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Sanitaire

La guerre à la dermatose nodulaire est déclarée

Lors des réunions d’information sur la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) organisées par le GDS et la DDPP, les questions des éleveurs, qu’ils soient situés dans ou hors de la zone réglementée sont nombreuses et précises.

Par Isabelle Doucet
un salle avec du monde
Les éleveurs sont venus nombreux à Brezins, comme dans toutes les réunions organisées par le GDS et la DDPP, pour avoir les dernières informations sur la dermatose nodulaire contagieuse.

Beaucoup d’interrogations, une inquiétude palpable et des réponses encore insuffisantes : les éleveurs se déplacent nombreux pour assister aux réunions d’information organisées par le Groupement de défense sanitaire de l’Isère (GDS) et la Direction départemental de la protection des populations de l'Isère (DDPP) au sujet de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) qui touche les bovins et dont les foyers se multiplient en Savoie et Haute-Savoie, dans les communes d’Entrelacs, de Massingy et de Marigny-Saint-Marcel depuis le 29 juin.

Ils étaient une cinquantaine au Cheylas et 150 à Montagnieu, le 4 juillet, plus de 80 à Brézins le 8 juillet et encore nombreux à Miribel-les-Échelles et Claix les 9 et 11 juillet.

« C’est une maladie bien plus impactante que la FCO, a déclaré en préambule Sébastien Simian, le 8 juillet dans la Bièvre. Nous prenons des mesures chaque jour différentes car nous en apprenons tous les jours. »

Il a indiqué que toutes les questions des éleveurs – nombreuses et pointues – permettent d’alimenter une banque pour répondre au mieux et au plus vite à l’ensemble de problématiques posées.

Jean Papadopulo, vice-président du Département en charge du bien-être animal et vétérinaire a ajouté : « C’est tous ensemble que nous trouverons des solutions pour limiter cette maladie terriblement contagieuse. »

Gérer l’inconnu

La DNC est en effet une maladie jusqu’alors inconnue en Europe et originaire d’Afrique. Nul ne sait encore comment elle est arrivée en Savoie.

L’enjeu, comme le souligne Jean-Luc Delrieux, le directeur de la DDPP, est de « gérer l’inconnu ». Il parle d’une « guerre sanitaire qui commence en France à tous les niveaux ». Il ajoute : « Notre seule préoccupation est de bloquer l’activité et de mettre en sécurité le plus de choses possibles en ne sachant pas comment ça fonctionne. »

D’où des arrêtés préfectoraux qui s’ajustent au fur et à mesure que la connaissance du terrain s’affine.

« C’est une maladie qui implique chacun d’entre nous. Il faut que chacun prenne ses responsabilités, a déclaré Sébastien Simian. Des négociants ont proposé " des solutions alternatives " ; ils ont eu des contrôles dans la journée. Car le T0 chez nous sera le T de fin de l’élevage en Isère. Oui, garder des petits veaux laitiers plus de 45 jours représente une moins-value économique et pour ma part, je ne sais pas comment je vais faire avec des vêlages qui arrivent tous en même temps. Mais mieux vaut charger nos nurseries pendant quelque temps pour éradiquer la maladie plutôt que de faire n’importe quoi. »

Les mouvements interdits

Les difficultés soulevées par les éleveurs portent surtout sur les mouvements d’animaux. En zone réglementée — 50 km autour du foyer infecté — il est possible de les envoyer à l’abattoir dans leur zone. « Mais il faut que le vétérinaire ait vu les animaux d’un même lot 72 heures avant », précise Françoise Hugon, cheffe de service de la DDPP.

Pour l’heure, les éleveurs isérois des 117 communes de la zone concernées doivent fournir plusieurs documents : fiche d’information, attestation du vétérinaire, engagement pour le nettoyage et la désinfection.

Ces documents, envoyés à [email protected], devraient être harmonisés à l’instar des autres départements.

En revanche, les mouvements de bovins à partir de la zone ou à destination sont interdits. En interne, ils peuvent s’effectuer sur dérogation de la DDPP et sous certaines conditions strictes, ce qui pose d’énormes problèmes aux éleveurs pour alimenter leurs bêtes.

De même que pour les alpages où les éleveurs de la zone qui ne sont pas montés à temps ne pourront pas le faire. L’épandage du fumier est également interdit.

