Accès au contenu
Solidarité

L'Isère tend la main aux oubliés de Tchernobyl

Un collectif d'agriculteurs du Pays voironnais entretient des liens étroits avec les producteurs biélorusses, pris en étau entre les rigidités d'un régime autoritaire et les conséquences d'un accident nucléaire sans précédent.
L'Isère tend la main aux oubliés de Tchernobyl

Alors qu'un gigantesque sarcophage d'acier est en train d'être posé le réacteur de la centrale de Tchernobyl qui a explosé en 1986, la catastrophe n'en finit pas de faire des ravages. Surtout dans les pays limitrophes, comme la Biélorussie. Heureusement la solidarité, notamment paysanne, continue de jouer à plein. Un collectif d'agriculteurs du Pays voironnais a tissé des liens étroits avec des producteurs biélorusses, originaires des districts de Slavgorod et Braguine, deux territoires fortement contaminés à la suite de l'accident nucléaire de Tchernobyl en 1986. Dans ces contrées très rurales, les habitants mènent une activité agricole privée à des fins d'autoconsommation ou d'amélioration de leur revenu. Certains villages voient cohabiter des producteurs indépendants possédant quelques vaches et arpents à côté de fermes collectives héritées de l'époque soviétique, les kholkozes.

Solidarité paysanne

Ardent partisan de l'économie centralisée, le régime autoritaire du président Loukachenka ne voit pas forcément d'un très bon œil ces initiatives privées : les exploitations peinent à se faire reconnaître et à obtenir les crédits nécessaires pour se moderniser. D'où l'élan de solidarité des agriculteurs européens à leur égard. En 2011, une première délégation biélorusse est venue en Isère, invitée dans le cadre d'une action menée conjointement par Fert, une association française de coopération internationale pour le développement agricole dans les pays émergents, et l'IFRD, une ONG biélorusse impliquée dans le développement rural. Les Biélorusses se sont rendus à la maison de l'élevage à Rives et ont rencontré des éleveurs du Pays voironnais auxquels ils ont expliqué comment ils essayaient de « structurer la production laitière de leur district dans l'idée de permettre aux éleveurs de vivre de leur métier ». Un objectif qui ne pouvait que trouver un écho chez les éleveurs laitiers français...

Depuis 2011, un collectif d'agriculteurs du Pays voironnais s'est lancé dans la coopération avec des paysans biélorusses.
Crédit photo : DR

Depuis, les échanges se sont intensifiés. Aide technique, mutualisation, promotion des produits locaux, vente directe, agritourisme : plusieurs chantiers ont été lancés. A l'initiative de Fert, un travail en direction des maraîchers a notamment été entrepris, l'objectif étant « d'amener les producteurs du district à échanger sur des questions de nature technique afin de favoriser et de renforcer un processus d'organisation autour d'enjeux communs plus structrurants, tels que l'approvisionnement, le stockage, le conditionnement, la mise en marché ou l'équipement en matériel ». En août dernier, Thierry Blanchet, producteur à La Murette et représentant de la chambre d'agriculture de l'Isère, a pu juger de l'impact positif de telles démarches. C'est la troisième fois qu'il se rend en Biélorussie avec une délégation d'agriculteurs français. « Nous avons rencontré des jeunes, et notamment un maraîcher qui cultive 30 hectares et parvient à fournir des grandes surfaces, raconte Thierry Blanchet. Mais là-bas, tous ceux qui réussissent, on les casse. Il faut que nous soutenions ces petits producteurs. »

Chaîne alimentaire radioactive

Le combat ne s'arrête pas là. Lors de ce séjour, les Isérois ont rendu visite à de nombreuses familles rurales. Ce qui les a frappés, c'est la situation sanitaire des plus modestes d'entre elles. Car si les terres cultivées ne posent généralement plus de problème, tout ce qui provient des forêts est encore « gravement contaminé », à explique Janna Decoux, une interprète biélorusse qui s'est installée en Isère. Le bois dont les familles se chauffent, le gibier, les baies et les champignons dont elles se nourrissent, tout est pollué par le Cesium 137 et le Strontium 90. Ce qui n'est pas sans conséquence la santé des populations, surtout celle des enfants. Or il suffit qu'un enfant se déconnecte quelques semaines de cette chaîne alimentaire radioactive pour que son taux de contamination interne en Césium 137 soit réduit de 30%. Il n'en fallait pas plus pour convaincre les agriculteurs du Pays voironnais d'agir en proposant à leurs concitoyens d'accueillir des enfants biélorusses à l'été 2017. Une soirée festive d'information sera organisée en janvier pour lancer l'opération.

Marianne Boilève

 

Accueillir un enfant biélorusse pour les vacances

Faire venir un enfant biélorusse en France, c'est lui offrir une chance de se décontaminer dans un environnement sain.
Crédit photo : DR En Biélorussie, des dizaines de milliers de familles vivent dans des zones dont les sols sont encore fortement contaminés par l'explosion nucléaire de Tchernobyl. Si les autorités se montrent rassurantes, les instituts indépendants, eux, font état de situations critiques, surtout au sein des foyers les plus modestes, qui se nourrissent d'aliments produits dans des potagers familiaux (amendés avec de la cendre contaminée) ou prélevés dans les forêts très contaminées (gibier, champignons, baies...). Les enfants sont les plus gravement touchés, en raison du cumul de Césium 137 dans leur organisme. Thierry Blanchet, un agriculteur isérois qui est allé à plusieurs reprises en Biélorussie, n'a de cesse d'en témoigner. L'été dernier, il a rendu visite pour la troisième fois à une même famille. « Ils ont un fils de 30 ans qui est né quelques mois avant la catastrophe, signale-t-il. Cette année, le garçon a perdu tous ses cheveux. Il est marié, mais ne peut pas avoir d'enfant. Un autre - le fils de notre interprète - est mort d'un cancer généralisé. »
Ces deux jeunes gens n'ont pas eu la chance de bénéficier du mouvement de solidarité européen qui s'est engagé il y a trente ans en faveur des « enfants de Tchernobyl ». En Italie, en Allemagnge, en Belgique ou en France, des centaines de citoyens s'organisent chaque année pour faire venir quelques semaines des enfants biélorusses et leur permettre de se décontaminer naturellement en absorbant une nourriture saine tout en découvrant un univers culturel et familial différent du leur. Les familles iséroises vont bientôt pouvoir se joindre à cette démarche solidaire. « Nous allons proposer aux familles d'accueillir un enfant pendant trois semaines l'été prochain, explique Thierry Blanchet. Pour que la langue ne soit pas une barrière et que le séjour remplisse pleinement son office, nous recherchons surtout des familles avec des enfants du même âge, entre 10 et 14 ans, qui parlent quelques mots d'anglais afin de communiquer plus facilement. » Et à tous ceux qui pourraient s'inquiéter de ne pas savoir comment recevoir un enfant biélorusse chez eux, Janna Joccou, interprète, répond simplement : « Ce sont des enfants comme les autres. Il n'y a pas de gros décalage culturel. Il suffit de faire preuve de beaucoup de tendresse. »
MB
Une soirée festive d'information sera organisée en janvier. Pour en savoir sur l'opération, contacter Thierry Blanchet au 06 82 86 87 25 ou [email protected].