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Forêt

La forêt de montagne cherche une reconnaissance

Les acteurs de la filière bois en Isère recevaient le 15 mai dernier Jean-Yves Caullet, le président de l'Office national des forêts (ONF). Chacun a pu exprimer ses attentes.
La forêt de montagne cherche une reconnaissance

 

Morcelée, peu structurée, la filière bois française peine à être reconnue. Pourtant, le massif français, avec ses 16,3 millions d'hectares se situe en quatrième position européenne et représente 10% du territoire. A la présidence de l'ONF, le député-maire Pierre-Yves Caullet est un ardent défenseur des atouts de la forêt nationale. Auteur, en juin 2013, d'un rapport sur les défis de la filière bois et forêt préparatoire à la loi d'Avenir agricole, il est membre de la commission Développement durable et aménagement du territoire et veille à ce que la forêt ait la place qu'elle mérite dans le cadre de la future loi.

En visite en Isère, où il a rencontré les différents acteurs de la filière, le président de l'ONF a insisté sur le fait qu'il ne saurait y avoir « une bonne valorisation des forêts sans une bonne valorisation des produits aval ». Le souhait partagé par tous serait de voir les importations de bois se replier au profit de la valorisation des variétés nationales, dans un cadre « où le bois énergie ne soit pas un concurrent, mais un élément de valorisation ».

Jean-Yves Caullet, le président de l'Office national des forêts et David Bosch, le nouveau dirigeant de SDCC.

Seconde transformation

Le président de l'ONF a souligné l'importance des activités de seconde transformation, « clé de tout le reste de la filière ». Il a mis l'accent sur la responsabilité des donneurs d'ordres et sur la nature des appels d'offre. En effet, au moment de l'élaboration de son rapport, le député a été rapidement confronté à la rivalité, en termes de prix, entre bois et béton, deux matériaux qu'il est pourtant facile de marier en jouant sur leurs complémentarités. Jean-Claude Mattio, le fondateur de l'entreprise SDCC à Varces-et-Allières, qui accueillait la délégation, a noté que l'utilisation du bois ne peut se faire au hasard, mais doit répondre à un calcul économique et technique. L'entrepreneur n'oublie pas non plus le réseau des négociants, qui préfèrent souvent, par facilité, travailler avec des bois d'importation que des bois locaux. « C'est une filière très satellisée, contrairement au béton où il y a deux ou trois groupes leaders, faisait remarquer le dirigeant, un des pionniers du réseau professionnel Créabois en Isère. Il nous revient de réunir nos forces et de se donner des axes, avec une bonne communication », a-t-il souligné. Bien entendu, pour Jean-Yves Caullet, la mise en synergie de la forêt privée et de la forêt publique en France « a du sens » et peut-être permettrait-elle de surcroît de faire évoluer la problématique du feuillus.

Jean-Claude Mattio, le créateur de l'entreprise SDCC et les représentants de l'ONF en Isère.

Des dessertes

Les acteurs présents à l'occasion du déplacement du président de l'ONF en Isère ont également pointé les problèmes particuliers qui touchent la forêt de montagne. Les Alpes, couvertes de 1,2 million d'hectares pentus de forêt, multiplient les contraintes avec pour conséquences un manque de dessertes, de reboisement et des taux de prélèvement faibles. Les bois sur pied vieillissent, la rentabilité n'est pas au rendez-vous. L'Isère n'investit en moyenne en travaux que 15 euros par hectare en forêt privée et 25 euros par hectare en forêt domaniale, contre 25 à 30 euros en région Rhône-Alpes. Surprotégée, handicapée par un mitage parcellaire, menacée par un déséquilibre sylvo-cynégétique, la forêt iséroise n'est pas au top de sa forme. « Avec pour conséquences un cours des petits bois qui a dépassé celui des gros bois, des scieurs qui s'approvisionnent ailleurs et des chefs d'entreprise qui manquent de visibilité », a lancé Michel Cochet, le président de Créabois et dirigeant de la scierie BDD au Cheylas. Si les interpros tentent de consolider la filière, notamment en région, elles sont aussi porteuses d'attentes fortes et pressantes concernant le financement des dessertes, du reboisement, la réduction des contraintes environnementales et le retour à un équilibre sylvo-cynétique. Mais surtout, les organisations réclament l'introduction de la spécificité montagne dans la Loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, au regard de deux enjeux d'intérêt général pour la sylviculture : la production et l'approvisionnement des industries de la filière bois locale ainsi que  la pérennité de l'exploitation forestière de montagne.

