Fruits rouges : la France en queue de peloton européen
La consommation de petits fruits rouges explose. Le marché européen est essentiellement approvisionné par des importations massives en provenance de pays tiers. La France ne saisit pas ces opportunités pour relancer ses propres filières de petits fruits.

La Chine et la Russie sont les deux premiers pays producteurs au monde de petits fruits rouges (hors fraises), mais leurs récoltes sont essentiellement autoconsommées. Ailleurs, ces filières explosent, portées par des débouchés à l’export. En vingt ans, la production mondiale de framboises a plus que doublé (948 000 tonnes — t), alors qu’elle décline en France (4 500 tonnes en 2023 sur 600 hectares). Or, leur consommation croît fortement comme celle de l’ensemble de petits fruits rouges (groseilles, myrtilles, cassis, etc.). Aussi, le taux d’autosuffisance en framboises n’excède pas 19 % dans l’Hexagone (lire encadré).
Jusqu’à 100 000 €/ha
La grande distribution porte l’essor des marchés des petits fruits grâce à un packaging approprié et à des prix abordables. En France, les petites barquettes sont vendues moins de deux euros. La situation est similaire dans de nombreux pays européens. En conséquence, leur approvisionnement repose sur des importations massives de petits fruits rouges. En Union européenne (UE), elles ont atteint 550 000 tonnes en 2023, après avoir quintuplé en onze ans, selon André Barlier et Jérémy Denieulle1. Seuls quelques pays (Pérou, Chili, Maroc mais aussi Espagne, Portugal ou encore l’Ukraine en guerre) ont saisi l’opportunité de répondre à ces demandes mondiales, en plein essor, en accroissant massivement la superficie de leurs plantations. A contrario, la France se marginalise, alors qu’elle a les capacités de cultiver toutes les variétés de petits fruits rouges consommés. Certes, planter des hectares de petits fruits rouges est onéreux (70 000 à 100 000 €/ha de framboises), mais leur récolte mécanique réduit considérablement les coûts de main-d’œuvre. En fait, l’UE a été prise de court par l’explosion de la demande. « Sa production de petits fruits rouges est en complet décalage », affirment André Barlier et Jérémy Denieulle. En France par exemple, les surfaces se replient. Le taux d’autosuffisance a diminué de six points en dix ans. Et même si la superficie de myrtilles a augmenté de 50 % depuis 2013, leur production n’équivaut qu’à 17 % de la consommation annuelle totale.
Maroc : 3e exportateur mondial de framboises
L’hiver, les petits fruits importés en UE proviennent notamment du Pérou et du Chili, en tête des pays producteurs de myrtilles (446 000 tonnes à eux deux). « Plus de 60 % de la production chilienne (160 000 t) est destinée à l’exportation en frais ou surgelé… vers notamment l’Europe (34,5 %) », analysent les deux auteurs de l’étude. Aux portes de l’UE, le Maroc (3 800 ha en 2022 versus 561 ha en 2013) est le quatrième pays exportateur mondial de petits fruits rouges (52 000 t vers l’Espagne et la France). Il est notamment devenu le troisième exportateur mondial de framboises (sous forme de fruits frais), malgré les contraintes hydriques. Puis suivent la Serbie et la Pologne, dont les fruits sont essentiellement destinés à la transformation. L’Ukraine est aussi partie à la conquête du marché européen des petits fruits rouges (taux de croissance de 110 à15 % par an) suivie par le Kosovo et la Géorgie. En Europe, l’Espagne et le Portugal se sont imposés sur le marché du frais. En dix ans, la production espagnole de framboises a été multipliée par cinq (50 000 t sur 2 500 ha), rapportent André Barlier et Jérémy Denieulle, alors que le Portugal produit 30 000 t de framboises et 19 000 t de myrtilles sur 4 100 ha. Et en réexportant les fruits rouges importés du monde entier, les Pays-Bas sont devenus la plaque tournante du marché européen.
1- Ils sont les auteurs de l’article « Fruits rouges : l’irrésistible ascension sur nos étals » publié dans le Demeter 2025.
Actuagri
Les petits fruits rouges en France
Framboise : 4 500 t sur 650 ha (19 % d’auto-approvisionnement),
Myrtilles : 3 000 t sur 550 ha (17 %),
Groseilles : 2 000 t sur 280 ha (54 %).