L'agriculture iséroise recrute

Sur le tableau blanc, huit demandes. Un nuciculteur qui cherche quelqu'un pour tailler des noyers, un éleveur de porc et un autre de bovin viande qui proposent un emploi partagé, un troisième en quête d'un agent d'élevage à qui confier la gestion du troupeau, une maraîchère qui a besoin d'un second d'exploitation... La liste des profils recherchés en ce moment par Agri-Emploi Isère reflète la diversité des activités du département.
Moins de main-d'œuvre familiale
Tous les domaines recrutent. Et vont continuer de le faire. Signe des temps : le nombre d'agriculteurs adhérents à Agri-Emploi augmente chaque année. D'une vingtaine en 2010, ils sont passés à 100 en 2017. « Avant, dans les fermes, il y avait beaucoup de main d'œuvre familiale : la mère qui aidait à la traite, le grand-père qui aidait au tri des noix. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, explique Martial Durand, éleveur laitier et président d'Agri-Emploi Isère. Comme les exploitations grossissent, les gens n'arrivent plus à faire face. Ils sont obligés d'embaucher et de mutualiser des salariés ou de passer par nous pour les papiers. Le problème, c'est que la main d'œuvre manque. »
Casse-tête
A cette demande structurelle s'ajoute une petite embellie conjoncturelle, qui a pointé le bout de son nez au quatrième trimestre 2016. Avec des intentions d'embauche en hausse de 2,8 %, selon une note de conjoncture publiée par la MSA, l'agriculture est en quête de main-d'œuvre un peu partout en France. L'Isère ne fait pas exception. Les demandes affluent, mais les candidats ne sont pas forcément légion. Pour Thibault Boucher, c'est un casse-tête quotidien. « Nous avons un souci de recrutement, reconnaît le chargé de mission d'Agri-Emploi Isère. Nous diffusons des offres, mais nous avons peu de candidatures, même sur des postes sympas. »
Système D
Du coup, pour Agri-Emploi comme pour les autres structures chargées de recruter de la main-d'œuvre agricole, c'est un peu le système D. « Il n'y a pas de recette-miracle, confirme Carole Couturier, du Service de remplacement Isère. On essaie un peu tout. On utilise surtout la bourse de l'emploi, mais on travaille aussi avec les agriculteurs et leur réseau sur le terrain. Il arrive que des gens nous appellent pour nous dire qu'ils sont disponibles à tel moment ». Non seulement par esprit de solidarité, mais aussi parce que quelques journées de salariat peuvent constituer un appoint financier intéressant, surtout pour les jeunes.
Candidatures spontanées
Même tactique chez Agri-Emploi. Thibault Boucher recourt à la bourse spécialisée de l'Anefa (37 offres en Isère), à Pôle Emploi de manière anecdotique, et parfois à des sites de petites annonces généralistes. Encore faut-il savoir les gérer. « Il m'arrive de poster des offres sur le Bon coin, mais c'est éphémère, précise-t-il. Si je n'ai pas de réponse trois jours après, c'est mort : je sais que mon offre a disparu, écrasée sous un pile de nouvelles annonces. » Le chargé de mission reçoit aussi des candidatures spontanées, plusieurs chaque mois, pour différents types de poste, essentiellement saisonniers. L'une des plus surprenantes est venue d'un pilote d'avion ayant envie de changer de vie. C'était à l'automne dernier, quand Agri-Emploi cherchait un conducteur de ramasseuse à noix. « Je l'ai embauché les yeux fermés, raconte Thibault Boucher. S'il savait piloter un avion, il saurait conduire une ramasseuse. » De fait, après une formation, le pilote s'est avéré une excellente recrue.
Coup de chance
Le bouche-à-oreille et les réseaux locaux sont également mis à contribution, notamment via les agriculteurs eux-mêmes ou les conseillers de la chambre d'agriculture. Il arrive aussi que les mises en relations se fassent là où l'on si attend le moins. « En février, nous cherchions quelqu'un, relate Martial Durand. Un collègue a discuté un soir avec un gars, dans une pizzeria, et nous l'avons embauché trois jours après. C'était quelqu'un qui avait le projet d'intégrer un Gaec, mais ça n'a pas pu aboutir. Parfois, il suffit d'un coup de bol. » Certains n'hésitent pas non plus à poster des annonces sur les réseaux sociaux. « Ça fait deux fois que je me sers de Facebook pour trouver des gens, témoigne Hervé Billot, le président du Service de remplacement Nord Isère (Sarni). Je lance l'annonce comme une bouteille à la mer. Ce qui est bien, c'est que ça marche par connaissance : quand la personne est recommandée par quelqu'un que l'on connaît, on sait où on va. Mais c'est aussi une question de chance. »
Marianne Boilève
Des intentions d'embauche en hausse
Selon une note de conjoncture de la MSA parue en février, au deuxième trimestre 2017, les intentions d'embauche ont augmenté de 2,4 % tous secteurs agricoles confondus au cours des deux premiers trimestres 2017. Les intentions d'embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi (TODE) dans le secteur de la production ont poursuivi leur progression de 2,1%. Les intentions d'embauche en CDD hors TODE ont augmenté de 2,7 % (+ 3 % au premier trismestre) et celles en CDI progressé de 4,5 %. Sur la même période, les intentions d'embauche se sont orientées favorablement dans les secteurs de la production (+ 2 %), de la transformation (+ 0,7 %), du tertiaire (+ 7,2 %) et des « autres activités de service » (+ 3,1 %).