La plus grande des recommandations adressée aux éleveurs est d’appliquer des mesures de biosécurité adaptées (désinsectisation des véhicules, limitation du nombre de personnes fréquentant l’exploitation etc.).

L’influence sur les cours de la viande de cette maladie, sur le respect du cahier des charges des produits sous AOP ou IGP, sur la gestion des troupeaux a été largement débattue, les services de l’État ayant le souci de répondre à chaque problématique soulevée.

La MSA a rappelé les services mis en place pour répondre en cas de crise, dont son numéro d'appel du service social : 04 76 88 76 20.

Néanmoins, il est rappelé que hors zone réglementée, aucune restriction ne s’applique, mais la surveillance et l’application de mesures de biosécurité restent primordiales pour préserver l’état sanitaire de la zone.
Isabelle Doucet

Questions / Réponses

4 hommes une femme
Jean-Luc Delrieux, directeur de la DDPP, sous le feu des questions.

Combien de temps un insecte est-il porteur du virus ?
Françoise Hugon : « Les insectes sont des vecteurs mécaniques, qui font un repas de sang par jour. Après 3 à 7 heures, il n’y a plus de virus sur l’insecte. Si des bovins côtoient des chevaux et que l’insecte finit son repas sur un équin, il y a un effet de dilution sur les autres espèces, qui ne représentent pas un risque direct. » Les autorités précisent que les animaux sauvages de nos latitudes ne sont pas sensibles à la DNC.

N’y a-t-il pas un risque avec les concours équestres ?
Françoise Hugon : « Le risque de diffusion est extrêmement limité. Ce sont des animaux très désinsectisés et il y a peu d’inquiétude. S’il n’est pas indispensable d’annuler les rassemblements d’ovins et d’équins, en revanche, si une manifestation est annulée pour une espèce, c’est bien qu’elle le soit pour les autres. D’autant qu’il peut y avoir des exploitations mixtes. »
Jean-Luc Delrieux : « Il est en effet compliqué de laisser se dérouler des manifestations quand d’autres éleveurs sont dans des états de souffrance, mais les organisateurs ne sont pas des agriculteurs. Ils seront contactés par la DDPP. »

Quel contrôle pour les cirques ? Un arrêté préfectoral est-il envisagé ?
Jean-Luc Delrieux :
« Les DDPP des départements d’origine des cirques savent quelles espèces ils détiennent (N.D.L.R. : l’inquiétude porte sur les zébus et buffles sensibles à la DNC). L’arrêté en vigueur interdit le mouvement des espèces sensibles dans les zones de surveillance. Mais il n’est pas possible de produire un texte d’interdiction hors du droit. »

Si un troupeau est touché, comment se déroulent les indemnisations ?
Françoise Hugon : « Ces dossiers bénéficieront d’une instruction prioritaire. Si un abattage doit avoir lieu, deux experts choisis par les éleveurs dans une liste qui leur est proposée se déplacent dans l’exploitation. Certains experts sont des éleveurs compétents sur certaines races. Nous recherchons d’ailleurs des volontaires pour les renouveler. D’autres experts sont des professionnels du secteur agricole. Ils sont neutres, sans lien commercial ni familial avec l’exploitation touchée. Sur place, ils évaluent la valeur des animaux au jour de l’abattage. Ils estiment notamment les pertes de lait dans les exploitations laitières, mais pas la valeur ajoutée s’il y a de la transformation. Il y a aussi une indemnisation pour frais de renouvellement. En revanche, le fonds FMSE n’a pas été déclenché à ce jour. »

Quelle fiscalité pour les indemnisations ?
Jean-Luc Delrieux :
« La question fiscale est bien prise en compte. En cas d’indemnisation, il ne s’agit pas de payer des impôts sur une somme qui vient compenser un problème. » Il ajoute : « La Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) a ouvert un chantier sur l’indemnisation des pertes indirectes. Il est important de faire remonter les exemples pour mettre en place des dispositifs au plus proche de la réalité des éleveurs. »
MSA Alpes du Nord : « La MSA a demandé à neutraliser les indemnisations d’un point de vue fiscal. Pour l’heure, sera intégrée dans les bénéfices la différence entre le montant des indemnisations et la valeur du stock de la partie du cheptel concerné. »

