Accès au contenu
Regards

Congrès FNSEA : La place de l’agriculture dans un monde qui bouge

À l’échelle internationale, locale ou privée, les mutations du monde interpellent les agriculteurs. Trois experts se sont succédé pour répondre à la question « Comment naviguer en responsabilité dans l’incertitude ? ».

Par Isabelle Doucet
Congrès FNSEA : La place de l’agriculture dans un monde qui bouge
"Comment naviguer en responsabilité dans l'incertitude" a été le thème abordé par trois experts lors du congrès de la FNSEA.

« L’autonomie est vue comme une ardente obligation. » Le géopolitologue Pascal Boniface est intervenu lors de la table ronde organisée le 27 mars, au troisième jour du congrès de la FNSEA de Grenoble (Isère), avec une analyse sans concession quant à la situation de la planète.

« Ne pas sacrifier l’agriculture »

Car le monde change, touchant la sphère privée, professionnelle et tout l’environnement. « Il n’y a pas d’affaire qui soit étrangère », a déclaré Pascal Boniface qui ajoute : « Les véritables révolutions stratégiques sont rares, mais nous sommes en train d’en vivre une ». L’accession de Donald Trump au pouvoir de la première puissance économique et militaire mondiale rebat les cartes des équilibres mondiaux. L’axe Washington-Moscou qui se dessine oblige les Européens à s’organiser. Le mépris des États-Unis envers le vieux continent peut être apprécié comme « une émancipation ». « Les vieilles thèses françaises sur l’autonomie soutenues par le général de Gaulle et considérées comme un piège sont aujourd’hui prises en considération », estime le politologue. Il reprend l’adage des agriculteurs : « Ne pas importer en Europe des produits que l’on n’a pas le droit de produire. Les instances européennes ont trop longtemps voulu protéger les consommateurs et pas assez les producteurs. Il faut voir les produits que nous pouvons cibler pour résister ». Si la priorité est « de constituer une base industrielle et technologique », Pascal Boniface insiste sur le fait « qu’il ne faut pas méconnaître nos intérêts » et donc « ne pas sacrifier l’agriculture », car la puissance alimentaire est un atout européen.

Une société urbaine qui se ruralise

De son côté, le sociologue Jean Viard s’est intéressé à « la société urbaine qui se ruralise », s’appropriant « un discours sur l’économie, les modes de vie et une définition de la campagne » selon leur prisme, largement répercutée dans les médias. Il en résulte « des concurrences sur les territoires ». Pour casser ces certitudes qui se développent, il conseille aux agriculteurs « d’intégrer plus de gens qui ne sont pas du monde agricole dans vos questions », de les inviter dans les fermes, pour que « celui qui mange connaisse celui qui produit ce qui mange ».

Enfin, dans un monde qui bouge vite, les réseaux sociaux le font encore plus vite. Problème « vous êtes très exposés face à des militants très organisés », assure le spécialiste des réseaux Julian Perez, de Visibrain1. Incontournables, les réseaux sociaux présentent des risques : cyberharcèlement, réputation, surcharge mentale. Alors, pour naviguer sans être submergé, l’expert conseille d’éviter de donner trop de détails sur son exploitation, de poster avec prudence et d’anticiper les réactions, s’entourer d’autres agriculteurs et profiter de sa communauté. Quel que soit le réseau sur lequel l’agriculteur publie, Tik Tok où l’expert a repéré 42 profils d’agri influenceurs (plus de 8 000 followers), Facebook, Instagram, Youtube, LinkedIn ou encore Snapchat, la règle de base reste « répondre avec honnêteté, sincérité et transparence », le meilleur moyen de fédérer une communauté.

Isabelle Doucet