », avec leurs hordes de miséreux, précise l’auteure. Sur les 10,1 Mds d’ha, quatre milliards de personnes (40 % de la population mondiale) seraient pauvres, deux fois plus qu’actuellement, et 16 % de la population mondiale seraient victimes de sous-nutrition. Seul le scénario « Transition systémique » verrait « le monde peuplé de 8,9 Mds d’hab s’orienter vers une trajectoire de développement durable et de coopération entre États », défend Marine Raffray. La priorité donnée aux productions végétales, et aux protéagineux en particulier, aux dépens des filières animales, rendrait possible la baisse de moitié du nombre de personnes en situation de pauvreté. La prévalence de la sous-nutrition tomberait à 4 % et l’insécurité alimentaire à 13 %.

Actuagri