Projets de groupements

Pour aller plus loin dans ces aspirations, Xavier Martin, directeur du Centre régional de la forêt privée française (CRPF) Rhône-Alpes, a fait part du souhait des propriétaires forestiers - ils sont 460 000 en région, dont 25% en Isère - de voir le Plan de gestion devenir le seul document de référence de la gestion forestière. Celui-ci permettrait ainsi de prévoir les coupes et les travaux, les volumes à mettre en marché, la mise en place des politiques forestières, ou de favoriser l'adéquation entre la vocation des propriétés forestières et la demande des industriels. Le directeur du CRPF rappelle également que les GIEFF*, introduits par la future loi, sont favorablement accueillis par les propriétaires privés. Il y aurait déjà 13 projets en région et le CRPF en espère 50 d'ici 5 ans, à la condition cependant de trouver des fonds pour l'amorçage.

Rassurant, Jean-Yves Caullet a souligné l'élan qui porte la filière, à travers l'élaboration d'une loi et la structuration des organisations professionnelles, patrimoniales et des communes forestières. Pour lui, la loi d'avenir revêt plusieurs points importants : elle propose des mesures pour mobiliser la propriété morcelée, notamment avec la mise en place des GIEFF. Elle comporte un volet destiné à reconnaître l'utilité publique et les missions de la forêt, dont celle environnementale, « ce qui permet d'ouvrir des champs de financements pour la forêt et ses services rendus ». De plus, elle introduit le débat public sur la définition des stratégies régionales et nationale dans la gestion des forêts par massifs. Enfin, elle prévoit la création d'un fonds stratégique.

Isabelle Doucet

* Les Groupements d'intérêt économique et environnemental forestiers (GIEFF) encourageront les regroupements de propriétaires forestiers à l'échelle d'un petit massif pour une gestion forestière coordonnée permettant une meilleure mobilisation du bois et une meilleure performance environnementale. (projet de loi)

 

La forêt en Isère

Elle représente plus de 254 000 hectares et couvre 34% du département. Elle est composée de 50% de feuillus et de 50% de résineux. Il s'agit à 70% de forêts privées. Une commune sur deux est forestière.

La filière exploite 500 000m3 de bois par an dont 400 000m3 en montagne. Pas moins de 3 000 entreprises emploient 10 000 personnes. Mais seules deux scieries sur 46 peuvent transformer plus de 80 000m3 de grumes.

 

L'ensemble de la production de SDCC est réalisé sur ses deux sites de Varces-et-Allières à proximité de Grenoble.

 

Construction bois /

SDCC la pionnière

Créee en 1981 par Jean-Claude Mattio à Varces-et-Allières, l'entreprise de construction bois SDCC (charpente, ossature bois, couverture et vêture) est devenue un acteur majeur de son secteur. Elle est fortement présente sur la commande publique et dans les grand projets industriels ou tertiaires. SDCC a ainsi réalisé le siège mondial de Rossignol à Moirans, la salle de spectacle La belle électrique à Grenoble, mais aussi des logements au Cheylas ou de nombreux collèges du département, en rénovation ou en construction. L'entreprise emploie 45 salariés et réalise un chiffre d'affaires de 11,5 millions d'euros. L'ensemble des bois massifs qu'elle utilise provient de la filière bois locale à laquelle ses dirigeants ont toujours cru, allant jusqu'à anticiper sur son développement.
L'entreprise s'est aussi équipée pour répondre à toutes les demandes de façon souple et transparente. Elle dispose ainsi de quatre lignes de fabrication en parallèle et assure la réalisation de ses chantiers depuis le bureau d'étude jusqu'à la pose en passant par la découpe. « Aujourd'hui, nous n'avons plus de problèmes d'approvisionnement », constate Jean-Claude Mattio. Pour l'entrepreneur, les choses ont radicalement changé depuis 10 ans. A forces de partenariats locaux, notamment avec la scierie BDD, qui au même titre qu'Eymard, a su se doter d'outils pour la transformation du bois, le secteur a évolué, parvenant à démontrer la possibilité de grandes réalisations en bois locaux. L'enteprise réalise une cinquantaine de chantiers par an. Avec le même sens de l'anticipation, Jean-Claude Mattio a assuré sa succession en transmettant, sur plusieurs années et en douceur, l'entreprise a son associé, David Bosch.