Il vulgarise le semis sous couvert

A force d'essayer, de tâtonner, de recommencer, d'échanger, d'attendre pour voir, Max Gros-Balthazard a acquis une certaine maîtrise de la technique culturale du semis sous couvert végétal. A Rives, dans son exploitation de 83 hectares, il s'amuse des systèmes complexes qu'il façonne au grès de ses terres, de ses cultures. La surprise peut être au bout du champ, mais il n'en est pas moins pragmatique, car comme tous les agriculteurs, il garde un œil attentif sur ses rendements.
« L'étape obligatoire est l'intégration des couverts dans les rotations, sinon, ce n'est pas la peine de faire du semis direct sans toute la biodiversité qui va autour ». Des vivaces, il n'en voit presque plus et il se garde bien d'enterrer ses couverts. Toute cette biomasse concentrée sous terre, c'est le liseron assuré.
« Au début, je faisais des couverts avec deux espèces, vesce et avoine, puis j'ai commencé à en ajouter, comme la moutarde ou en enlever. Finalement, je trouve que l'on obtient de meilleurs résultats avec des couverts vivants comme la luzerne, associée au maïs ou au blé et qui, en plus, apportent de l'azote », explique l'agriculteur. Il préconise une activité échelonnée. Devant une parcelle aux couleurs champêtres et prête pour l'hiver, il décrit un système complexe de semis : moutarde, phacélie, sarrasin, pois, soja, vesce, tournesol, radis chinois? « Chaque plante apporte quelque chose de différent et est complémentaire des autres. »
L'agroécologie est indulgente avec l'agriculteur qui sait rester souple. Quand un semis ou un couvert ne fonctionnent pas, si le sol se compacte, l'exploitant n'hésite pas à changer de fusil d'épaule. Un maïs mal parti s'est transformé en couvert, rehaussé de triticales, de pois, de vesce et d'avoine ; il permettra au sol d'attendre jusqu'au printemps. « Le couvert fait tout et les vers doivent avoir à manger en permanence », lance l'agriculteur, bêche à l'appui, pour le fameux test qui permettra de dénicher les colonies de lombrics. Il désigne une parcelle où le maïs est prêt à récolter. « Ici, il y avait le même couvert végétal complexe ; il ne reste plus que la moutarde. Au moment de semer, je ne fais rien, hormis ouvrir une ligne de semis. La nature a mis tout ce qu'il fallait en place pour faire le travail. » L'agriculteur, qui ne passe que le strip-till pour ses semis sous couvert, a acheté son semoir avec deux autres exploitants, en 2003.
Observateur de ses terres
Max Gros-Balthazrad n'est pas avare en conseils, déclare ne jamais planter de maïs plus de deux années de suite dans la même parcelle. Observateur de ses terres, l'exploitant désigne dans un champ de blé semé sur luzerne, les petits monticules de paille rassemblés par les vers de terre en prévision de l'hiver et témoins d'une forte activité biologique.
Il consacre une à deux parcelles aux nouveaux essais de cultures associées, comme le sarrasin et le soja. L'objectif étant de couvrir les sols en permanence tout en évitant de désherber ou de traiter aux insecticides. « Par exemple, il peut être intéressant de récolter le sarrasin en fauchant haut (et à condition qu'il ne verse pas) et de laisser le trèfle blanc et le colza. L'intérêt, c'est de toujours rebondir. Avec la souplesse des assolements, tout est possible. »
L'agriculteur estime le coût de la technique du couvert végétal à 60 euros par hectare, comprenant les semences de ferme principalement, la réduction des fertilisants (abandon des potasses, baisse de 30% des nitrates...), les gains en carburant, en temps. Il n'utilise plus qu'un seul fongicide pour le blé. « Au moment de désherber, je suis le premier du secteur à avoir terminé le travail ! » C'est clair : le couvert représente davantage un atout qu'une contrainte pour Max Gros-Blathazard.
Il estime à quatre ou cinq années le temps qu'il faut pour « restaurer » une parcelle et trois ans pour que les carabes, ces coléoptères prédateurs de ravageurs comme les limaces, ou encore les cloportes et les gros vers de terre commencent à entrer en service. Lorsqu'il prend du recul et considère le chemin parcouru, il s'interroge encore sur les freins au développement de l'agroécologie qui offre pourtant des rendements égaux à ceux de l'agriculture conventionnelle. Pour autant, les exploitants sont de plus en plus nombreux à prendre cette voie, par choix ou par nécessité, lorsqu'ils sont confrontés à des problèmes d'érosion, de ravinement, de limitation des intrants.
Isabelle Doucet
http://agriculture-de-conservation.com/Strip-till-kezako.html