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Crise agricole

La FNSEA choisit ses cibles

Prix du lait, compétitivité, paysage normatif : les sujets abordés par les syndicalistes de la FDSEA et des JA avec Xavier Beulin étaient très denses mardi soir à Colombe. Ils sont pour autant un passage obligé pour mieux comprendre les enjeux de la crise que traverse le monde agricole.
La FNSEA choisit ses cibles

« Ne pas se cacher d'élément de débat » : Xavier Beulin, président de la FNSEA et Dominique Barrau, secrétaire général, ont fait le déplacement en Isère, mardi 4 et mercredi 5 août avec la volonté d'aller jusqu'au bout des explications nécessaires pour décrypter cette crise agricole, quitte parfois à ce que le discours soit très réaliste. C'est surtout la crise du lait qui a alimenté le débat de ce temps fort du syndicalisme, qui a réuni plus de 200 agriculteurs mardi soir à Colombe. Sous le feu des questions, les représentants nationaux ont parlé avec sincérité. Pour Xavier Beulin, c'est tout le système français laitier qui mérite réflexion. « On veut un prix du lait standard, linéaire, à la production comme à la consommation. Il devrait donc y avoir une organisation qui négocie pour les producteurs. » Il touchait ainsi du doigt là où ça fait mal, c'est-à-dire le pouvoir limité des OP face aux industriels et une contractualisation qui ne satisfait personne. Résultat : « Il n'est pas normal de voir le lait du saint-marcellin payé au prix du lait pour le beurre-poudre. »

 

Xavier Beulin, président de la FNSEA.

Cibler les actions

L'engagement pris devant le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll porte sur le « prix suffisant » pour que la somme des prix payés pour les produits de marque (1/3 de la production), les produits MDD (1/3) et ceux exposés au mondial (le dernier 1/3) ne soient pas inférieurs à 340 euros la tonne. C'est le prix « mix produit ». Seul souci, il n'y a guère que la coopérative Sodiaal qui aujourd'hui se soit engagée. « Il faut tanner les industriels pour qu'ils suivent la voie tracée par Sodiaal, sinon elle va décrocher », a exhorté Dominique Barrau, qui invite les agriculteurs à cibler les actions en direction de ceux qui ne jouent pas le jeu « en attendant de trouver des schémas nationaux et européens ». Avec la GMS, ce sont les principaux acteurs visés par les syndicats. «  Pas question d'emm... nos concitoyens », a encore rappelé Xavier Beulin. Si la GMS et la RHD sont ainsi dans le collimateur, c'est parce que les distributeurs savent très bien s'adapter aux cours des marchés européens et mondiaux, profitant des fluctuations de prix bien plus importantes chez nos voisins qu'en France. Or, aujourd'hui, ça baisse. Donc la France importe du lait. La viande bovine n'est pas mieux lotie.

 

Une campagne de sensibilisation pour manger français.

Aberration

L'autre grand sujet qui paralyse l'agriculture reste le poids normatif. « On charge la barque », constate Xavier Beulin. « On a avancé sur les cours d'eau, mais cela a nécessité deux ans de palabres pour arriver à ce qu'un agriculteur puisse curer un fossé sans se retrouver devant un tribunal. » Il dénonce aussi la façon dont les décrets sont parfois transformés ou interprétés lorsqu'ils arrivent dans les départements. Et réclame un réajustement dans l'interprétation des directives européennes comme la directive nitrates où 10% de pente en France ne sont pas les mêmes qu'en Allemagne. « J'encourage aussi les départements où sévit la sécheresse à demander une dérogation pour suspendre les couverts végétaux pièges à nitrates. Il faut amener Bruxelles à se rendre compte que c'est une aberration de la règlementation. » 

Force régionale

Il a largement été question de compétitivité. « Je ne défends pas une agriculture industrielle, mais en maintenant des structures d'exploitation à taille humaine, il faut se donner les moyens d'être plus performants. La taille n'est pas forcément un indicateur, » avance Xavier Beulin. Or, la performance ne passe pas nécessairement par les circuits courts qui ne pèsent que 15% du marché. C'est une solution, mais les circuits longs et le conventionnel concernent la plus grande part des agriculteurs. Il convient surtout de combler le delta sur les coûts de revient qui sépare la France de ses concurrents. La mutualisation a été une piste évoquée, à condition que les projets émergeants, depuis les maternités jusqu'aux méthaniseurs, ne soient pas systématiquement attaqués. Le président a encore fait savoir combien le syndicat est actif sur le plan juridique et le sera d'autant plus qu'il a l'intention de se structurer au niveau régional. « Nous profitons de la réforme territoriale pour nous mettre en situation d'être un interlocuteur reconnu dans toutes les décisions qui devront être prises en matière d'installation, de développement économique, de filières, d'aménagement du territoire et d'énergie, » a-t-il insisté.

 

Plus de 200 agriculteurs sont venus échanger sur les raisons de la crise agricole.

Bruxelles en septembre

Enfin, pour Dominique Barrau, la sortie de crise s'effectuera en plusieurs temps. A court terme, il s'agit de régler les situations d'urgence des exploitations exsangues en procédant à des allègements de charges. A moyen et long terme se posent les questions de la traçabilité, de la contractualisation et du normatif.

Il y aura donc encore des actions bien ciblées dans le département d'ici fin août, à commencer par celle de ce mercredi 5 août, car les éleveurs isérois se disent à bout. Le président de la FNSEA a quant à lui donné rendez-vous à Bruxelles le 7 septembre prochain à l'occasion du conseil des ministres européens exceptionnel demandé par la France. Il y a fort à parier que les paysans sauront faire entendre leur voix. Seront-ils écoutés ?

Isabelle Doucet

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