Comment cela va-t-il se passer avec les déclarations PAC et le chargement, car on risque ne pas toucher l’ICHN si on ne monte pas en alpage ?
Jean-Luc Delrieux : « La reconnaissance de circonstance exceptionnelle a bien marché pour la FCO8 et je ne pense pas qu’il en sera autrement pour la gestion de la DNC. »
René Féchoz-Christophe, président de la MSA Alpes du Nord : « En Savoie, la chambre d’agriculture, la FDSEA et les JA ont fait une demande de dérogation pour le chargement. »

D’où vient le premier cas savoyard ?
Françoise Hugon : « Nous ne le savons pas. Il n’y a pas eu d’introduction de bovin venant d’Italie. Peut-être s’agit-il tout de même d’animaux mis dans des parcs – par des négociants ? – sans avoir été notifiés. L’origine de l’arrivée de la maladie en Sardaigne n’a toujours pas été trouvée. Pourtant, il n’y a pas de libre circulation des animaux. Ils sont normalement tracés. »

À quand la vaccination ?
Jean-Luc Delrieux : « La vaccination de crise est une procédure administrative lourde car le stock d’urgence vient d’Afrique du Sud. Mais il n’y aura pas les volumes nécessaires pour traiter les 18 millions de têtes de bovins français. Il faudra faire un choix de stratégie vaccinale concerté et ne pas se tromper car ce stock est précieux. Pour retrouver un statut indemne dans un temps court, il faut surveiller, être vigilant, alerter et procéder à des abattages totaux. Le reste, c’est du temps long. C’est celui de la commande publique. Le ministère de l’Agriculture a déjà pris attache avec des laboratoires privés pour lancer une production massive de doses. Les Balkans ont mis deux ans pour s’en sortir avec la vaccination. Attention aussi aux fausses informations, il n’y a pas de vaccination en Suisse, qui n’a pas accès au stock de crise. Le zonage englobe la Suisse qui respecte les mêmes contraintes que nous. »

 

 

La dermatose nodulaire contagieuse (DNC)

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Françoise Hugon, cheffe de service à la DDPP, et Aurore Tosti, directrice du GDS38.

Aurore Tosti, la directrice du GDS38, rappelle la nature de cette maladie typique des bovins. Elle précise que les petits ruminants et les équidés n’y sont pas sensibles.

La DNC n’étant pas une zoonose, elle ne peut être transmise de l’animal à l’humain. C’est un virus résistant qui peut rester plus d’un mois dans les nodules cutanés ainsi que dans tout ce que le bovin émet : lait, sperme, salive, croûtes etc.

La première source de transmission est les animaux infectés. Les vecteurs sont les insectes piqueurs : stomoxes ou mouche charbonneuse et taons.

Buveurs de sang, ils véhiculent le virus d’un animal à l’autre, mais restent localisés à un même lot d’animaux.

Les principaux risques de contagions sont donc les déplacements d’animaux, ou le transport d’insectes piqueurs dans des véhicules ayant fréquenté des sites où la maladie s’est déclarée.

Une urgence sanitaire

« Le souci est la durée d’incubation », déclare à son tour Françoise Hugon, cheffe de service à la DDPP.

Car les symptômes apparaissent entre 4 et 14 jours après la piqûre, parfois jusqu’à 28 jours après.

Elle précise que lorsqu’un animal est touché dans un lot, la propagation est très rapide et générale. « Sur un cheptel, 90 % des animaux seront malades, 30 % peuvent en mourir et les 10 % restant sont porteurs du virus. »

Les animaux infectés, outre les nodules de 0,5 à 5 cm sur tout le corps, peuvent aussi avoir les mamelles durement touchées, des escarres, des plaies infectées, présenter des troubles digestifs, une conjonctivite puis dépérir.

Classée en catégorie A, maladie exotique, la DNC fait l’objet d’une obligation d’éradication. « Il ne faut pas laisser la maladie s’installer, insiste la responsable. C’est une urgence sanitaire pour laquelle il faut agir le plus vite possible. »

Tous les prélèvements effectués en cas de suspicion sont envoyés en urgence au laboratoire du Cirad à Montpellier, qui opère 7 J/7 et H24 en cas de crise. L

e GDS38 précise que si c’était le cas en Isère, une navette serait mise à disposition pour acheminer les prélèvements.

En cas de suspicion, il convient d’alerter le vétérinaire pour effectuer un prélèvement. Dans l’attente des résultats, des mesures conservatoires seront prises.
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