Accès au contenu
Bioplastiques

Fabriquer du plastique à base de micro-algues

Si le pétrole vient un jour à manquer, l'humanité ne sera pas sans ressource. C'est ce qu'ont démontré les chercheurs français lors des premières « Rencontres Avenir énergie PME » organisées à Minatec (Grenoble).
Fabriquer du plastique à base de micro-algues

En septembre 2016, une rencontre inédite s'est déroulée au cœur de Minatec, le complexe scientifique de Grenoble. Les instituts Carnot Mines et Energies du futur ont bâti un éphémère village technologique présentant aux entreprises une cinquantaine d'innovations dans le domaine de l'énergie. De la production de chaleur solaire low cost à la culture de micro-algues multifonction en passant par la conversion de l'énergie sonore en électricité ou la production de froid sans givre, les bijoux technologiques exposés dans le cadre de ces premières « Rencontres Avenir énergie PME » dessinent les contours des mutations énergétiques en cours.

Les entrepreneurs ne s'y sont pas trompés. La plupart sont venus là pour découvrir de nouvelles technologies susceptibles d'élargir leur offre industrielle, voire imaginer de nouveaux usages. Selon leurs tropismes, ils s'attardent devant Perspimat, une paroi perspirante constituée de bardage bois qui laisse passer la vapeur d'eau tout en étant étanche à l'air, Carbiorant, une nouvelle génération de catalyseurs capables de produire des biocarburants à partir de biogaz, de biomasse ou de résidus organiques, ou encore devant le système Cryog, un dispositif de purification et de liquéfaction de biométhane qui permet d'envisager de collecter un jour le méthane comme on collecte aujourd'hui le lait.

Les laboratoires sont en recherche d'« industriels motivés » pour développer la biomasse micro-algale.

Dans une allée, Nicolas Le Moigne, enseignant-chercheur au centre des matériaux des Mines d'Alès-Armines, présente Process'Alg, un procédé mis au point par CEA-Tech et les Mines d'Alès, qui génère des biomatériaux à partir de « biomasse micro-algale ». Sur une tablette sont posées des bouteilles pleines de liquide vert et des flacons hermétiques remplis de minuscules bâtonnets noirs, semblables à du Zan. « Il est possible de produire des matériaux plastifiés directement à partir de micro-algues, explique le chercheur. Concrètement, nous cultivons des micro-algues que nous sélectionnons en fonction de leur productivité et de leur réaction au stress : plus elles sont stressées, plus elles produisent des bio-polymères, comme l'amidon par exemple. Une fois qu'elles sont saturées en polymères, on peut les utiliser directement comme un microgranulé de bio-polymère, en y ajoutant des plastifiants pour obtenir des biomatériaux travaillables en plasturgie. » 

Sortir du processus pétrochimique

Actuellement, les chercheurs ont la « preuve de concept » de leur Process'Alg : le procédé est encore expérimental, mais il fonctionne. Il faut maintenant trouver des « industriels motivés » pour le développer. « L'intérêt du concept est qu'il permet de s'extraire de tout ce qui est processus pétrochimique, argumente Nicolas Le Moigne. L'avantage également par rapport au maïs ou à la pomme de terre, c'est qu'avec les algues, nous n'entrons pas en compétition avec les terres arables, tout en obtenant de très bons rendements. »

Plastifuel est un procédé qui permet d'obtenir du fuel avec des déchets plastiques (bouteilles, fûts, films de serre etc.).

En face du stand de Process'Alg, Mohand Tazerout, professeur à l'école des mines de Nantes (département Systèmes énergétiques et Environnement), présente Plastifuel, un procédé qui permet d'obtenir du fuel avec des déchets plastiques (bouteilles, fûts, films de serre etc.). Après broyage, les matières plastiques sont traitées par pyrolyse (process de craquage) : le plastique craqué (grâce à la chaleur perdue d'un groupe électrogène par exemple) se tranforme en gaz qui, une fois condensé, devient du pétrole. Selon le professeur Tazerout, un kilo de plastique peut produire environ un litre de fuel. « Nous n'avons rien inventé : le plastique vient du pétrole. Nous n'avons fait qu'inverser le processus, c'est-à-dire partir du déchet plastique pour refaire du pétrole avec ! » Il suffisait d'y penser.

Marianne Boilève