La PAC 2020 sera « résiliente » pour les agriculteurs

Les agriculteurs sont venus avec des attentes, les élus avec des propositions et le Commissaire européen, des engagements.
Les échanges ont été nourris jeudi dernier à Lans-en-Vercors en Isère, lors de la tenue du Global Food Forum, cette conférence organisée par le think tank Farm Europe qui a pour ambition d'être force de proposition dans la construction de la PAC 2020.
Les participants ont exploré toutes les pistes à la conquête « d'une agriculture dynamique au cœur des territoires ».
Le député européen Michel Dantin, a rappelé les conditions de l'exercice.
« Le Parlement européen est traversé par deux groupes de pensée » en indiquant que « l'Europe du Nord avait beaucoup influé sur la PAC du temps de l'Europe des 15 ».
Les choses ont évolué et des think tank comme Farm Europe sont de nature à porter la parole des pays de l'Europe du Sud avec comme chefs de file la France et l'Italie.
« La PAC représente une grande chance pour l'agriculture »
Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, était au rendez-vous pour faire entendre les ambitions des chefs d'exploitations pour la prochaine PAC.
Le message est clair : « La PAC représente une grande chance pour l'agriculture ».
Indemnités compensatoires, accompagnement rural, développement territorial, « les dispositifs pour construire des projets de territoire existent ».
Pour autant, la présidente du premier syndicat d'exploitants agricoles a rappelé quels ont été les objectifs premiers de la PAC, bien avant les questions territoriales et environnementales : « la priorité de la PAC, c'est la sécurité alimentaire ».
Ses ambitions pour la PAC 2020 sont une agriculture productive, compétitive, durable, résiliente et ancrée dans son territoire.
Elle a insisté sur l'importance du volet économique de la PAC décliné dans le premier pilier.
« Nous espérons qu'il y aura des outils de résilience dans la PAC »
Cependant, pour être compétitive, l'agriculture doit savoir s'adapter aux nouveaux paradigmes qui tiennent à la volatilité des marchés et à l'imprévisibilité des prix.
« Nous espérons qu'il y aura des outils de résilience dans la PAC », a-t-elle lancé, reprenant une expression chère au Commissaire européen Phil Hogan et à Farm Europe qui désigne la capacité de l'agriculture à rebondir.
Elle a fait valoir des outils assurantiels, des outils de contractualisation, des outils pour favoriser le stockage de l'eau et l'irrigation afin d'accompagner le changement climatique, mais aussi pour constituer une épargne de précaution.
Elle souhaite aussi l'introduction d'éléments de conditionnalité dans les Mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), « pour tirer vers le haut la réponse environnementale » (...) « en association avec la réponse économique ».
Christiane Lambert se montre très vigilante quant aux risques d'amputation du budget de la PAC, un budget convoité aujourd'hui au titre de l'aide aux migrants ou de la défense européenne.
Priorité économique
Michel Dantin, veut tenir compte des leçons du Brexit pour rebâtir « une Europe plus proche du citoyen » et « gommer le sentiment d'une Europe technocratique ».
Il a fait un point sur le calendrier à venir.
Trois ans après la mise en œuvre de la PAC 2014-2020, un texte omnibus financier viendra corriger certaines erreurs.
Reste à construire les grandes orientations de la PAC 2020, dont les premiers textes sortiront à l'automne.
Il y a donc urgence à faire valoir les points de vue. Michel Dantin, entend défendre « le pouvoir de négociation de la production ». Il désire « faire évoluer le droit de la concurrence afin qu'il soit plus favorable aux organisations agricoles ».
Il ajoute : « Sinon, comment lutter face aux grandes centrales d'achat ? »
Comme Christiane Lambert, il plaide pour le maintien de la priorité économique dans les politiques appliquées aux territoires fragiles.
« Veut-on le loup ou une agriculture de montagne ? »
Pour Herbert Dorfmann, député européen Italien, il faut « avoir le courage de revoir le premier pilier de la PAC du point de vue de la montagne ».
Son souhait : que le système d'aides du 1er pilier ressemble davantage au deuxième « avec des indemnités compensatoires où un hectare correspond à un rendement ».
Il défend également le principe d'une aide au développement rural, « fondamentale pour la montagne » car elle permet de créer les conditions pour vivre dans ces territoires.
Il propose la mise en œuvre d'un deuxième plier « plus simple et mieux administré » au service d'une agriculture productive avec des produits différenciés, capables de dégager de la valeur ajoutée et de trouver leur place sur les marchés.
Il suggère la création « d'une aide spécifique pour ceux qui transforment le lait ».
Enfin, le député italien ne tergiverse pas avec le loup. « Veut-on le loup ou une agriculture de montagne ? interroge-t-il. Il faut prendre une décision, trancher, les deux ne sont pas possibles ».
Travail coopératif
Le commissaire européen Phil Hogan a donné ses priorités pour la prochaine PAC.
« Il existe des outils mais ils ne sont pas suffisants pour faire face aux perturbations du marché ».
Il désire « rendre le secteur plus résilient » et « fortifier la structure ».
Il n'a pas manqué d'égratigner au passage l'Administration française en déclarant « que les Etats membres devraient investir dans leurs systèmes informatiques » afin de faciliter la récupération des fonds.
Renouvellement des générations
Défenseur des paiements directs, il estime qu'ils jouent « un rôle déterminant » pour la compétitivité du secteur, notamment en facilitant « le recours aux outils de gestion des risques ».
Sur la durabilité, Phil Hogan a donné les orientations des futurs programmes de développement ruraux, à travers le deuxième pilier de la PAC. Des aides pourraient servir à « améliorer la mise en pratique des connaissances par les agriculteurs et la coopération ».
Enfin, sa troisième priorité est d'encourager le renouvellement des générations.
Phil Hogan a également annoncé son espoir qu'aboutissent les propositions d'actions de la Commission européenne concernant les mesures de lutte contre les pratiques commerciales déloyales (PCD) et l'amélioration de la transparence des marchés qui sont une très forte demande de la profession.
Isabelle Doucet
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