L'angoisse monte chez les agriculteurs

L'été a été chaud l'an dernier. Il devrait s'annoncer caniculaire cette année. Non en raison du réchauffement climatique, mais parce que les agriculteurs sont à bout. L'année 2015 leur avait été difficile : 2016 sera pire. C'est en tout cas ce que redoutent leurs représentants syndicaux.
Mardi, Pascal Denolly, président de la FDSEA, et Sébastien Poncet, son homologue des JA, ont tiré le signal d'alarme en organisant une conférence de presse à la ferme de l'Aune, une exploitation laitière voironnaise.
« La situation est plus grave que l'an dernier et même qu'en 2009, parce que toutes les productions sont touchées et que ça fait un an et demi que ça dure », a expliqué le président des JA de l'Isère, devant un aréopage de journalistes. « Nous sommes très très soucieux, a renchéri Pascal Denolly. Il y a une vraie angoisse de voir les circonstances de 2015 se perpétuer. »
Après la classe politique au printemps, c'est la presse et donc le grand public que les représentants syndicaux veulent désormais sensibiliser.
Leur objectif : faire comprendre et entendre à la société civile les difficultés du monde agricole. « Non pour jouer les pleureuses : ce n'est pas les images que nous, agriculteurs, voulons donner, s'est défendu le président de la FDSEA. Nous sommes des combattants. Mais il y a des circonstances particulières : là, on ne bouffe pas. »
Parent pauvre
Tous les secteurs sont concernés. En dehors de quelques rares productions, comme la fraise ou la noix, les cours sont tous orientés à la baisse.
Et si les producteurs qui ont opté pour les circuits courts s'en tirent un peu mieux sur le plan économique, ils ne représentent qu'une petite frange de la ferme Isère, qui, selon Pacal Denolly, « ne doit pas être le petit arbre qui cache une forêt ayant déjà perdu ses feuilles ».
Le propos peut surprendre, il n'en reflète pas moins le sentiment que les agriculteurs en filières longues, celles qui sont soumises à la tyrannie des industriels et de la course au prix bas, sont « le parent pauvre », voire « la variable d'ajustement » de la production agro-alimentaire.
« Depuis plusieurs mois, la FDSEA et les JA de l'Isère se battent pour revoir la répartition de la valeur ajoutée au sein des filières », rappelle Sébastien Poncet qui, ces derniers temps, a lui-même participé à plusieurs actions ciblant industriels et distributeurs. Sans succès pour le moment.
C'est bien là où le bât blesse. Car, en dépit des mobilisations syndicales, la tendance baissière amorcée l'an dernier continue de s'accentuer. Et aucune embellie n'est en vue.
La situation ne serait pas si grave si les trésoreries n'étaient à sec, y compris celle des exploitations réputées être solides.
Le Crédit agricole lui-même prétend avoir soutenu certains agriculteurs « au-delà des règles prudentielles ».
Certes, le plan de soutien obtenu par la FNSEA et Les JA en 2015 et le prolongement du « dispositif année blanche » jusqu'au 31 octobre 2016 ont provisoirement apporté une bouffée d'oxygène. Mais depuis, plus rien : c'est l'asphyxie.
Desserrer l'étau des contraintes
Cette crise économique, dont les agriculteurs ne maîtrisent pratiquement aucun levier, se double d'une « crise identitaire provoquée par une multitude d'attaques contre les pratiques qui, au final, ciblent les paysans eux-mêmes », dénoncent de concert les deux syndicalistes.
Et de lister les décisions qui compliquent le métier au quotidien. Concernant l'application des directives nitrates, les mises au norme, le problème du loup ou les projets d'arrêté fixant les mesures à mettre en œuvre pour l'utilisation des produits phytosanitaires, les syndicalistes ne contestent pas la nécessité de certaines dispositions, mais demandent à ce que l'on « desserre l'étau des normes et des contraintes » pour mieux « encourager l'acte de production ».
« Nous avons fait des efforts et sommes prêts à en faire d'autres, mais il faut le faire dans un climat de confiance », a insisté Pascal Denolly, taclant au passage « ces associations qui organisent des conférences pour nous expliquer que la mort est dans le pré ».