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Drone

Expertises de haut vol

Devenue nécessaire en raison de l'évolution de la législation, l'optimisation des apports d'intrants requiert une connaissance fine de ses parcelles. Récemment apparus dans le ciel agricole, les drones livrent une cartographie précise des besoins et permettent une gestion localisée des apports. Décryptage.
Expertises de haut vol

Apparus récemment dans le ciel agricole, les drones n'en finissent pas de s'inventer de nouveaux usages. Surveillance de l'état sanitaire des parcelles, détection d'anomalies ou de présence d'adventices, évaluation du stress hydrique, leurs champs d'application n'ont de bornes que l'imagination des chercheurs... et des agriculteurs. Pressés par l'évolution de la législation en matière de produits phytosanitaires, ceux-ci sont en effet contraints de se lancer dans une « agriculture de précision », sans toujours en avoir les moyens techniques. Certes, les images satellites ou les caméras embarquées sur les tracteurs constituent déjà une belle avancée. Mais les drones vont plus loin encore. La précision des informations qu'ils délivrent (plus fine que le système Farmstar) et leur indépendance à l'égard de la météo en font de précieux atouts. Volant à des altitudes comprises entre 50 et 150 mètres, ils passent sans problème sous la couverture nuageuse et peuvent cartographier une parcelle à n'importe quel moment (au contraire des avions ou des satellites).

Drone et robot

Pour le moment, l'usage du drone est surtout réservé à la vigne et à l'agriculture céréalière. Basée à Grenoble, la société Delta Drone propose par exemple une prestation allant de l'étude de croissance et la détection de biomasse à l'analyse de parcelles défectueuses. Plus pointue, Airinov s'est associée avec l'Inra pour travailler sur l'optimisation de la lutte contre les adventices et celle de la fertilisation azotée. En collaboration avec l'unité de recherche Agroécologie de Dijon, la start-up a mis au point un drone capable d'identifier les zones de présence des adventices. Des essais ont été conduits sur des cultures de betterave à sucre, de maïs et de tournesol. Parallèlement, les chercheurs de Dijon ont conçu un robot de désherbage, capable de se déplacer tout seul grâce à un système GPS et de pulvériser un désherbant chimique uniquement là où sa caméra repère une adventice. « Aujourd'hui le drone et le robot fonctionnent de manière indépendante, mais l'objectif à terme est de pouvoir les coupler, indique Christelle Gee, du centre Inra de Dijon. Le robot pourra se rendre directement sur des zones fortement infestées d'adventices qui auront été préalablement identifiées par l'analyse des images aériennes. »

 

Le robot de désherbage conçu par le centre Inra de Dijon.

Préconisation

Concernant la fertilisation azotée, c'est avec l'Inra d'Avignon qu'Airinov a développé un outil de télédétection permettant de calculer les apports d'azote. Le système est constitué d'un drone équipé d'un GPS et d'une caméra qui enregistre des images en continu, ainsi que d'un capteur installé au sol, chargé de mesurer la lumière réfléchie par les plantes. Du fait des allers et retours du drone, le système permet de cartographier la parcelle avec une très grande précision et de photographier la plante sous sept angles différents, livrant des information aussi bien sur sa surface foliaire que sur son taux de chlorophylle. Pour l'instant, seul le colza fait l'objet d'un tel traitement. Mais des expérimentations sont en cours sur le blé, l'orge, le maïs et la vigne.

Une fois recueillies, les informations sont analysées et croisées avec les données du Cetiom (centre technique interprofessionnel des oléagineux) afin d'établir des cartes de préconisation moyenne (à la parcelle ou par zonage). Si l'agriculteur est équipé en conséquence, les cartes peuvent être intégrées au boîtier de modulation automatique du tracteur lors de l'épandage. Pour être pertinent, ce type de diagnostic nécessite deux campagnes de vol à l'entrée et à la sortie de l'hiver  pour calculer l'évolution de la biomasse des cultures et définir de façon précise le plan de fumure. Actuellement, près de 10 000 hectares de colza sont ainsi survolés par les drones d'Airinov, pour un coût moyen de 15 euros à l'hectare.

 

Les cartes de biomasse d'Airinov.

Coût élevé

Gadget, le drone ? Pour l'instant, il en a peut-être l'air, mais n'en répond pas moins à un véritable besoin. En effet, selon une enquête réalisée par le Cetiom en 2009, près de la moitié des agriculteurs n'utilisaient aucun outil pour calculer leurs doses d'engrais azoté et 10% se contentaient d'une estimation visuelle du poids des plantes à la sortie de l'hiver. L'optimisation des apports d'intrants a encore des progrès à faire. Reste un problème de taille : le coût du drone lui-même. Si elle permet de réaliser des économies (moins d'apport et plus de rendement), la bestiole coûte de 25 à 35 000 euros, sans compter le prix du logiciel de traitement ni celui de l'ingénierie. Le prix d'une image est aujourd'hui cinq à dix fois plus élevé que celui d'une image satellite. Mais, avec l'émulation due à la concurrence, les coûts devraient fondre. Un nouveau venu sur le marché annonce 20 euros l'heure de vol de drone... sans préciser le coût de traitement des données. Pour l'instant, l'outil reste donc cher. Il n'est rentable que pour les cultures à haute valeur ajoutée, comme la vigne. Les agriculteurs qui recourent à ces outils de précision l'ont compris, qui passent généralement par leur organisme stockeur ou une coopérative. Il n'empêche : baisse des coûts et extension des applications aidant, les drones devraient bientôt offrir un bon retour sur investissement.

Marianne Boilève